La Poste aura fort à faire dans les semaines à venir. Et pour cause, il lui faudra distribuer des lettres recommandées à la pelle. Après le relèvement, vendredi, du taux d'intérêt de référence pour la deuxième fois cette année, de nombreux locataires recevront une augmentation de loyer. En cas de contestation, la valse des recommandés reprendra, dans le sens inverse cette fois.
Le loyer peut augmenter de 3% pour chaque quart de point de pourcentage du taux d'intérêt de référence, et seulement si le bail est basé sur un taux de 1,5% ou moins. Cela concerne entre autres tous les logements occupés après juin 2017. En principe, environ la moitié des ménages locataires sont touchés. Mais tous les bailleurs ne répercutent pas forcément la hausse.
Et s'ils le font, ils peuvent aussi y ajouter une partie du renchérissement et des augmentations générales des coûts. Ainsi, les 3% réels doublent rapidement. Pour un appartement de 2500 francs par mois, cela représente par exemple un surcoût annuel de 1800 francs.
«Ça fait mal», déclare Michael Töngi, vice-président de l'Association suisse des locataires (Asloca). Selon le conseiller national des Verts lucernois, ce sera «très dur» pour les personnes pour lesquelles chaque franc compte.
Le vice-président rappelle qu'au même moment, les prix des loyers ont fortement pris l'ascenseur dans les villes. Avec l'augmentation de juin, les loyers risquent d'enregistrer jusqu'à +10%. La hausse peut être exigée au plus tôt à partir de la prochaine date de résiliation normale. Dans la plupart des cas, à partir du mois d'avril 2024.
Et les locataires ne sont peut-être pas au bout de leurs peines. Certes, les experts ne sont pas d'accord sur la question de savoir s'il faut s'attendre à une nouvelle augmentation l'an prochain. Mais tout porte à croire que le taux d'intérêt de référence devrait à nouveau grimper. La principale raison invoquée: le taux d'intérêt négatif, qui a entraîné des taux hypothécaires records. Il faut désormais racheter ces hypothèques avantageuses.
Pour une hypothèque de cinq ans, la moyenne se situe actuellement autour de 2,5%. A titre de comparaison, celle-ci était souvent inférieure à 1% en 2019. Et toutes ces hypothèques doivent désormais être renouvelées, non sans répercussions sur le taux de référence. Celui-ci reflète la moyenne de toutes les hypothèques de Suisse. Si des crédits avantageux disparaissent dans cette statistique et sont remplacés par des crédits plus chers, la valeur augmente également.
«Il n'y a pas de hausse automatique des loyers», rétorque l'association des propriétaires fonciers. «Il faut toujours décider au cas par cas.» Les propriétaires doivent de toute façon «déjà payer des intérêts hypothécaires plus élevés depuis un certain temps».
L'association des locataires, elle, conseille aux personnes concernées d'examiner attentivement toute modification. L'ensemble des augmentations effectuées par les propriétaires ne sont de loin pas légales. Si l'on constate une telle situation, il est vivement conseillé de la contester.
Mais «cela ne suffit pas», affirme Michael Töngi. Le conseiller national sait bien que les projets de loi sur les locataires ont du mal à passer au Parlement. Pourtant, lors de la prochaine session d'hiver, il plaidera – une fois de plus – pour la publication obligatoire du loyer précédent et donc contester une hausse jugée abusive. «Si nous n'y parvenons pas maintenant, je ne sais pas ce que nous ferons.» La pression sur les locataires augmente de plus en plus.
Seulement voilà, l'intervention a déjà échoué en commission, par treize voix contre onze. Pour plusieurs raisons, la majorité bourgeoise ne voit pas la nécessité d'agir. Ce sont actuellement les cantons qui décident de l'introduction de l'obligation de transparence, d'ailleurs déjà en vigueur dans neuf d'entre eux: Genève, Vaud, Neuchâtel, Fribourg, Nidwald, Zoug et Zurich.
Le Conseil fédéral est lui aussi favorable à une obligation nationale de formulaire. Mais pour que le Parlement renforce les droits des locataires, les Verts, le PS et les Verts libéraux ont toutefois besoin du soutien quasi unanime du groupe parlementaire du Centre.
Le gouvernement espère que cet outil aura un «certain effet modérateur sur les loyers», comme il l'écrit dans une réponse à une intervention. Il a, en effet, reconnu le problème depuis longtemps et a récemment présenté une série de mesures contre la hausse des loyers.
Le Conseil fédéral a demandé que le taux d'intérêt de référence et le renchérissement figurent également sur ce formulaire. Mais l'effet de cette astuce bureaucratique bien intentionnée s'évapore tant que le document ne devient pas obligatoire.
Une proposition de Jacqueline Badran n'a en revanche pas trouvé grâce aux yeux du gouvernement. La conseillère nationale (PS/ZH) demandait que Monsieur Prix puisse désormais contrôler les rendements locatifs. Elle s'insurge contre le fait que les loyers «ont massivement augmenté alors qu'ils auraient dû fortement baisser en raison de taux d'intérêt bas records et d'un faible renchérissement». Elle soupçonne des rendements excessifs pour de nombreux bailleurs.
Selon le Conseil fédéral, les possibilités actuelles de lutter contre le phénomène sont suffisantes. Stefan Meierhans n'a pas besoin de compétences supplémentaires. Ainsi, de nombreuses agences immobilières n'ont rien à craindre de sa part.
Une série de lettres recommandées en moins pour les facteurs. Mais ce n'est rien en comparaison du nombre de courriers adressés aux locataires dans les semaines à venir. La Poste pourra alors à nouveau se frotter les mains. En voilà au moins une que cela réjouit.
Traduit et adapté par Valentine Zenker