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La septicémie, l'infection qui tue 3500 Suisses par an

Heike Spreter-Krick, rétablie après une septicémie.
Heike Spreter-Krick, rétablie après une septicémie.Image: dr

Elle a survécu à une infection sous-estimée qui tue 3500 Suisses par an

Heike Spreter-Krick a frôlé la mort. Aujourd'hui encore, elle ressent les séquelles de la septicémie qui l'a frappée. Pourquoi cette infection est-elle si dangereuse? Et quelles mesures la Suisse compte-t-elle mettre en place pour mieux la traiter?
29.04.2025, 05:2929.04.2025, 05:29
Adrian Ritter / ch media
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Depuis longtemps, Heike Spreter-Krick rêvait de passer un été à travailler dans un alpage. En 2021, son souhait se réalise: elle rejoint une ferme en altitude dans le canton d'Uri pour aider à la traite des vaches et à la fabrication du fromage. Mais quelques semaines plus tard, tout bascule.

Heike Spreter-Krick pendant son séjour à l'alpage.
Heike Spreter-Krick pendant son séjour à l'alpage.Image: dr

D'abord, elle ressent des difficultés à avaler, qu'elle attribue à un simple rhume. Puis la fatigue s'intensifie, une douleur au bras s'installe, et elle finit par perdre connaissance. Son état est critique. La Rega intervient d'urgence.

Quand elle reprend conscience, elle se trouve en soins intensifs à l'Hôpital cantonal de Lucerne (Luks). Le diagnostic tombe: septicémie. Une infection du sang qui aurait pu lui être fatale. L'origine précise de l'infection reste inconnue. Peut-être une simple piqûre d'insecte?

Chaque année, la septicémie touche environ 50 millions de personnes dans le monde. En Suisse, on estime à 20 000 le nombre de cas annuels, dont 3 500 se révèlent mortels. Mais qu’est-ce exactement que la septicémie? «Le terme est trompeur», explique Dominic Huser, médecin-chef au Centre de médecine intensive du Luks.

«Il ne s’agit ni d’une infection limitée au sang ni d’un empoisonnement classique»

Une infection qui prend par surprise

Contrairement aux idées reçues, la septicémie ne résulte pas d’une simple infection du sang ni d’un empoisonnement au contact d’un objet rouillé. Elle est toujours causée par une infection initiale, le plus souvent d'origine bactérienne, mais parfois aussi virale.

Heike Spreter-Krick en soins intensifs.
Heike Spreter-Krick en soins intensifs.Image: dr

Si les agents pathogènes peuvent entrer dans l’organisme par une plaie, ce n’est pas la principale voie d’infection. «Les bactéries peuvent aussi pénétrer par les poumons, la cavité abdominale ou les voies urinaires», précise Dominic Huser. Lorsque le système immunitaire ne parvient pas à contenir l’infection, les germes se répandent dans tout le corps via la circulation sanguine. Le système immunitaire surréagit alors, provoquant des inflammations qui peuvent endommager plusieurs organes.

«C’est cette réaction excessive qui pose le plus grand danger, plus encore que les bactéries elles-mêmes»

Un diagnostic difficile et des conséquences lourdes

Le traitement repose sur l'administration rapide d’antibiotiques pour combattre l’infection. Toutefois, comme le souligne le médecin, les moyens d'action sur les causes «restent limités.

«L'essentiel est de détecter une septicémie le plus tôt possible afin de commencer rapidement le traitement»

Le problème? Les premiers symptômes ressemblent souvent à ceux d’une grippe, retardant le diagnostic et augmentant le risque de complications graves. Certaines populations sont particulièrement vulnérables: les nourrissons, les personnes de plus de 60 ans, celles souffrant de maladies chroniques ou immunodéprimées. Heike Spreter-Krick faisait partie de ces profils à risque: ancienne malade du cancer, elle n’a plus de rate, un organe essentiel à la réponse immunitaire.

Son cas a été extrême: les bactéries ont attaqué ses valves cardiaques et causé plusieurs AVC. Elle a également subi des lésions aux mains et aux pieds. Après de nombreuses interventions chirurgicales et plus de cinq semaines à l'hôpital, elle a finalement pu rentrer en Allemagne pour une longue rééducation.

Un plan national pour mieux lutter contre la septicémie

En raison de la gravité de cette maladie, les sociétés médicales suisses ont lancé en 2022 un «plan d’action national contre la septicémie». Son objectif? Améliorer la prévention, le diagnostic et le traitement. Ce plan vise à mieux former le personnel médical et sensibiliser la population aux signes précurseurs.

Il prévoit également la mise en place de standards pour la prise en charge et le suivi post-traitement des patients. D’autres pays, comme l’Australie, ont déjà réussi à réduire significativement la mortalité grâce à des initiatives similaires. Selon Dominic Huser, les nouvelles technologies joueront un rôle crucial.

«La numérisation et l’intelligence artificielle permettront d’accéder plus rapidement aux données de santé pertinentes et de développer des systèmes d’alerte précoce pour les personnes à risque»

Séquelles fréquentes à long terme

Détecter rapidement une septicémie est crucial, car ses conséquences peuvent être lourdes, même chez les survivants. Une étude de la clinique universitaire d'Iéna en Allemagne révèle que 90% des rescapés souffrent de séquelles à long terme: troubles de la mémoire, douleurs chroniques, atrophie musculaire, dépression, etc.

Heike Spreter-Krick ne fait pas exception. Elle souffre d’une insuffisance cardiaque, de douleurs persistantes, de problèmes de mobilité et d’un syndrome post-septicémique qui l’épuise au quotidien. Malgré tout, Dominic Huser tempère:

«Il ne faut pas vivre dans la peur, mais il est essentiel de connaître les signes d’alerte et de réagir rapidement»

En matière de septicémie, la clé, c’est la vigilance.

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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