Vomissements, chute des cheveux, fatigue: les effets secondaires des injections amaigrissantes - très en vogue - sont multiples et désagréables. Cela ne semble pas infléchir la demande du grand public pour autaut. Les avantages des agonistes dits GLP-1 semblent l'emporter pour qui y recourt. Ils permettent une perte de poids significative en quelques mois. Pour les personnes en fort surpoids qui ont lutté en vain contre celui-ci jusqu'à présent, ces médicaments représentent en général un grand soulagement.
Mais il existe aussi des effets secondaires que la notice ne mentionne pas explicitement. Le «visage Ozempic» en fait partie: joues creusées, peau flasque et démultiplication des rides. Alors que les injections pour éliminer la graisse affinent la silhouette, la mine de nombreux patients leur donne un air nettement plus âgé après l'intervention. En cause: un coussin de graisse au niveau du visage, dont le rôle est de conférer une apparence jeune et une certaine élasticité à la zone. Mais si cette graisse fond, cette apparence peut changer de manière dramatique. En effet, la peau n'a souvent pas le temps de s'adapter aux nouvelles formes.
En Suisse, 21 200 personnes ont utilisé les injections Saxenda ou Wegovy de Novo Nordisk l'année passée. Ces chiffres se basent sur une estimation de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), à laquelle nous avons eu accès.
L'Office n'indique, en revanche, pas combien de patients ont désormais des rides et un relâchement de la peau du visage. On évalue néanmoins que cela doit arriver régulièrement, comme le montre une récente enquête du géant zougois des cosmétiques Galderma. Il a interrogé 1000 patients «fat-off» aux Etats-Unis, au Brésil, en Europe et au Moyen-Orient. Près de la moitié (48%) ont déclaré avoir subi des «modifications significatives». Pour les corriger, une part considérable des personnes concernées accepteraient de subir un traitement esthétique, indique Galderma.
Le groupe cosmétique voit donc un énorme potentiel de croissance autour de ce phénomène. Le marché des médicaments anti-graisse à lui seul devrait dépasser les 100 milliards de dollars à la fin de la décennie. Galderma entend bien tirer profit de ce boom. Pour ce faire, il a lancé une véritable offensive fin janvier. Elle comprend un guide de traitement élaboré avec des experts internationaux, l'enquête déjà évoquée auprès de clients potentiels ainsi qu'une masterclass pour les médecins traitants.
La firme propose différents produits qui, selon ses dires, conviennent parfaitement pour repulper les traits relâchés. Parmi eux: Sculptra, un biostimulateur à base d'acide polylactique. On l'injecte sous la peau et il stimule la production de collagène de l'épiderme. L'effet est censé durer deux ans. Dans le journal Finanz und Wirtschaft, Flemming Ørnskov, directeur de Galderma, a présenté Sculptra comme l'un des remèdes avec le plus haut taux de croissance actuellement.
Si, sous certaines conditions, les caisses d'assurance maladie remboursent ces solutions amaigrissantes, il en va autrement pour les corrections esthétiques faciales. Là, les patients doivent mettre la main au porte-monnaie - et pas qu'un peu: pour deux séances d'injections de Sculptra, soit le nombre standard recommandé, comptez environ 1500 francs.
Le traitement ne vaut toutefois pas toujours son prix exorbitant. Si la substance active ne pose pas problème, il en va différemment de son application. En effet, pour que le visage retrouve sa forme après la perte de poids, il faut un personnel spécialisé et formé. Ainsi, en Suisse, seuls des médecins ou du personnel soignant diplômé peut administrer le Sculptra. Dans tous les cas, une surveillance médicale s'impose.
Mais les prestataires ne respectent de loin pas toujours ces directives. C'est ce qu'a récemment révélé un contrôle ciblé des autorités cantonales des produits thérapeutiques et de Swissmedic. Sur 82 instituts de beauté, cliniques de chirurgie esthétique et cabinets médicaux visités, plus de la moitié ne disposaient pas des qualifications professionnelles requises:
Les autorités ont constaté d'autres lacunes dans le stockage des produits, et là encore, les instituts de beauté ont obtenu de moins bons résultats que les cliniques ou les cabinets médicaux. Conclusion:
Galderma souligne par ailleurs sur son site le besoin impératif de consulter un praticien qualifié. Celui-ci informera sur «les possibilités et les limites du traitement» ainsi que sur les effets secondaires.
Le groupe cosmétique, qui a fait une entrée fracassante en bourse en mars 2024, s'attend à plus long terme à un «impact significatif des amaigrissants» pour la branche. Sa prévision démontre que l'engouement croissant pour ce genre de préparations ne secoue pas seulement l'industrie pharmaceutique. L'onde de choc se propage aussi ailleurs, et ce depuis longtemps déjà: l'agroalimentaire réduit ses portions, les assureurs calculent avec des espérances de vie plus élevées - et les entreprises comme Galderma réparent les dommages collatéraux après une perte de poids radicale.
Ces bouleversements illustrent la rapidité avec laquelle une redistribution des cartes peut avoir lieu dans le monde économique. Il y a quelques années encore, les responsables de Novo Nordisk, l'inventeur danois d'Ozempic, doutaient du potentiel de leur remède. Ils ont rattrapé à temps cette erreur d'appréciation. Mais ils ne soupçonnaient pas que le médicament, développé à l'origine pour les diabétiques, connaîtrait un succès aussi retentissant. Ils ne pouvaient pas non plus prévoir que leur seringue donnerait un jour son nom aux visages malmenés par les injections, les fameux «Ozempic faces».
Adaptation française: Valentine Zenker