Lorsque la présidente du Conseil national sonne la cloche, l'agitation s'empare du Palais fédéral. Les politiciens, qui étaient encore plongés dans une conversation quelques instants auparavant, se précipitent pour rejoindre la salle du Conseil. Il est l'heure de voter.
Interventions, propositions, modifications d'articles de loi ou recommandations de vote sur des initiatives: depuis le début de la législature actuelle en décembre 2023, les conseillers nationaux ont été appelés à voter près de 2500 fois. Au Conseil des Etats, 1200 votes ont eu lieu pendant la même période.
Le conseiller national Matthias Jauslin n'a manqué aucun vote. Cet Argovien, qui a quitté le PLR pour rejoindre les Vert'libéraux au début de l'année, est ainsi le politicien le plus assidu sous la coupole fédérale.
D'autres parlementaires, en revanche, sont régulièrement absents du Conseil, comme le montre une analyse réalisée par CH Media. C'est Martin Schmid, conseiller aux Etats PLR des Grisons, qui cumule le plus grand nombre d'absences non excusées. Au cours de la législature actuelle, il a manqué plus d'un vote sur cinq.
Le champion des absences se montre repentant lorsqu'on l'interroge à ce sujet. Il se dit être conscient de ses nombreuses absences non excusées et promet de «s'améliorer». Il se justifie:
Martin Schmid explique qu'en plus des débats au Conseil, il reçoit des invités au Palais fédéral ou mène par exemple des entretiens avec des conseillers fédéraux. Il souhaite continuer à le faire. En même temps, «il essaiera toutefois de ne jamais manquer un vote important» où son vote en tant que conseiller aux Etats pour les Grisons est «déterminant».
Les deuxième et troisième places du classement des absents au Conseil des Etats reviennent à l'ancien président de l'UDC Marco Chiesa, du Tessin (17% des votes manqués), et au conseiller aux Etats Pirmin Bischof, du centre, de Soleure (13%). Marco Chiesa a été particulièrement souvent absent en 2024, lorsqu'il a quitté la présidence de son parti et a été élu au Conseil municipal de Lugano. Il explique que ses nouvelles fonctions l'ont beaucoup accaparé pendant les premiers mois, mais que la situation s'est désormais stabilisée.
Pirmin Bischof est également membre d'un exécutif communal. Il explique qu'il n'est pas toujours possible de concilier ses obligations de conseiller communal de Soleure avec les jours de séance du Conseil des Etats. En outre, la plupart de ses absences auraient eu lieu pendant deux jours spécifiques, car il accueillait des classes scolaires du canton de Soleure au Palais fédéral au moment des votes.
En moyenne, les conseillers aux Etats ont été absents sans excuse lors de 5,6% des votes. Le taux d'absentéisme à la chambre haute est donc deux fois plus élevé qu'au Conseil national.
Dans la grande chambre, ce sont les Zurichois qui arrivent en tête des statistiques d'absences. Le conseiller national Philipp Kutter, du Centre, a été absent sans excuse lors d'environ un vote sur sept, auxquels s'ajoutent de nombreuses absences excusées.
Le conseiller national Martin Bäumle, des Vert'libéraux, et Bastien Girod, politicien Vert qui a démissionné fin 2024, se sont également souvent distingués par leurs absences.
Dans le cas de Philip Kutter, ses absences fréquentes au Conseil s'expliquent au moins en partie par son état de santé. Ce politicien du Centre a été victime d'un grave accident en février 2023 et est depuis tétraplégique. Il dit qu'il n'a probablement pas signalé toutes les absences liées à son état. De plus, il cumule deux mandats: outre celui de conseiller national, il est maire de Wädenswil, ce qui rend «inévitable l'une ou l'autre absence» pour cause de fonction. Il démissionnera de son poste de maire début 2026.
Son collègue Martin Bäumle invoque aussi des conflits d'agenda liés à ses fonctions de conseiller municipal à Dübendorf. Il dit qu'il doit donc établir des priorités et qu'il participe aux votes les plus importants. Il fait également remarquer que son taux d'absentéisme s'est amélioré. Depuis des années, Martin Bäumle fait partie des parlementaires les plus souvent absents.
Si l'on regarde les groupes parlementaires plutôt que les personnes individuelles, on constate également des différences considérables. Les parlementaires du PS manquent à peine 1,6% des votes, et ce chiffre est aussi relativement faible chez les Verts.
Le Centre et les Vert'libéraux, influencés bien sûr par les nombreuses absences de Philipp Kutter et Martin Bäumle, affichent les taux d'absentéisme les plus élevés, avec respectivement 4,4% et 4,3%. Seules les absences non justifiées sont prises en compte. Les absences pour cause de maladie, d'accident ou de congé parental ne sont pas comptabilisées.
Il existe également des différences notables entre les sexes. Bien que des hommes soient en tête du classement des abonnés absents, les parlementaires femmes sont en moyenne un peu plus souvent absentes.
Même s'il existe des exceptions, les chiffres montrent que les parlementaires sont globalement rarement absents sans excuse. Environ la moitié d'entre eux manquent à moins d'un vote sur cinquante. Il faut également tenir compte du fait que, souvent, de nombreux votes ont lieu en même temps: ceux qui ne sont pas présents à ce moment-là peuvent ainsi manquer plusieurs votes d'un coup.
Cela n'est jamais arrivé à Matthias Jauslin. Lorsqu'on lui demande comment il a réussi à ne manquer aucun vote, il répond simplement:
Il défend néanmoins ses collègues qui n'y parviennent pas toujours. Ceux qui ne sont pas présents dans la salle ont toujours de bonnes raisons, dit-il. Jauslin précise que la présence ne représente qu'une partie du travail parlementaire.
Il trouve toutefois regrettable que des décisions importantes soient prises à la suite d'une majorité fortuite due à des absences. Jauslin évoque par exemple le refus du Conseil national d'instaurer un péage au Gothard, décidé en mai dernier grâce à la voix décisive de la présidente Maja Riniker (PLR). Sept conseillers nationaux avaient manqué le vote sans excuse.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci