Les multinationales suisses doivent respecter les droits de l'homme et la protection de l'environnement en Suisse et à l'étranger et être tenues responsables des dommages causés. La deuxième initiative sur la responsabilité des entreprises a été déposée mardi à Berne.
L'initiative n'a été lancée qu'au début de l'année. Mardi, la Coalition pour des multinationales responsables l'a déposée, munie de plus de 287 000 signatures, à la Chancellerie fédérale. En 2020, une première initiative en ce sens avait obtenu la majorité du peuple, mais pas celle des cantons.
Le fait que les signatures aient été récoltées aussi rapidement montre clairement à quel point le soutien de la population à cette cause est fort, estime Dominique de Buman, ancien conseiller national (Centre/FR) et membre du comité d’initiative, cité dans un communiqué.
Dans le comité figurent des politiciens de tous bords, des entrepreneurs et des représentants de la société civile. Le texte est soutenu par des membres des Vert-e-s, du PS, du Centre, du PEV, du PVL et du PLR.
L'initiative populaire «Pour des multinationales responsables» avait été refusée par la majorité des cantons en novembre 2020, bien qu'elle ait convaincu 50,7% des votants. Un contre-projet est entré en vigueur en 2022. Il oblige les multinationales à présenter un rapport de durabilité en plus du traditionnel rapport annuel.
Ce contre-projet, «introduit dans une large mesure à la demande des associations du lobby des multinationales», est «resté sans effet», selon les initiants. Ils pointent du doigt de nombreuses violations des droits humains et des normes environnementales commises par des multinationales basées en Suisse: pollution de régions entières, importation d'or «problématique», déchets hautement toxiques laissés en décharge ou encore travail des enfants.
La nouvelle initiative prévoit des règles contraignantes pour obliger les multinationales helvétiques à respecter les droits humains et les normes environnementales dans leurs activités commerciales et à réduire leurs émissions nocives pour le climat. Ces obligations s'inspirent étroitement des normes internationales dans le domaine et des règles adoptées par l'UE.
Elles s'appliquent aux multinationales à partir de 1000 employés et 450 millions de francs de chiffre d'affaires. Dans le secteur des matières premières, particulièrement à risque, les grandes entreprises qui n'atteignent pas ces seuils doivent aussi être concernées.
Le comité remet le couvert après l'introduction de nouvelles normes par l'UE et plusieurs pays européens. Lors de la campagne en 2020, les opposants au texte, dont la ministre de la justice de l'époque Karin Keller-Sutter, avaient affirmé que la Suisse ne devait pas faire cavalier seul, mais plutôt agir de manière coordonnée avec l'UE.
Les personnes concernées par des violations des droits humains doivent pouvoir demander réparation auprès d'un tribunal suisse, exige le comité. Et des contrôles aléatoires doivent être effectués pour s'assurer du respect des obligations, comme le prévoient les autres pays européens:
Par souci de pragmatisme, les initiants ont fait quelques concessions aux opposants à la première initiative: la responsabilité civile ne s'appliquera ainsi pas aux fournisseurs, au contraire de la directive européenne; la répartition du fardeau de la preuve est réglée de manière plus ouverte qu'en 2020 et les PME sont exclues du champ d'application de l'initiative. (jah/ats)