Le grand parti de droite conservatrice suisse avait baissé de ton depuis quelque temps. L'Union démocratique du centre (UDC), qui a apporté en grande partie son soutien à l'élection d'Elisabeth Baume-Schneider pour ses origines rurales et populaires, a même pu donner un moment l'impression, récemment, d'avoir quelques points communs avec la gauche.
C'est désormais terminé — et les choses rentrent dans l'ordre, serait-on tenté de dire. Car en 2023, l'UDC compte bien devenir le grand adversaire de la conseillère fédérale socialiste, qui reprendra le Département de justice et police (DFJP) et a promis une politique d'asile plus ouverte et sociale.
Le parti agrarien doit se réunir pour le séminaire de ses cadres les 6 et 7 janvier prochains dans la commune de Bad Horn, en Thurgovie, sur les bords du lac de Constance. Au cœur des discussions, la thématique qui a fait le succès du parti refait son grand retour: l'opposition à l'immigration.
Ce thème devrait également (re)devenir celui de sa prochaine campagne électorale, en vue des élections fédérales de septembre prochain. Voici ce qu'en dit Marcel Dettling, le directeur de campagne du parti:
La Suisse aux neuf millions d'habitants qui se rapproche de plus en plus, cela semble être trop pour l'UDC. Fin 2021, la population résidente permanente s'élevait à 8,74 millions de personnes selon l'Office fédéral de la statistique (OFS). Et selon le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM), 145 958 personnes sont arrivées en Suisse jusqu'en octobre 2022:
La population résidente permanente s'élève donc à 8,89 millions à la fin octobre. Si on extrapole à l'ensemble de l'année 2023, elle serait de 8,91 millions. Si 86 000 personnes supplémentaires viennent grossir les rangs de la population, le seuil des neuf millions sera atteint.
Le conseiller national UDC Thomas Matter n'hésite pas à déclarer devoir sonner «l'alerte rouge»:
«Les chiffres de la migration sont à s'arracher les cheveux», explique-t-il. «En 2022, la Suisse comptera 200 000 habitants de plus, soit la population du canton de Bâle-Ville». Il note également qu'à cela s'ajoute la menace d'un conflit entre la Serbie et le Kosovo, qui pourrait provoquer de nouveaux troubles migratoires.
Retour à Bad Horn, où l'UDC est sur le point de lancer sa nouvelle initiative sur l'immigration, sous le titre d'«initiative pour la durabilité». Un nom politiquement peu offensif et qui ferait presque penser à un sujet environnemental, mais ne faisons pas d'erreur: il traitera bien de migration.
Le comité directeur doit décider, en marge de la réunion, de la date de lancement de l'initiative. Il n'est pas non plus certain qui sera derrière ce lancement: l'UDC Suisse? Ce n'est pas encore clair.
En effet, si l'immigration fait partie de l'ADN du parti, celui-ci doit soupeser soigneusement ses forces en cette année électorale. Avec l'initiative pour la réduction de moitié de la redevance radio-télévision et l'initiative pour la neutralité, elle soutient déjà deux projets importants.
En revanche, une initiative supplémentaire liée au monde paysan n'aura pas lieu, assure Marcel Dettling.
Si l'UDC Suisse ne prend pas le relais, quatre partis cantonaux interviendront: Zurich, Saint-Gall, Zoug et Thurgovie. Quatre conseillers nationaux, chacun ténors de leurs cantons, devraient prendre le lead:
Les partis cantonaux tessinois et bernois se disent également intéressés.
Le texte de l'initiative serait déjà prêt — et va apparemment très loin. Il stipulerait que la Suisse ne doit pas dépasser le seuil de dix millions de résidents permanents d'ici 2050.
Ce n'est qu'à partir de 2050 qu'une extension douce de cette limitation serait possible. Mais uniquement en cas d'un excédent de naissances, qui doit permettre une croissance organique et indépendante de la migration.
Comme pour le frein à l'endettement, l'initiative est conçue comme un frein à l'immigration. Selon le texte, si la croissance démographique dépasse certains seuils, le gouvernement devra agir. Si la limite de 9,5 millions est atteinte, par exemple, le Conseil fédéral devra présenter des contre-mesures via un projet de loi.
Si la barre des dix millions est franchie, des mesures rigoureuses suivront: le Conseil fédéral doit dénoncer les accords internationaux entraînant une augmentation de la population. Cela concerne avant tout la libre circulation des personnes avec l'Union européenne (UE) et le pacte de l'Organisation des nations unies (ONU) sur les migrations — s'il est signé à ce moment-là. Le dossier est actuellement bloqué au Conseil des Etats.
Selon le conseiller national Manuel Strupler, une immigration purement «quantitative» ne garantit pas une croissance plus élevée par habitant. De plus, il estime que celle-ci «dilue» les valeurs de la Suisse.
Thomas Matter va encore plus loin et évoque le spectre d'une récession pour l'économie suisse. Selon lui, la population augmentera de 2,5% en 2022, mais le revenu par habitant d'à peine 2%:
Au cours des vingt dernières années, la population a augmenté de 21%. «Si la Suisse croît à nouveau aussi fortement au cours des 20 prochaines années, tout s'effondrera», estime le conseiller national. Selon lui, les réserves financières dans les domaines de l'éducation, de la santé et des transports sont épuisées.
Marcel Dettling et Thomas Matter ont listé les problèmes qui, selon eux, sont particulièrement importants dans le domaine de l'asile. «Aujourd'hui, il y a une très forte migration économique», explique Dettling. Il image:
Thomas Matter, de son côté, aborde le thème de l'immigration illégale. «La France et l'Allemagne ferment désormais leurs frontières aux migrants illégaux en transit depuis la Suisse.» Pas étonnant, dit-il, que Karin Keller-Sutter ait quitté le DFJP. Il n'hésite d'ailleurs pas à verser dans le catastrophisme:
Traduction et adaptation par Alexandre Cudré