Les élections fédérales ne sont pas encore terminées. Si le gros des effectifs du Conseil national et des Etats a été décidé le 22 octobre dernier, le deuxième tour des élections à la Chambre haute va encore rebattre quelques cartes. Neuf cantons sont concernés, dont quatre en Suisse romande: Fribourg, Genève, Valais et Vaud. Parmi eux, plusieurs challengers sont dans les starting-blocs. Et comme dirait l'un d'entre eux: «Sur un malentendu, ça peut marcher».
Pour Neuchâtel et le Jura, l'affaire est déjà pliée. Dans ces deux cantons, l'élection a lieu selon la règle de la proportionnelle à un tour. Dans le premier, ce sont le socialiste Baptiste Hurni et la verte Céline Vara qui ont été élus. Un camouflet pour le poids lourd local, le PLR Philippe Bauer, éjecté après deux mandats à Berne. Du côté du Jura, les deux favoris ont été élus avec aise: le centriste Charles Juillard et la socialiste Mathilde Crevoisier, qui avait succédé à Elisabeth Baume-Schneider après son élection au Conseil fédéral.
Dans les cantons romands restants, un certain suspense plane sur les résultats, particulièrement à Genève. Seul le canton du Valais devrait voir la suprématie du Centre (ex-PDC) se confirmer une fois de plus. Le sort de ces quatre cantons sera fixé dimanche 12 novembre. Certains cantons alémaniques et le Tessin verront, quant à eux, leur second tour avoir lieu le 19 novembre.
Pour illustrer ces évènements politiques, nous sommes allés demander son avis à Nenad Stojanović, professeur en sciences politiques et politologue à l'Université de Genève.
Dans la Cité de Calvin, la surprise lors du premier tour de l'élection au Conseil des Etats est tombée comme un éclair sur le lac. Le conseiller d'Etat, Mauro Poggia, qui avait quitté ses fonctions en mars après dix ans au poste et traversé la pandémie de Covid en tant que ministre de la Santé, a dépassé les sortants Lisa Mazzone (Verts) et Carlo Sommaruga (PS). «Mauro Poggia est devenu très populaire durant la pandémie», note Nenad Stojanović.
Un camouflet pour la gauche genevoise, malgré le fait que les trois premières places se tassent dans un mouchoir de poche.
Le deuxième tour opposera ces trois candidats ainsi que Céline Amaudruz, arrivée quatrième mais loin derrière Sommaruga.
Le maintien de la vice-présidente de l'UDC risque-t-il de disperser les voix de droite et de plomber les chances de Mauro Poggia? «Il a de bonnes chances d'être élu s'il a l'appui compact des électeurs de droite. Ceux qui se mobilisent pour Amaudruz devraient cocher Poggia en deuxième choix pour faire barrage à la gauche», note le Genevois.
Mais la gauche n'a pas dit son dernier mot. «Mazzone et Sommaruga peuvent être réélus les deux si les électeurs de gauche sont unis. Mais des votes isolés pourraient porter préjudice à l'un des deux sièges», analyse l'expert. Qui note:
Historiquement, indique le politologue, «ce duo de gauche au Conseil des Etats est une exception, mais qui a duré des années. Traditionnellement, c'était un socialiste et un PLR aux Etats».
Le suspense est également bien présent dans le canton de Vaud. Seul un siège est contesté. Le socialiste Pierre-Yves Maillard a été élu au premier tour, ayant ratissé bien au-delà de son parti. Le deuxième siège devrait, selon toute logique, tomber entre les mains du favori de ce deuxième tour, le PLR et ancien conseiller d'Etat Pascal Broulis.
Mais les votants de gauche pouvant à nouveau glisser un bulletin dans l'urne, tout laisse à penser que le vert Raphaël Mahaim, qui a terminé 4e au premier tour, va faire un bon score face à Broulis. Au point de lui voler la place?
Il s'agit ici de calculs d'épicier, car le nombre de candidats vaudois au premier tour était élevé et les reports de voix sont difficiles à calculer. Le score de la vert'libérale Céline Weber (5e) va-t-il se reporter sur le candidat libéral ou le vert? Les votes des nombreux micro-candidats de gauche de tous bords vont-ils terminer dans les poches de Mahaim?
Encore faut-il que ces reports aient lieu. «Au deuxième tour, il y a en général moins d'électeurs. La mobilisation baisse et avec lui le taux de participation», explique Stojanović. En conséquence, les proportions changent et il est difficile de faire des pronostics.
Les deux sortantes Isabelle Chassot (Centre) et Johanna Gapany (PLR) ont de bonnes chances d'être réélues. Il n'y a guère de doutes concernant la première, vu son score canon au premier tour. «Fribourg est un canton assez volatile dans sa représentation au Conseil des Etats, explique Nenad Stojanović. Les candidats du Centre y sont populaires, mais ils sont régulièrement duo avec des PLR ou des socialistes.»
Johanna Gapany était talonnée par l'UDC Pierre-André Page au premier tour. «Le bon score de l'UDC était une véritable surprise. On pensait que le parti tenterait d'aller au deuxième tour, mais il s'est retiré», observe le professeur en sciences politiques.
Le deuxième tour verra donc trois femmes se confronter: Isabelle Chassot, Johanna Gapany et la socialiste Alizée Rey, qui pourrait créer la surprise.
Dans le canton du soleil, les choses semblent d'ores et déjà pliées: les deux candidats du Centre (ex-PDC) Marianne Maret (Bas-Valais) et Beat Rieder (Haut-Valais) ont distancé tous les autres concurrents et devraient à nouveau l'emporter au deuxième tour. «Depuis toujours, les deux sièges valaisans sont PDC, aujourd'hui le Centre, dans une coalition entre le Haut et le Bas qui se partagent les deux sièges», explique Stojanović.
Deuxième tour? Mais quel candidat a risqué de se frotter aux deux favoris en provoquant un nouveau round? Philippe Nantermod, pardi! Il y a pourtant peu de chances que le conseiller national PLR n'obtienne le siège. Mais celui-ci n'en démord pas et se risque même à une fameuse maxime populaire:
Jean-Luc Addor, arrivé quatrième, a tenu sa promesse de se retirer au profit de son autre concurrent de droite. Le report des voix pourrait permettre, théoriquement, à Nantermod de dépasser Marianne Maret. Encore faut-il que les électeurs de l'UDC valaisanne se mobilisent pour le libéral-radical.