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Arrêté pour avoir menacé de mort un élu suisse, il raconte

Cet homme a agressé par internet un politicien UDC et la police a débarqué chez lui (image d'illustration).
Martin a menacé un politicien suisse et la police a débarqué chez lui (image d'illustration).Image: shutterstock/watson

Arrêté pour avoir menacé de «pendre» un élu suisse, il raconte sa haine

Les insultes et les menaces sont un problème pour de nombreux politiciens. Récemment encore, des élus romands en ont été victimes. Qui sont ces gens qui répandent leur haine en ligne? Témoignage.
12.09.2023, 06:0712.09.2023, 12:24
Andreas Maurer / ch media
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Après la députée vaudoise Mathilde Marendaz, c'était au tour de Samson Yemane, élu socialiste au conseil communal lausannois, de recevoir des menaces de mort. Ce dernier, choqué, va porter plainte.

Agresser verbalement ou par le biais de messages haineux des élus est un phénomène qui en touche un sur quatre selon un sondage récent. Mais qui sont les gens qui s'en prennent à ces élus? Sont-ils tous de dangereux extrémistes? Voici l'histoire de Martin W (prénom d'emprunt).

Martin, 65 ans, était un citoyen sans histoire. Il n'avait pas d'antécédents judiciaires, pas de poursuites, pas de dettes, pas même une amende de circulation. Dans le salon de sa maison familiale, il y a une horloge murale qui sonne les heures. Il vit depuis 34 ans dans la même commune; pendant 17 ans, il a travaillé comme réviseur fiscal.

Martin est, toutefois, un homme qui peut s'énerver terriblement. Il vote au Centre, et peste contre l'UDC tout autant que contre le PS. Et quand il est en colère, il lui faut trouver un exutoire.

Le jour où il pète un plomb

Par exemple, le 24 février 2022: les forces armées russes envahissent l'Ukraine. Martin W. lit les actualités en ligne et s'énerve contre le conseiller national UDC Franz Grüter. Ce dernier, président de la Commission de politique extérieure, défend depuis le début de la guerre une position impopulaire. Selon lui, une solution au conflit n'est possible que si toutes les parties acceptent de faire des compromis.

Le sang de Martin W. ne fait qu'un tour. Il google «Franz Grüter», tombe sur le site personnel du politicien et lui envoie un message via le formulaire de contact. Objet: «Ami de Poutine». Il utilise une adresse d'expéditeur cachée, voici son message:

«A partir de maintenant, tu ne seras plus en sécurité dans ta vie»

Martin W. ne pense plus trop à son acte, il en vient même à l'oublier. Mais un an plus tard, il a à nouveau les nerfs contre Grüter, qui fait de nouvelles déclarations sur la guerre en Ukraine. En mars de cette année, l'élu UDC critique l'ambassadeur américain Scott Miller, qui fait pression sur la Suisse dans une interview à la NZZ, en les qualifiant de «monstrueuses». Martin W. envoie, à nouveau, un message à Grüter via le même formulaire de contact:

«Franz, tu es et tu resteras un connard! Les gens comme toi devraient être pendus à l'arbre le plus proche»

Pour le sexagénaire, l'affaire est close.

La police débarque

Mais deux mois plus tard après ce message, la police judiciaire fédérale sonne à 6 heures du matin à la porte de Martin W. Effrayé, il s'inquiète de ce qui pourrait arriver à ses enfants. Il est presque soulagé lorsqu'il se rend compte que les quatre agents sont là pour lui. Les enquêteurs sont remontés jusque chez lui grâce à l'adresse IP.

Alors que les policiers ouvrent tous les tiroirs, Martin W. s'assied à la table du salon pour l'interrogatoire. Il est stressé et tient des propos qu'il formulerait différemment aujourd'hui. Il ne comprend pas que Grüter ait porté plainte contre lui et qualifie donc le politicien d'hypersensible.

Mais entre-temps, la procédure pénale a fait réfléchir Martin W. Aujourd'hui, il déclare:

«J'ai fait une bêtise. C'était totalement irréfléchi. J'en suis désolé»

Il en a tiré une leçon: «Aujourd'hui, je ne ferais plus ça». La guerre l'avait bouleversé et il avait voulu exprimer sa colère. Rien de plus. Il n'a jamais eu l'intention de s'en prendre sérieusement à Grüter. Il pensait que, de toute façon, rien ne pourrait atteindre un politicien de l'UDC.

La sanction tombe, notre homme est en colère

Martin W. estime qu'il mérite une sanction. Il a donc accepté l'ordonnance pénale dont CH Media a eu connaissance. Le ministère public de la Confédération le condamne à une peine pécuniaire de 8000 francs avec deux ans de sursis pour menaces et injures. Une amende de 800 francs et des frais de procédure de 1000 francs sont par contre bien réels.

Le Ministère public de la Confédération a, en outre, confisqué provisoirement les ordinateurs, le téléphone portable et les armes du Zurichois: un pistolet de sport et un pistolet de l'armée. Martin W. trouve la mesure exagérée:

«Le Ministère public de la Confédération fait de moi un criminel pour deux mails stupides»

Il critique également l'intervention de la police: «Il n'est tout de même pas nécessaire de faire venir la cavalerie pour une si petite affaire». Comme le Ministère public de la Confédération a du mal avec les grosses affaires, il préfère chasser les petits poissons, juge-t-il encore. Pourtant, il aurait pu régler l'affaire simplement, en envoyant un policier local pour le voir. Car dans sa commune, on sait qu'il n'est pas dangereux.

Martin W. est-il un citoyen en colère? «Non», dit-il, «je ne suis pas en colère au point de descendre dans la rue». Il s'énerve lorsqu'il lit les informations, mais redescend tout aussi vite.

Comment est le climat politique en Suisse?

Selon un sondage Tamedia auprès de 2000 parlementaires des communes, des cantons et de la Confédération, une personne sur quatre indique avoir été l'objet de menaces ou d'injures en raison de son activité politique. Plus la fonction est élevée, plus la colère est grande. Les conseillers nationaux et les conseillers aux Etats rapportent plus souvent des attaques personnelles que les parlementaires au niveau cantonal et communal.

En cas de menaces contre les autorités et les politiciens à Berne, Fedpol intervient. Elle a enregistré une forte hausse pendant la pandémie et une baisse par la suite, une porte-parole de l'Office fédéral de police précise:

«Mais ce qui perdure depuis le début des mesures Covid jusqu'à aujourd'hui, c'est le contenu inquiétant et le ton violent de ces propos»

Chaque mois, Fedpol intervient en moyenne cinq fois pour ce genre de situations.

Traduit et adapté par Valentine Zenker

Avec ceux qui vivent les micro-agressions
Video: watson
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