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Conseil fédéral: l'armée suisse n'a jamais été tenue par un PS

Soldaten der Schweizer Armee ueberwachen das Gelaende der Helikopter Basis in Obbuergen, anlaesslich einer Medienfuehrung durch die Sicherheitsvorkehrungen der Nidwaldener Kantonspolizei und der Schwe ...
Pourquoi la gauche et le Parti socialiste n'ont-ils jamais pu mettre la main sur le DDPS?Image: KEYSTONE

Le PS n'a jamais dirigé ce département et ça arrange tout le monde

Le DDPS, en charge de l'armée, est tenu mordicus par la droite depuis toujours. Pourquoi la gauche et le Parti socialiste n'ont-ils jamais pu mettre la main sur ce département? L'ont-ils jamais voulu? On fait le point.
11.03.2025, 16:5511.03.2025, 17:13
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Ce mercredi, le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) aura un nouveau grand patron. Le prochain conseiller fédéral sera issu du sérail du Centre, sauf candidat surprise. Depuis sa création, l'office de la «grande muette» a été tenu en très grande majorité par des radicaux (aujourd'hui PLR), puis des UDC et enfin des PDC (désormais Le Centre), dans les années 1980.

La gauche, présente au Conseil fédéral avec le Parti socialiste depuis 1943, n'a cependant jamais pris les rênes de ce département. Pourquoi? D'autant plus que les socialistes comptent deux sièges au Conseil fédéral depuis 1959 et ont vu seize des leurs accéder à la plus haute fonction du pays.

Une histoire compliquée

René Knüsel, professeur honoraire de la Faculté des Sciences politiques de l'Université de Lausanne, rappelle tout d'abord qu'historiquement, le Parti socialiste et l'armée ont toutes les raisons d'entretenir une forme de méfiance:

René Knüsel, professeur honoraire de la Faculté des Sciences sociales et politiques de l'Université de Lausanne.
René Knüsel.Image: unil
«Au 19e siècle déjà, il y avait des tensions entre les socialistes et l'armée. En novembre 1918, la troupe est déployée par le Conseil fédéral pour mater la Grève générale et en 1932 à Genève, des soldats ont ouvert le feu sur des manifestants socialistes, faisant treize morts»
René Küsel, politologue

Autant dire qu'au début du 20e siècle, on voit très mal un socialiste prendre la tête de la Grande muette. Ces souvenirs sont encore vifs lors de l'élection du premier conseiller fédéral socialiste, en 1943. Durant la guerre froide, l'armée était puissante (pas loin de 900 000 hommes) et jouissait d'un certain prestige. C'était aussi un des fers de lance de la nation. «L'exposition nationale de 1964 avait un pan entier dédié à l'armée», note René Knüsel.

Défilé de l'armée suisse lors de l'Expo nationale de 1964.
Un défilé de l'armée à l'Expo 64, à Lausanne-Vidy.Image: Bibliothèque centrale de Soleure

L'anti-militarisme des socialistes n'a pas changé durant cette période, où les objecteurs de conscience sont mis en prison. Les réticences idéologiques envers l'armée chez les socialistes ont un meilleur allié de circonstance: la droite, qui n'est pas enchantée à l'idée de voir la troupe tenue par la gauche. Tout le monde semble satisfait que cette situation ne se présente pas. Et contrairement au Département des Finances, les socialistes n'ont pas l'intention d'y mettre un des leurs pour tenter de changer ou réformer le système de l'intérieur — quatre conseillers fédéraux socialistes ont tenu les Finances.

«Comme la gauche est minoritaire au Parlement et au Conseil fédéral, l'armée n'est pas sa priorité»
René Küsel, politologue

Le PS est pour la suppression de l'armée

Mais depuis la chute de l'URSS, le vent glorieux qui souffle dans les drapeaux a tourné: la taille de l'armée a été fortement réduite (elle compte moins de 150 000 soldats) et son existence a été publiquement mise en cause par des groupes comme le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) depuis le milieu des années 1980. Plusieurs conseillers nationaux membres du PS sont aujourd'hui encore membres du GSsA. On peut ainsi lire, dans la dernière édition du programme du PS, qui date de 2010:

«Le PS milite pour la suppression de l’armée»
Programme du Parti socialistepolitique de sécurité, point 5

Et également:

«En attendant d’atteindre cet objectif, l’armée suisse doit être massivement réduite et transformée»
Programme du Parti socialistepolitique de sécurité, point 5

Sécurité et armée: deux choses différentes

Du côté du Parti socialiste, on se défend du fait que les socialistes ne seraient pas intéressés à reprendre l'armée. Samuel Bendahan, vice-président du parti et co-chef de groupe à Berne, estime que le fait de reprendre un département fédéral, y compris le DDPS, est avant tout le résultat d'une décision individuelle et de la configuration existante lors de l'élection au Conseil fédéral.

Nationalraetin Samira Marti, SP-BL, und Nationalrat Samuel Bendahan, SP-VD, von links, sprechen beim Jahresauftakt-Apero der SP Schweiz, am Montag, 6. Januar 2025, in Bern. (KEYSTONE/Peter Schneider)
Samuel Bendahan.Keystone

Si le Vaudois concède que le parti se préoccupe en priorité de questions de pouvoir d'achat, d'égalité et de climat, il assure que la sécurité n'est pas en reste. Certains politiciens à Berne en ont fait leur spécialité, à l'image du Jurassien Pierre-Alain Fridez, connu en Suisse romande pour son expertise critique sur les questions militaires et les avions de combat, mais aussi la Zurichoise Priska Seiler-Graf. Et la présence dans le programme de la suppression de l'armée à terme n'y change rien.

«Notre programme est cohérent avec la sécurité»
Samuel Bendahan, vice-président du PS

Samuel Bendahan estime, par ailleurs, que la sécurité ne concerne pas que l'armée, mais aussi les relations internationales. «La sécurité et l'armée sont deux choses différentes», indique-t-il.

«On répond bien davantage aux risques qui pèsent sur la Suisse à travers notre politique étrangère qu'en faisant joujou avec des chars et des avions»
Samuel Bendahan, vice-président du PS

Il ajoute: «Par ailleurs, en faisant payer des milliards à la population pour cela.»

L'armée, un mal nécessaire?

Si les socialistes se défendent de bouder l'armée, ils ne portent pas forcément les choix du DDPS dans leur cœur et préfèrent subordonner la défense nationale aux relations et aux alliances internationales. «L'attitude de la gauche envers l'armée a toujours été ambiguë, car elle est consciente de l'importance des engagements militaires, mais garde une fibre pacifiste», analyse René Knüsel.

«Pour la gauche, l'armée est un mal nécessaire»
René Küsel, politologue

Un département fédéral qui n'est plus prestigieux, au sein duquel les difficultés sont nombreuses et avec lequel on a une histoire compliquée: on comprend que le PS n'ait pas d'intérêt particulier pour le DDPS. «A l'étranger, on trouve aussi des ministres de la Défense qui sont socialistes ou de gauche», note pour autant avec justesse Samuel Bendahan. Quand la Suisse compte-t-elle passer le pas?

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source: div ter 1
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