Il leur en aura fallu, du temps. Le délai pour les candidatures du Centre à la succession de Viola Amherd était échu ce lundi à midi. Le matin même, le seul prétendant au titre était encore le Saint-Gallois Marcus Ritter. Ce n'est qu'à 10h que le conseiller d'Etat zougois Martin Pfister a annoncé sa candidature.
H-2 pour Le Centre, donc, un parti où l'intérêt pour la fonction suprême de la politique helvétique ne semble pas très prononcé. Que se passe-t-il auprès de la formation qui avait pourtant réussi à relever la tête aux élections fédérales de 2023? Pascal Sciarini, professeur en sciences politiques à l'Université de Genève, nous aide à y voir plus clair.
Personne ou presque au Centre ne veut devenir conseiller fédéral. C'est un peu gênant, non?
Ce n'est pas une image très forte qui est donnée et on s'étonne de cette faible présence de candidats ou candidates.
Généralement, il y a l'embarras du choix et un tri doit être effectué pour la composition du ticket à présenter devant l'Assemblée fédérale. Le Centre dispose de pléthore de candidats potentiels de qualité, entre le Conseil national, celui des Etats et les conseillers d'Etat présents dans les cantons. Le personnel politique est là.
Est-ce un aveu de faiblesse? Personne ne veut de la place d'Amherd au DDPS?
Cela joue certainement un rôle. Le Département fédéral de la défense et des sports est souvent celui que l'on offre au nouveau venu, d'autant plus que c'est celui que quitte Viola Amherd ici. Ce n'est pas le plus convoité et assurément pas un cadeau, d'autant plus avec toutes les difficultés qu'il rencontre en ce moment. Mais pour Le Centre, qui réclame par ailleurs un deuxième siège au Conseil fédéral, ce n'est pas optimal.
Le PLR pourra rétorquer que le Centre a déjà tant de peine à trouver de quelqu'un pour un premier siège, alors un deuxième... C'est une aubaine, non?
Cela pourrait être une tactique, mais je ne crois pas. D'ici-là, le Centre pourra parler de conjoncture particulière et argumenter qu'il a appris de ses erreurs et est désormais prêt.
Il y a les décisions personnelles et celles du parti. Dans une telle situation, c’est aussi la responsabilité du comité directeur du Centre de trouver quelqu’un, non?
La charge est certainement lourde et difficile. Mais de la part du quatrième parti du pays, troisième en termes de représentation à Berne, on aurait pu s'attendre à plus de préparation. L'absence visible d'organisation entre la démission du président, Gerhard Pfister, suivie par celle de la conseillère fédérale Viola Amherd, est inhabituelle.
Le parti a fait des efforts pour souder sa base, ces dernières années: fusion avec le PBD, changement de nom, lissage de ligne. Cela a porté ses fruits en 2023. Et tout ça pour ça?
Une succession au Conseil fédéral est l'occasion d'avoir une tribune médiatique importante, qui peut permettre de gagner en popularité, voire de gagner des voix aux prochaines élections.
Cependant, nous sommes encore loin de 2027 et il n'est pas sûr que cela lui porte préjudice.
Le parti espérait aussi taper plus au centre gauche avec des profils plus urbains ou moins issus de son sérail catholique-conservateur. Résultat: un paysan saint-gallois et un notable du «canton des banques». C'est un peu loupé, non?
Ce ne sont en effet pas les personnalités qui représentent le plus cette nouvelle ligne. Mais le moment de l'élection ne fait pas tout et le candidat pourrait devenir populaire par la suite, en tant que conseiller fédéral, comme l'a été Doris Leuthard en son temps.
Face à ce qui peut être perçu comme un manque de détermination, risque-t-on de voir des candidatures sauvages apparaître?
Je ne crois pas. Le siège du Centre n'est contesté ni à gauche ni à droite. Et même si la gauche tente quelque chose en faveur des Vert'libéraux, le poids du reste de l'Assemblée ne jouera pas en leur faveur. Et difficile d'imaginer un vote sauvage pour un candidat centriste non officiel quand celui-ci peine à les trouver pour son propre ticket.