Notre système politique serait un casse-tête à mettre en application au quotidien. C'est ce qu'ont dû se dire pas mal de membres du Conseil national et du Conseil des Etats pendant la session de printemps, qui se terminait ce vendredi 15 mars. L'adoption de l'initiative populaire pour une 13e rente AVS a fait irruption, marquant une rupture avec la réserve quasi légendaire à l'égard des bienfaits sociaux.
Certains bourgeois ont du mal à accepter la décision du peuple. En témoigne la lutte autour du financement additionnel. La suppression des rentes pour enfants de retraités décidée par le Conseil national appartient à une catégorie similaire. Elle a un arrière-goût de «revanche».
Toujours est-il que la 13e rente AVS sera versée à partir du 1er janvier 2026, même si son financement n'est pas définitivement déclaré. Des clarifications de l'Office fédéral de la justice ont montré que l'initiative est directement applicable. Cette précision est nécessaire, car le Parlement a montré peu de respect pour la volonté populaire lors de cette session.
Il y a deux ans, le peuple avait déjà accepté une initiative populaire de gauche. Elle demandait l'interdiction de la publicité pour le tabac accessible aux enfants et aux jeunes. Près de 57% et 15 cantons ont dit «oui», un résultat similaire à celui de la 13ᵉ rente AVS. Mais le Parlement tenterait de «saboter» la décision populaire.
Lors de la première délibération au Conseil des Etats l'automne dernier, le projet de mise en œuvre du Conseil fédéral a été «criblé» d'exceptions, par exemple pour le personnel de vente mobile ou le sponsoring d'open airs. Et le Conseil national voulait aller encore plus loin, bien que l'Office fédéral de la justice ait estimé que la loi était anticonstitutionnelle sous cette forme.
L'UDC a clairement fait savoir qu'elle préférerait ne pas appliquer la décision du peuple. Le PS a parlé d'une «prosternation devant le lobby du tabac». Cette «alliance contre nature» des deux pôles a fait capoter le projet. Désormais, une demande visant à protéger la santé des mineurs risque de rester lettre morte.
La richesse des espèces en Suisse est en mauvaise posture. En Europe, elle fait partie des derniers de la classe en matière de biodiversité. Ce thème a été un facteur dans l'initiative sur l'eau potable et l'initiative sur les pesticides, qui ont été rejetées en juin 2021 après une campagne de votation houleuse. En «contrepartie», on a promis plus d'écologie.
Comme une «voie d'abaissement» pour les produits phytosanitaires ou d'autres mesures visant à promouvoir la biodiversité dans l'agriculture. Il était prévu de délimiter 3,5% des terres arables à cet effet. Mais depuis, le Parlement a repoussé deux fois l'introduction de cette mesure et, lors de la session de printemps, le Conseil national a décidé de la supprimer complètement.
Il n'a servi à rien que le conseiller fédéral UDC Guy Parmelin mette en garde contre une «violation du principe de la bonne foi». Les protestations des paysans qui ont «débordé» sur la Suisse ont joué un rôle, bien qu'il s'agisse en premier lieu de prix plus élevés.
Il y a très exactement douze ans, l'initiative sur les résidences secondaires était acceptée de justesse, au grand dam des régions de montagne. Ce n'est que lorsque l'UDC a reconnu le «danger» de ses propres initiatives populaires qu'une loi acceptable pour les initiants a vu le jour.
Le «délai de grâce» est apparemment écoulé. Le Conseil des Etats a clairement voté en faveur d'un assouplissement proposé par le conseiller national grison Martin Candinas. Selon cet amendement, la surface habitable peut être augmentée de 30% lors de la construction ou de la rénovation de maisons construites avant mars 2012. Le Conseil fédéral était en principe favorable à cette mesure.
Il souhaitait que cela permette de créer des résidences principales pour la population locale. Celle-ci a en effet du mal à trouver un logement abordable dans certains lieux touristiques. Les représentants du canton d'Uri Heidi Z'graggen (Centre) et Josef Dittli (PLR) ont donc soutenu la variante du Conseil fédéral, mais le Conseil des Etats a décidé que de nouvelles résidences secondaires devaient également être possibles.
Les trois exemples ne peuvent pas être comparés directement. En fin de compte, il s'agit de la manière dont la volonté du peuple est traitée. L'UDC se réfère à son initiative sur l'immigration de masse, qui n'a elle aussi été mise en œuvre que dans une variante très édulcorée.
Il y a dix ans, l'UDC avait affirmé lors de la campagne de votation que les accords bilatéraux avec l'UE ne seraient pas menacés en cas d'acceptation. Faux. L'UE n'était pas prête à négocier la libre circulation des personnes. Il ne restait donc plus qu'à choisir entre «la peste et le choléra»: la résiliation des accords bilatéraux ou leur non-application.
Avec le temps, ce qui a évolué, c'est que les initiatives populaires ont de plus en plus de chance d'aboutir. Le refus du Parlement de mettre en œuvre de manière conséquente de telles décisions populaires - ou des promesses en cas de rejet - est toutefois discutable.
Elle pourrait abaisser encore le seuil d'acceptation des demandes populaires, même problématiques. Le 9 juin prochain, l'initiative sur l'allègement des primes et l'initiative sur le frein aux coûts seront soumises au vote, toutes deux avec des chances de succès considérables.
Et en septembre suivra probablement l'initiative sur la biodiversité. Un contre-projet «inoffensif» qui aurait conduit au retrait de l'initiative a été «balayé» par le Parlement sous la pression du lobby paysan. La décision prise lors de la session de printemps de biffer purement et simplement les surfaces écologiques promises devrait donner un élan supplémentaire à l'initiative.