Rien ne va plus à Berne, où l'affaire des signatures frauduleuses récoltées rebondit. Six conseillers nationaux et un conseiller aux Etats ont interposé près de sept interventions mercredi au Parlement, toutes identiques. Le texte est assez direct:
Ensemble, ils demandent au Conseil fédéral de tirer les conséquences de cette débâcle et d'enfin mettre sur pied une révolution technologique attendue depuis longtemps: la collecte électronique des signatures. Les parlementaires proviennent de tous les partis, sauf l'UDC. Il s'agit de:
Ils argumentent dans leurs motions que «l'e-collecting peut augmenter substantiellement la sécurité lors du dépôt des signatures et ainsi rétablir la confiance dans l'exercice des droits politiques».
C'est un signal puissant envoyé par le Parlement au Conseil fédéral: il est rare qu'au Conseil national six partis fassent la même demande. Au Conseil des Etats, où la demande est déposée par le libéral-radical Matthias Michel, des représentants de tous les partis ont signé la motion. Quant à l'UDC, s'il est absent dans le dépôt des interventions, plusieurs de ses membres l'ont signée, tant au Conseil national qu'aux Etats.
Concrètement, les parlementaires demandent au Conseil fédéral «d'initier un projet pilote pour expérimenter la collecte électronique de signatures et de référendums, le e-collecting». Ceci sur la base technique de l'identité électronique, l'e-ID, dont le développement avance à grands pas à la Confédération.
Nous rencontrons le conseiller national Gerhard Andrey et le conseiller aux Etats Matthias Michel dans la salle des pas perdus. Ils ont fait avancer le projet dans les deux chambres au cours des derniers jours et ont rencontré beaucoup d'encouragements. Le premier connaît d'ailleurs bien le secteur, puisqu'il est entrepreneur en informatique.
Après des décennies d'hésitation, presque tous les partis sont enfin d'accord pour faire un pas en avant avec l'e-collecting. Le scandale des signatures a donc aussi eu du bon:
Mais comment cette méthode fonctionnerait-elle exactement? Le conseiller aux Etats Matthias Michel explique que la Confédération veut proposer l'e-ID à tous les citoyens suisses à partir de 2026.
Pour une collecte de signatures, il sera par exemple possible à l'avenir de lire un code QR du comité d'initiative et d'apposer sa signature numériquement. L'enregistrement est alors sécurisé et surtout, unique. «Une fois que la signature a été lue, le système l'enregistre directement. Il sera donc impossible d'apposer deux fois ma signature à un texte», explique l'Argovien, qui illustre:
Pour Gerhard Andrey, un autre avantage de l'e-ID et qu'elle est décentralisée et peu gourmande en données. «Mes informations restent sous mon contrôle. L'e-ID constatera d'elle-même si je veux signer deux fois la même initiative et rendra la signature impossible». Le système à même l'avantage «d'établir un secret des signatures», explique le conseiller national fribourgeois, ce qui n'était pas le cas avec les signatures manuelles, comme en attestent certaines des méthodes utilisées pour la récolte frauduleuse de signatures. Par ailleurs, les communes vérifiant et confirmant en dernier ressort la validité du consentement numérique, ce secret n'était pas total.
Après que le peuple a rejeté en votation en 2021 une e-ID gérée par des prestataires privés, mais reconnus par l'Etat, une large alliance a lancé un nouveau projet sur une base purement étatique. La nouvelle e-ID doit être émise par l'Office fédéral de la police, Fedpol. De plus, les détenteurs d'une e-ID doivent pouvoir conserver le contrôle de leurs données.
Un premier essai pilote avec la nouvelle e-ID est déjà en cours: en Appenzell Rhodes-Extérieures, le permis d'élève conducteur peut également être obtenu par voie électronique depuis le mois de mai. Il est enregistré sur le smartphone, dans un portefeuille électronique. Celui qui veut le présenter, par exemple au début d'une leçon de conduite ou lors d'un contrôle routier, peut le faire via un code QR. Les données transmises permettent aux auto-écoles ou à la police de vérifier la validité du permis.
Les motionnaires estiment que la base légale est également assurée pour un essai de collecte électronique des signatures. Avant d'introduire l'e-collecting sur l'ensemble du territoire, Gerhard Andrey et Matthias Michel préconisent de mettre en place un projet pilote. Il serait par exemple envisageable de lier dans un premier temps l'e-collecting à un quota maximal de collectes numériques.
Matthias Michel n'admet toutefois pas l'argument selon laquelle l'e-collecting permettrait de lancer des initiatives et des référendums plus facilement et donc plus fréquemment. Il estime au contraire que cela poussera les gens à s'intéresser aux textes de plus près:
Gerhard Andrey abonde:
Le large soutien dont bénéficient ces interventions au Parlement va dans ce sens. Tout comme les déclarations du chancelier Viktor Rossi, dont la responsabilité est de vérifier les signatures. Il est en train d'examiner des méthodes techniques permettant de mieux sécuriser les collectes de signatures. Il a expressément cité l'e-ID comme option.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)