Quand on pense à une place de jeu, ce n'est pas ce qui nous vient à l'esprit en premier: un avertissement contre les substances toxiques. C'est pourtant une réalité à Lausanne depuis plusieurs années. Des panneaux en bois rappellent aux parents que leurs enfants ne doivent surtout pas jouer avec la terre, et encore moins la mettre à la bouche.
En effet, les émissions de dioxine d'une ancienne usine d'incinération des ordures ménagères ont pollué de vastes zones de la ville. La pollution est plus forte et plus étendue que nulle part ailleurs en Suisse. Selon les estimations, les valeurs limites sont dépassées sur 3000 parcelles. Les 30 à 50 premiers centimètres de sol devraient être enlevés. Mais ce travail de titan est-il vraiment nécessaire?
Cette question est en suspens depuis qu'une étude commandée par le canton a calmé les inquiétudes en août. Selon celle-ci, les taux de dioxine dans le sang des personnes ayant consommé des aliments provenant des zones contaminées ne sont pas significativement plus élevés que ceux du reste de la population.
L'idée de base est la suivante: tout le monde absorbe des dioxines via l'alimentation (animale), que l'on vive ou non dans la «zone dangereuse» de Lausanne. Certains Lausannois doutent donc de l'utilité de labourer des dizaines de jardins et de places de jeux, une opération qui coûterait des millions de francs.
Le médecin cantonal vaudois, Karim Boubaker, a également laissé entendre en août dernier que les résultats de l'étude pourraient aider à repenser les normes pour l'assainissement des sols pollués. En effet, des discussions ont eu lieu ces derniers mois entre le canton et la Confédération, a appris CH Media, éditeur de watson.
Mais l'Office fédéral de l'environnement voit la situation autrement: les résultats vaudois sont certes «en principe positifs», mais ne permettent pas de remettre en question la valeur d'assainissement pour les dioxines. La raison: les analyses de sang n'ont été faites que chez des adultes. L'étude «ne permet donc pas de se prononcer directement» sur la contamination des enfants par la dioxine.
Or, les valeurs d'assainissement au niveau national fixées par le Centre suisse de toxicologie humaine appliquée s'orientent avant tout vers la protection des personnes les plus vulnérables. Dans le cas de Lausanne, ce sont justement les jeunes enfants qui représenteraient le groupe le plus sensible à protéger, car ils absorberaient des particules de terre en jouant sur des sols pollués, argumente l'office fédéral.
Pourquoi les experts n'analysent-ils pas les taux de dioxine dans le sang des enfants afin de pouvoir évaluer le danger potentiel exact? «Pour des raisons éthiques», explique le Département vaudois de la santé. La quantité de sang nécessaire – environ 2,6 décilitres par personne – serait tout simplement trop importante.
Les scientifiques pensent toutefois que les résultats de l'étude menée sur les adultes pourraient être transposés aux enfants, car les membres d'une même famille ont un comportement alimentaire similaire et se nourrissent des mêmes produits.
La décision de la Confédération montre que rien ne change dans les règles du jeu pour Lausanne. La valeur d'assainissement reste fixée à 20 nanogrammes de dioxine par kilo de terre. Les autorités doivent donc examiner de manière approfondie un assainissement du sol pour les quelque 3000 parcelles qui dépassent cette valeur, selon l'état actuel des connaissances.
Les autorités vaudoises espèrent au moins pouvoir éviter l'élimination à grande échelle de la couche supérieure de terre. Elles étudient actuellement plusieurs méthodes alternatives d'assainissement. Celles-ci vont de l'utilisation de bactéries qui décomposent les dioxines à l'application de produits chimiques en passant par un traitement thermique.
De même, il n'existe pas encore d'horizon temporel. Les panneaux d'avertissement continueront donc à faire partie des places de jeux typiquement lausannoises.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci