Au premier abord, le cas ne pourrait être plus ordinaire: le 23 mars 2023, à 9h35, un conducteur a roulé trop près du véhicule qui le précédait sur l'autoroute et s'est fait sanctionner pour avoir enfreint le code de la route. Les ministères publics régionaux d'Argovie délivrent chaque mois de nombreuses ordonnances pénales de ce type.
Mais deux éléments rendent cette affaire intéressante: premièrement, le prévenu a contesté cette décision jusqu'au Tribunal fédéral. Deuxièmement, il fait face à une amende de 10 000 francs assortie d'une peine pécuniaire avec sursis de 98 500 francs. Cette importante somme n'est pas due à la gravité de l'acte – le chauffard n'a reçu que 50 jours-amende.
Mais le montant de ceux-ci est impressionnant: 1970 francs par jour. Cela s'explique par le revenu net élevé de l'homme. Il est en effet le CEO d'une très grande entreprise basée en Suisse centrale, et il gagne près de 1,7 million de francs par an.
En ce matin printanier, l'homme bien installé dans sa BMW roulait sur la voie de dépassement de l'A1 près de Kölliken (AG). Il talonnait la voiture qui le précédait: pendant environ 2,4 kilomètres et à une vitesse de 110 à 120 km/h, seuls huit à douze mètres séparaient les deux véhicules. Son comportement représentait «un grave danger pour la sécurité d'autrui», lui a reproché le ministère public.
L'homme a contesté l'ordonnance pénale auprès du tribunal de district de Zofingue (AG) et de la Cour suprême argovienne. S'il n'a pas pu se débarrasser du verdict de culpabilité, l'amende est toutefois passée de 15 000 à 10 000 francs. Le CEO a finalement fait appel de la décision de la Cour suprême devant le Tribunal fédéral. Dans un nouveau jugement, celui-ci conclut toutefois que son recours est infondé.
L'homme – qui est lui-même juriste – se plaint entre autres de n'avoir jamais été correctement interrogé par le ministère public dans le cadre de l'enquête et de la procédure d'instruction. Le Tribunal fédéral n'entre même pas en matière sur ce point. La procédure de l'ordonnance pénale ne précise aucun droit à être interrogé par le ministère public, et l'homme a pu s'exprimer devant le tribunal de district. Il a été brièvement interrogé par la police sur les faits et sur sa personne le jour des faits.
Il a également critiqué le fait que le jugement se base sur une preuve vidéo capturée par la police. Le tribunal d'arrondissement a évalué les distances en se basant sur les lignes directrices et leurs intervalles. Selon le conducteur, il s'agirait d'une «fausse précision». De plus, le tribunal n'aurait pas tenu compte du fait que sa voiture émettrait constamment des signaux d'avertissement lorsque la distance est trop faible et qu'elle disposerait de freins de sport.
L'estimation de la distance ne pose toutefois pas de problème au Tribunal fédéral. En outre, celui-ci n'a pas non plus déclaré arbitraire le recours aux lignes directrices pour déterminer la distance dans des cas antérieurs. L'hypothèse selon laquelle la distance est au moins inférieure à 1/6 de tachymètre (0,6 seconde, réd.) ne serait pas non plus arbitraire. Selon le Tribunal fédéral, savoir ou non si une évaluation de la distance au mètre près était possible n'entre donc pas en ligne de compte dans ce jugement.
En rejetant son recours, le Tribunal fédéral a confirmé la motivation du Tribunal supérieur d’Argovie, selon laquelle l’automobiliste avait créé un danger sérieux pour la sécurité des autres usagers par son comportement. Son attitude au volant a été qualifiée d’«irrespectueuse». Même de petites erreurs de conduite auraient pu entraîner des accidents aux conséquences dramatiques.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci