«On n'a jamais vécu une telle crise»: un employé de la RTS se confie
Comment réagit-on autour de vous suite à l’annonce d’un plan d’économies de 270 millions de francs à la SSR, assorti de la suppression de 900 emplois d’ici à 2029?
Un collaborateur de la RTS: Pour nous, c’est un coup de tonnerre, un coup de massue. On savait qu’il y aurait des annonces de suppressions d’emplois, mais quand ces annonces tombent, c’est toujours très dur à encaisser. On parle quand même d’environ 15% des postes de la SSR. C’est beaucoup. Cette annonce s’inscrit dans une conjoncture qui n’est pas bonne économiquement et politiquement pour la SSR, et pour nous la RTS, depuis la votation «No Billag» de 2018.
L’initiative, qui demandait la suppression de toute redevance, avait pourtant été rejetée par plus de 71% des votants?
Oui, mais près de 30% avaient dit «oui», ce qui n’est pas rien. Aujourd’hui, le contexte est celui de la votation de mars 2026 sur une redevance à 200 francs. Cela pourra paraître à certains plus acceptable que sa suppression totale proposée il y a huit ans.
Qui vous a fait part de ce plan d'économies de 270 millions et de la suppression de 900 emplois?
C’est la directrice de la SSR, ce lundi matin, en visioconférence, qui s'adressait à l'ensemble des employés de la SSR, soit un effectif théorique de 5700 postes à temps plein.
Qu’est-ce qu’elle vous a dit de concret sur les économies et les suppressions d’emplois?
Tout n’est pas encore très clair. Des discussions ont lieu avec les syndicats, notamment.
Sur les 900 suppressions de postes annoncées, quelle sera la part des licenciements et celle des départs à la retraire non repourvus?
Nous ne le savons pas encore.
Une centralisation de quoi?
Des directions, des ressources, entre les trois entités nationales que sont Zurich, Genève et Lugano. On peut donc s’attendre aussi à des réformes structurelles. On se souvient qu’au début des années 1980, les téléjournaux étaient tous présentés depuis les studios de Zurich.
Est-ce que des questions ont été posées sur la pérennité du nouveau site de la RTS à Ecublens, près de Lausanne, et sur le maintien de ce qu’il est prévu qu'il reste à la tour du Quai Ernest-Ansermet à Genève?
Le déplacement à Ecublens est évidemment acté et il n’est pas question d’abandonner ce nouveau site. Les inquiétudes portent sur la tour à Genève. Y restera-t-il vraiment quelque chose de la RTS à terme? Etant donné les discussions en cours sur les économies à réaliser, cela n’est pas totalement certain.
Des secteurs se sentent-ils plus menacés que d’autres à la RTS?
J’ai l’impression que tous les secteurs se sentent menacés, les sports, les divertissements, l’actualité, les magazines.
Est-ce que le message transmis par la direction est de faire à l’avenir aussi bien, sinon mieux, avec moins, ce qu’on entend souvent dans le langage managérial?
Le message, c’est de maintenir une SSR forte, c’est de réaffirmer l’importance du service public de l’audiovisuel comme ciment national.
Parmi les personnels de la RTS, est-ce que certains pensent que l’initiative «200 francs, ça suffit!» pourrait être acceptée?
Certains pensent que cette initiative sera clairement rejetée comme l’avait été No Billag, qu’il y aura un plébiscite de la population en faveur de la SSR, perçue comme un vecteur d’unité nationale. D’autres sont plus inquiets, parce que le contexte a changé.
En quoi le contexte a-t-il changé?
Ce n’est pas la même initiative. La redevance serait maintenue même si durement coupée, il n’y aurait qu’à s’adapter. C'est ce que pensera sûrement une partie des Suisses. Ensuite, par rapport à 2018, le pouvoir d’achat a reculé, on note une défiance à l’égard des médias depuis le Covid, et les réseaux sociaux ont considérablement gagné en importance, au détriment, parfois, de la confiance dans les institutions. Et puis, un sondage Tamedia peu rassurant paru en octobre donnait 53% de «oui» à «200 francs, ça suffit!».
Que va-t-il se passer maintenant?
Pour leur dire quoi?
On peut s’attendre à des annonces plus précises quant aux suppressions d’emplois et aux mesures d’économies par secteurs. La SSR n’a jamais été confrontée à une crise d’une telle ampleur. A propos des emplois, il y a déjà des employés qui sont en contact avec les Ressources humaines ou avec les syndicats, et il y a déjà eu des licenciements.
