Le rapport «Activités d'influence et désinformation» diffusé cette semaine par le Conseil fédéral n'y va pas par quatre chemins, les chaînes comme Russia Today et Sputnik seraient «des outils de propagande et de désinformation russes ciblées».
Et ce n'est pas la séquence d'interview du président des Jeunes UDC sur la chaîne Russia Today qui dira le contraire. En effet, Nils Fiechter explique que la conférence sur l'Ukraine organisée par la Suisse au Bürgenstock est une «farce absolue».
Mais pour en revenir au rapport du Conseil fédéral, les cas d'influence sont principalement russes et chinoises. Selon le gouvernement, «les acteurs politiques et ceux de la société civile, réels ou semblant réels, peuvent être les vecteurs d'activités d'influence». La Russie, par exemple, utiliserait:
Le Kremlin s'est créé «un réseau bien disposé de femmes et d'hommes politiques européens de tout le spectre politique par le biais de dons à des partis, de conférences et d'invitations en Russie», peut-on lire dans le rapport. La Chine, en revanche, instrumentaliserait:
La numérisation croissante et l'intelligence artificielle favoriseraient la diffusion de la désinformation. La Suisse serait également de plus en plus la cible directe d'activités taillées sur mesure.
Ainsi, l'opinion publique serait la cible de manipulation par des «activités d'influence». Dans ce domaine, la Suisse est menacée en tant qu'«actrice de la politique étrangère et en tant que site de nombreuses organisations internationales».
Le droit de surveillance des associations et des fondations, dans lequel l'autocontrôle joue un rôle important, représenterait une porte d'entrée importante pour le financement de telles activités. Ainsi, Vladimir Lakounine, qui fait partie du cercle d'amis proches de Poutine, aurait financé son organisation d'influence et de lobbying Dialogue des civilisations via un réseau de fondations en Suisse.
Le rapport cite également d'autres exemples de désinformation russe. L'un d'entre eux visait le laboratoire de Spiez après l'empoisonnement au Novitchok de l'ancien espion russe Sergueï Skripal et de sa fille à Londres. «Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a affirmé que le laboratoire de Spiez n'avait pas identifié les échantillons de Novitchok comme tels». Un mensonge qui aurait été diffusé par des usines à trolls russes.
Pour diverses raisons (taille réduite du pays et de l'espace médiatique, niveau de vie élevé, bon niveau de formation, etc.), la Suisse est plus résistante à la désinformation que d'autres pays, selon le Conseil fédéral. Il s'inquiète toutefois du fait que la population suisse présente des compétences médiatiques «plutôt mauvaises» en comparaison internationale.
Autrement dit, de distinguer s'il s'agit d'une information, d'un commentaire ou d'une publicité. Le risque de tomber dans le panneau des fake news augmente donc. Le fait que de moins en moins de personnes en Suisse consomment des «chaînes de nouvelles traditionnelles» pose également problème.
Que fait-on pour y remédier? Le Conseil fédéral précise qu'il «se focalise sur la prévention et la sensibilisation à ce thème afin de renforcer la résilience de l'Etat et de la société». En outre, l'évolution de la situation doit être suivie de plus près et abordée dans les organes de sécurité de la Confédération. La recherche qui étudie l'impact de la désinformation doit également être encouragée.
Le Conseil national a commandé le rapport du Conseil fédéral sur les fake news en mars 2022: deux semaines après l'invasion de l'Ukraine par les Russes, il a transmis par 103 voix contre 79 un postulat de sa commission de sécurité allant dans ce sens.
L'UDC, et avec elle l'actuel conseiller fédéral Albert Rösti, a voté en bloc contre le postulat. Les 26 voix restantes, sur un total de 79 voix contre, provenaient du groupe parlementaire du Centre.
Le rédacteur en chef de la Weltwoche Roger Köppel, alors encore conseiller national UDC, a lui aussi voté contre la mise au point. Quelques semaines plus tôt, alors que Poutine rassemblait en masse des troupes et des armes lourdes à la frontière avec l'Ukraine, il avait fait une apparition sur Russia Today. Selon la NZZ, il a demandé à l'Occident de ne pas se mettre en travers de la route des Russes en Ukraine.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci