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Obèse en Suisse, elle se traite avec Wegowy et se confie

Une fois par semaine, Ardita se fait une injection de Wegovy dans le ventre.
Une fois par semaine, Ardita se fait une injection de Wegovy dans le ventre.Image: watson

«Tu es grosse, personne ne veut de toi»: elle se bat et se confie

Il y a quelques mois, Ardita pesait quasimment 100 kilos. Avec l’injection amaigrissante Wegovy, elle a perdu près de 20 kilos. Mais le stigmate, lui, persiste.
20.11.2025, 19:0020.11.2025, 19:00
Reto Heimann
Reto Heimann

«Cela aurait été impossible pour moi il y a encore quelques mois», sourit Ardita*. Elle vient tout juste de gravir les escaliers jusqu’au quatrième étage du Centre pédiatrique d’endocrinologie (Pezz) à Zurich. Dans ce bâtiment ancien, il n’y a pas d’ascenseur: seulement un escalier grinçant en bois.

Ardita est suivie au Centre pédiatrique d’endocrinologie de Zurich.
Ardita est suivie au Centre pédiatrique d’endocrinologie de Zurich.Image: watson/Reto Heimann

En mars encore, Ardita aurait été totalement essoufflée en montant ces marches. A cette époque, elle pesait 96 kg pour 1m62. Aujourd’hui, sept mois plus tard, la jeune femme de 20 ans pèse 18 kilos de moins. Et ça, grâce à ds injections de Wegovy. Ardita fait partie des premiers adolescents de Suisse à perdre du poids en utilisant cette injection. Chaque semaine, elle se pique dans le ventre.

Comment fonctionne le produit amaigrissant
Les injections amaigrissantes ont été découvertes un peu par hasard. A l’origine, le médicament Ozempic a été développé pour traiter les personnes diabétiques. Des patients ont ensuite raconté qu’Ozempic réduisait leur faim et qu’ils perdaient ainsi du poids.

Le mécanisme est le suivant: lorsque nous mangeons, notre intestin produit une hormone appelée GLP-1, qui déclenche la sensation de satiété. La piqûre contient un agoniste du GLP-1, autrement dit une substance qui imite cette hormone afin de provoquer plus vite la sensation de satiété.

Il existe désormais des piqûres combinant plusieurs agonistes, donc plus efficaces. Les plus connues sont Wegovy et Mounjaro.
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image: keystone

Vivre avec le surpoids, une violence constante

En Suisse, la piqûre amaigrissante est autorisée dès l'âge de douze ans. Pour que la caisse-maladie la prenne en charge, il faut un IMC d’au moins 35. Pour les enfants et adolescents, les valeurs sont adaptées. C’est la définition suisse de l’adiposité, communément appelée obésité sévère.

Ardita avait un IMC d’environ 37 lorsqu’elle a commencé la thérapie. Elle se souvient du jour où la balance a presque affiché 100 kilos:

«Etre si près d’un nombre à trois chiffres: ça a été le rappel à la réalité le plus brutal de ma vie. J'ai su que je ne voulais pas infliger ça à mon corps et à ma santé»

Ardita est en surpoids depuis l’enfance, comme 13,1% des filles et 14% des garçons en Suisse. L’adiposité concerne 2,8% des filles et 3% des garçons. Une tendance s'est dessinée chez les deux dernières générations: l’IMC des enfants déjà obèses continue d'augmenter. Autrement dit, les enfants corpulents deviennent encore plus corpulents.

Ardita ne se rappelle plus la première fois où elle s’est sentie grosse. Mais elle sait que, durant la puberté, cela s’est aggravé.

«Pendant que mes amies vivaient leurs premières relations, j’avais le rôle de la grosse copine qui accompagne et soutient»

Ce qui fait rêver la plupart des ados, elle le vivait comme un cauchemar: aller à la piscine, par exemple. «Je me cachais toujours derrière un linge. Ou j’espérais me dissimuler entre mes amies», raconte-t-elle. Si des garçons étaient présents, sa gêne s’intensifiait encore.

Elle se rappelle aussi avoir fondu en larmes après qu'une adversaire l'ait insultée à cause de son poids sur un terrain de foot.

«J’avais toujours cette voix dans ma tête qui me disait: tu es grosse, personne ne veut de toi, surtout pas sur le plan romantique.»

Complexes et tabous

Quand Ardita parle, elle croise souvent les bras sur sa poitrine. Elle veut protéger son ventre des regards, sa plus grande zone de complexe. «C’est devenu presque un réflexe», confie-t-elle. «S’il y avait un coussin sur ce canapé, je l’aurais déjà attrapé pour me couvrir.»

Pour son entretien avec watson, elle porte un pantalon noir ample et un pull en laine gris sans manches, ce n'est pas rien pour la jeune fille:

«Avant la piqûre amaigrissante, jamais je n’aurais osé montrer mes bras nus»
Grâce à Wegovy, Ardita se sent déjà beaucoup mieux dans son corps.
Grâce à Wegovy, Ardita se sent déjà beaucoup mieux dans son corps.Image: watson/Reto Heimann

A part son médecin, ses parents et ses deux meilleures amies, Ardita n’a parlé à personne de Wegovy. Pour elle, la piqûre porte le même stigmate que le surpoids: si elle est grosse, c’est qu’elle est «forcément» paresseuse et indisciplinée. Premier stigmate. Tellement paresseuse qu'elle choisit désormais la solution de facilité pour perdre du poids. Deuxième stigmate. Elle préfère donc rester anonyme.

Une part de génétique dans l'obésité

Les études le montrent: un enfant dont les deux parents sont en surpoids a 80% de probabilité de l’être aussi. En effet, la prédisposition au surpoids est héréditaire.

Au cœur du problème: la régulation de l’appétit. Selon la génétique, la satiété s’installe plus tôt ou plus tard. Certains arrêtent de manger après deux biscuits, quand d’autres engloutissent le paquet entier.

La piqûre amaigrissante réduit l’appétit.
La piqûre amaigrissante réduit l’appétit.Image: watson/Reto Heimann

En d’autres termes: les personnes comme Ardita, génétiquement prédisposées au surpoids, doivent fournir un surplus de discipline pour rester dans une fourchette de poids «normale».

C'est précisément sur cela que les piqûres agissent: elles freinent l’appétit. Ardita l’explique ainsi: «Si je mangeais maintenant les mêmes quantités qu’auparavant, je serais écœurée».

La vie après les piqûres Wegowy

Une vingtaine de jeunes sont actuellement suivis au Pezz pour perdre du poids grâce à ces injections. Le bilan est mitigé, comme l'explique le professeur Urs Eiholzer, directeur de la clinique, dans un entretien avec watson. Plus de la moitié arrêtent la thérapie prématurément, incapables de modifier durablement leur alimentation.

Le traitement ne peut continuer que si une perte d’au moins 5% du poids (10% pour les adultes) est obtenue et maintenue. Les assureurs exigent des rapports réguliers.

Ardita redoute le moment où elle devra arrêter le médicament. Elle affirme toutefois:

«Je sais que je n’abandonnerai pas. Je ne veux plus jamais revenir au corps que j’avais avant»

La jeune femme sait que cela demandera du travail. Et beaucoup de discipline. Mais même si elle en avait envie, elle n’a pas touché aux biscuits au chocolat posés devant elle.

*Nom d'emprunt

Awww! Voici des animaux mignons!
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D'obèse morbide à star de la corde à sauter
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