Durant un séminaire consacré à la migraine, Lisa, une intervenante de 49 ans, renonce finalement à prendre la parole face au public qui s'est rendu à Zurich. A sa place, un avatar sur grand écran participe au séminaire. Voilà qui montre bien que le sujet est encore tabou.
HerHealth organisait cette événements avec trois experts du domaine. Comme l'explique Sonia Fröhlich de Moura de l'organisation HerHealth, les personnes qui souffrent de migraine, en particulier les femmes, sont stigmatisées.
Sur l'écran, l'avatar évoque un «fardeau insupportable». Durant des années, Lisa a souffert de sévères migraines et d'endométriose. La quadragénaire subissait en moyenne 23 jours de migraine par mois. Un traitement contre l'endométriose a fini par soulager un peu ses migraines. Dans le cadre de ce traitement, sa gynécologue lui a recommandé de se faire enlever les ovaires.
Mais Lisa n'était pas encore ménopausée, et n'a d'abord pas pu se résoudre à subir une telle opération. Mais avec le temps, les migraines l'ont tellement affaiblie qu'elle a finalement décidé de se faire retirer l'utérus, les ovaires et les trompes. Depuis, ses migraines ont diminué.
Bien sûr, une opération aussi lourde n'est pas la solution habituelle pour se débarrasser des migraines, explique le neurologue Andreas Gantenbein, de la clinique de rééducation ZurzachCare. L'un des nouveaux traitements contre la migraine aurait peut-être suffi à soulager ses maux.
Cet exemple montre qu'il ne faut pas attendre pour consulter et se faire soigner. Mais la stigmatisation des personnes souffrant de migraine joue ici un rôle important. Beaucoup ont peur de perdre leur emploi si elles s'absentent trop souvent. Cela augmente encore le stress, qui est l'un des principaux facteurs déclencheurs de la migraine.
On estime qu'un million de personnes souffrent de migraine, dont environ 800 000 femmes. La migraine ne touche pas tout le monde de la même manière, et toutes les personnes concernées ne doivent pas nécessairement consulter un neurologue. Mais environ 250 000 personnes en Suisse souffrent d'une forme chronique, avec au moins quinze jours de migraine par mois. Une crise peut durer entre 4 et 72 heures, et s'accompagne d'aura chez un cinquième des personnes touchées. Il s'agit par exemple de troubles de la vision, d'une sensibilité extrême à la lumière et au bruit, de troubles du langage, d'engourdissements, de nausées ou de vomissements.
Une prédisposition familiale à la migraine a été constatée à maintes reprises. En 2020, des neuroscientifiques de l'université de Zurich ont décrypté dans une étude le mécanisme responsable de la migraine héréditaire. Ceux-ci ont découvert qu'en raison d'un dysfonctionnement génétique, certaines cellules cérébrales responsables du traitement de la douleur ne pouvaient pas éliminer les excès de stimulation. Au lieu de cela, apparaissent des maux de tête violents typiques de la migraine.
Comme l'explique Reto Agosti, du Centre des céphalées Hirslanden, la migraine est une maladie sous-estimée et sous-diagnostiquée, car il n'existe aucun marqueur biologique permettant de la détecter. Pour cela, il faudrait qu'une patiente passe une IRM au moment précis où la crise migraineuse commence. L'activité cérébrale serait alors visible, mais un tel diagnostic n'est pas possible dans la vie quotidienne.
La cause exacte des migraines n'est toujours pas clairement établie. Mais il est certain que le déclencheur est neurologique. Les neurotransmetteurs, les hormones, telles que la dopamine, et surtout la sérotonine, joueraient un rôle important dans ce phénomène.
La difficulté réside également dans le fait que plusieurs facteurs conduisent généralement à une crise de migraine. Il est donc difficile d'identifier le déclencheur exact. Outre la tendance à se mettre soi-même sous pression, il existe d'autres facteurs déclencheurs tels que le manque de sommeil, l'alcool et le sport à haute intensité. Reto Agosti raconte:
La sortie à l'opéra a donc été annulée. Le chercheur raconte également l'histoire d'un joueur de hockey de la ligue supérieure qu'il traite. Celui-ci souffre de violentes migraines après chaque match, mais jamais après un entraînement. On parle alors de migraine induite par l'effort.
Le fait que les femmes soient beaucoup plus touchées par la migraine est en grande partie lié aux hormones. Une majorité de patientes souffrent de migraines menstruelles, qui surviennent avant ou pendant les règles.
Selon Reto Agosti, les hôtesses de l'air qui souffrent du décalage horaire finissent souvent migraineuses, tout comme le personnel soignant, en raison des gardes de nuit. Le télétravail est une bénédiction pour de nombreuses femmes souffrant de migraine. Les patientes qu'il met en télétravail ne souffrent alors presque plus de crises, et explique cela par la disparition du stress lié au trajet domicile-travail.
Bien que de nombreuses personnes soient touchées, selon HerHealth, 42% d'entre elles ne consultent jamais un médecin. Cela en raison de la stigmatisation, de la banalisation, de l'ignorance ou de la résignation. Cela engendre non seulement des souffrances, mais aussi des coûts. En Suisse, trois millions de jours de travail sont perdus chaque année à cause de la migraine, ce qui représente 600 000 millions de francs pour les employeurs.
La recherche a désormais mis au point des traitements relativement efficaces. Reto Agosti évoque un principe basé sur trois piliers. On trouve le traitement rapide d'une crise, avec la sérotonine qui freine la migraine. On la trouve dans le médicament dont le principe actif est le triptane.
On trouve également de nouveaux anticorps, les PRGC commercialisés sous le nom de Vydura. PRGC est l'abréviation de «peptide relié au gène calcitonine», une substance dont les concentrations sont élevées chez les personnes souffrant de migraine et que le médicament bloque.
La deuxième approche est la prévention médicamenteuse. «Il y a trente ans, on découvrait le Botox. Lors d'injections anti-rides à Beverly Hills, les migraines ont soudainement disparu», explique Reto Agosti. Le médecin utilise le Botox depuis longtemps.
Dans une démarche prophylactique, Reto Agosti injecte de la toxine botulique à certaines de ses patientes tous les trois mois.
Troisièmement, il existe également un moyen de prévention non médicamenteux. Reto Agosti recommande des exercices de relaxation. D'autres misent sur l'acupuncture, «dont l'efficacité est profonde, mais dont l'effet placebo joue ici un rôle important.» Les conseils nutritionnels peuvent également aider. La prise de riboflavine, un concentré de vitamine B2 pris en charge par les caisses maladie, s'avère également efficace. L'ubiquinol, une coenzyme qui favorise la production d'énergie et la protection des cellules dans l'organisme, est également recommandé par Reto Agosti. (aargauerzeitung.ch)
Traduit de l'allemand par Joel Espi