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Dossier électronique du patient: La Poste perd son monopole

La Poste perd gros dans la guerre du dossier patient suisse.
La Poste perd gros dans la guerre du dossier électronique du patient.Image: watson

«La Poste profitait de son monopole»: trois sociétés contre-attaquent

La filiale de La Poste, Sanela, s'est attiré les foudres de clients clés: elle prévoyait de quadrupler les tarifs de l’infrastructure informatique du dossier électronique du patient (DEP). Désormais, trois fournisseurs décident de suivre leur propre voie.
27.05.2025, 16:5127.05.2025, 16:51
Anna Wanner / ch media
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L'interminable saga du dossier électronique du patient (DEP) prend un nouveau tournant: trois fournisseurs se détachent de la plateforme informatique de La Poste et unissent leurs forces dès 2026 au sein de la plateforme commune Cara. Les organisations eHealth Aargau, eSanita de Suisse orientale et Cara de Suisse romande utiliseront au plus tard dès janvier prochain leur propre infrastructure informatique.

Cela vient contrecarrer les plans de La Poste, qui travaille depuis des années à consolider son rôle de leader dans le domaine de la cybersanté — avec le soutien du Conseil fédéral, qui vise une solution informatique unifiée pour le dossier électronique du patient à l'échelle nationale. La Poste n'a pas ménagé ses efforts pour cela: en plus de la conception et du développement de sa plateforme, elle a racheté des prestataires tels que la société d'exploitation Axsana. Au total, elle a investi plus de 100 millions de francs au cours des dix dernières années.

La stratégie semblait porter ses fruits: fin 2024, La Poste annonçait que près de 90% des fournisseurs de dossiers électroniques du patient (DEP) en Suisse utilisaient sa plateforme Sanela. Elle annonçait également pour 2025 le lancement d'une nouvelle plateforme dotée de fonctionnalités améliorées.

Un monopole très lucratif pour La Poste

Mais voilà que trois fournisseurs prennent leur revanche: ils se détachent de l'infrastructure de La Poste. eHealth Aargau a été le premier à rompre avec, comme l'explique son directeur Nicolai Lütschg:

«L'année dernière, nous avons subi une augmentation de prix assez importante de la part de La Poste. Nous avons donc décidé de ne pas renouveler les contrats et de lancer notre propre projet.»
Le bureau DEP sur le site d'Estavayer-le-Lac de l
Le dossier médical électronique est encore peu répandu dans la population.Keystone

Chez eSanita, implanté dans les cantons des Grisons et de Saint-Gall, le discours est similaire. Son directeur, Richard Pratt, explique:

«Nous n'avons pas renouvelé les contrats avec La Poste, car elle profitait de sa situation de monopole. Chaque étape de développement devant être cofinancée par nos soins, la nouvelle plateforme nous aurait coûté quatre fois plus cher qu'auparavant.»

eSanita passera à la nouvelle plateforme dès cet été, tandis qu'à partir de 2026, la maison mère Cara, principal fournisseur de DEP en Romandie, s'y joindra également.

Ce ne sont pas seulement les hausses de prix qui ont poussé les dissidents à emprunter une voie indépendante. Ils étaient également insatisfaits des solutions techniques proposées par La Poste. Selon Richard Pratt, avec leur propre plateforme Emedo, la situation est différente:

«Nous sommes proches des utilisateurs et pouvons recueillir directement leurs besoins»

Saignée parmi les clients de la Poste

Le choix de se détacher de La Poste n'a pas été pris à la légère, comme en témoigne l'ampleur du travail nécessaire pour lancer ce nouveau projet. Nicolai Lütschg précise qu'une base existait déjà, puisque la plateforme Emedo était déjà certifiée DEP. Cependant, il a fallu migrer l'ensemble des données, ce qui a représenté un effort considérable. Nicolai Lutschg confirme:

«Ce n'est pas nous qui avons cherché cette solution, beaucoup nous ont même déconseillé d'y aller».

Mais l'objectif reste clair: offrir à la population un service de santé efficace, sécurisé et gratuit, ce qui est désormais garanti. Les fournisseurs évoquent notamment une application parfaitement opérationnelle.

Cette évolution constitue un coup dur pour La Poste. Dans une réponse, le service de presse indique qu'elle regrette cette décision, car elle est convaincue que le dossier électronique du patient (DEP) ne peut être efficace que si tous les acteurs utilisent une plateforme unique. Elle souligne, par ailleurs, qu'elle continuera à gérer la majorité des dossiers à l'avenir.

Néanmoins, la perte de clients est importante: à ce jour, 110 693 patientes et patients en Suisse possèdent un dossier électronique du patient, dont 43 675 sont rattachés à l'un des trois prestataires qui se désengagent. Parmi les prestataires de soins — hôpitaux, médecins, aides et soins à domicile et maisons de retraite — 4134 sur un total de 5201 basculent vers la nouvelle plateforme.

La bataille concurrentielle est lancée. Les deux plateformes cherchent à attirer de nouveaux clients. Mais la question de savoir quel produit s'imposera ne dépend pas forcément de la facilité d'utilisation ou de la sécurité. Ce qui sera déterminant, c'est à qui le Conseil fédéral accordera le mandat. Ce dernier prévoit une modification législative, notamment pour centraliser l'infrastructure technique. A l'avenir, il n'y aura donc qu'un seul prestataire.

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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