Suisse
Santé

Des milliers de Suisses en danger à cause d'un fabricant américain

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Ici, l'un des capteurs défectueux du fabricant Abbott.Image: dr

L'erreur d'un fabricant américain met en danger des milliers de Suisses

La défaillance de capteurs de mesure de glycémie Abbott révèle des lacunes majeures dans la communication entre fabricant, médecins et pharmaciens en Suisse.
04.12.2025, 05:3804.12.2025, 05:38
Pascal Michel / ch media

Pour Stéphane Meier (nom d'emprunt), la nouvelle a été un choc. Ce lundi, il a reçu un message l’avertissant que son appareil de mesure glycémique pouvait afficher des valeurs trop basses.

Le diabétique utilise les modèles «Freestyle Libre 3» et «Libre 3 Plus», deux produits du groupe pharmaceutique américain Abbott. Ce genre de dispositif se présente sous la forme d’un petit patch qui permet de suivre son taux de glucose sanguin directement sur son smartphone.

Une erreur qui peut conduire à un drame

Meier a suivi les instructions du fabricant et vérifié la série de son capteur. Verdict: l’appareil qu’il utilise actuellement affichait bel et bien des valeurs trop basses. Et ses six capteurs de rechange étaient, eux aussi, défectueux. Consterné, il explique:

«Cela peut être fatal pour un diabétique»

Une valeur faussement basse peut soit pousser la personne à avaler trop de glucides pour contrer une hypoglycémie soit la pousser à retarder son injection d’insuline. Meier renchérit:

«Un taux de sucre incorrectement mesuré par l’appareil peut, à long terme, entraîner une cécité, l’amputation d’une jambe ou un coma.»

Il est loin d’être un cas isolé. Abbott a lancé son avertissement après avoir reçu 736 signalements d’incidents graves liés au capteur dans le monde, dont sept ayant possiblement conduit à un décès. Aux Etats-Unis, quelque trois millions de capteurs sont concernés, et en Suisse, Swissmedic parle de «plusieurs centaines de milliers» d’appareils.

Un dangereux manque de professionnalisme

Stéphane Meier a demandé au fabricant un remplacement urgent. Ne voyant aucun email de confirmation, il a appelé la hotline. On lui a alors annoncé qu’il ne recevrait un nouvel appareil que dans cinq jours. Une livraison express n'était pas possible.

Attendre cinq jours pour obtenir un capteur fonctionnel n’était pas une option pour lui. «Ça peut devenir dangereux», résume-t-il. Il a donc contacté son médecin de famille, mais celui-ci n’avait pas entendu parler du problème. Il s’est donc vu obligé de se rendre à la pharmacie, qui n’était pas au courant non plus.

Après vérification de son stock, l’équipe y a trouvé deux capteurs encore valides. «J’ai pu en acheter un correct», raconte Meier. Prix: 89 francs, dont la majeure partie sera prise en charge par l’assurance maladie. La communication du fabricant lui semble «peu professionnelle». Il déclare:

«Pour un incident aussi grave, il est inadmissible que médecins et pharmaciens ne soient pas informés»

Il estime également qu’un avertissement officiel des autorités aurait dû être diffusé:

«Certains patients ne consultent pas leurs emails tous les jours. Ils ont peut-être des valeurs extrêmement élevées en ce moment et risquent, dans le pire des cas, de tomber dans le coma.»
Stéphane Meier

Abbott assure avoir agi rapidement

Dans son message envoyé lundi à ses clients, l’entreprise américaine affirme avoir informé Swissmedic des capteurs défectueux. Une porte-parole a confirmé la véracité de cette information à Schweiz am Wochenende. Le fabricant ajoute avoir contacté médecins et distributeurs en Suisse.

L'autorité d'autorisation et de contrôle des produits thérapeutiques en Suisse confirme également cette communication. Selon sa base de données, Abbott a envoyé une lettre lundi, signalant notamment que «des risques graves pour la santé, incluant des blessures ou des décès, ne peuvent être exclus».

Un processus de communication lacunaire

En cas de problème avec un dispositif médical, le fabricant doit lancer une «mesure corrective de sécurité». Swissmedic supervise ce processus, mais ne publie pas automatiquement un avertissement public. Dans ce cas, par exemple, il n’y a eu aucun communiqué concernant les capteurs Abbott. Ce qui peut paraître étonnant, d’autant plus que Swissmedic a, jeudi encore, alerté publiquement sur l’abrasion de plastique dans le médicament Algifor. Un problème qui, lui, n’est pas mortel.

L’autorité explique cette différence par le fait que, pour les dispositifs médicaux, l’information incombe d’abord au fabricant. Abbott dispose des coordonnées directes des utilisateurs. Pour un médicament comme Algifor, ce n’est pas le cas. Il est alors nécessaire d’informer via les médias et le site de Swissmedic.

Quant au fait que Stéphane Meier en savait davantage que médecins et pharmaciens, Swissmedic le justifie par la chaîne de communication laissée à la responsabilité du fabricant. C’est lui qui décide de l’ordre des destinataires. Cet ordre peut varier selon «le nombre élevé d’utilisateurs concernés, le volume important d’appareils sur le marché et les canaux de communication». Il est donc possible que les clients finaux aient été informés avant certains distributeurs.

Une alerte déjà émise en avril

Le groupe basé dans l’Illinois avait déjà rencontré des problèmes avec les mêmes capteurs l’an dernier, cette fois parce qu’ils affichaient des valeurs trop élevées. Un cas signalé en Allemagne laisse penser que les dysfonctionnements actuels étaient connus depuis un moment: selon la Deutsche Apothekerzeitung, une médecin aurait averti, en avril, qu’un appareil Abbott affichait des taux beaucoup trop bas.

La patiente concernée ne s’était pas injecté d’insuline depuis trois semaines et buvait de grandes quantités de Coca, sans que les valeurs affichées ne dépassent le seuil d’hypoglycémie. Une vérification externe avait ensuite révélé un taux bien plus haut. Elle avait déclaré au journal:

«Honnêtement, je trouve ça scandaleux»

Abbott conseille aux patients concernés de vérifier leur taux à l’aide d’un glucomètre classique, en effectuant une mesure sur le bout du doigt, si leurs symptômes ne correspondent pas à la valeur affichée par le capteur ou s'ils suspectent une mesure inexacte.

Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich

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