Des cornflakes, yaourts aux fruits et barres de céréales aux saucisses et boulettes de falafel, en passant par les pizzas et soupes toutes prêtes: les aliments fortement transformés sont de tous les placards, tous les frigos. Les Suisses couvrent aujourd'hui un quart de tous leurs besoins caloriques journaliers avec ce type de nourriture et de boissons. Pourtant, on les soupçonne depuis longtemps d'être mauvais pour la santé.
C'est aujourd'hui confirmé par une équipe de chercheurs dirigés par Melissa Lane, médecin nutritionniste à l'université australienne Deakin, dans l'une des études les plus complètes à ce jour sur le sujet.
Les chercheurs ont analysé tous les travaux de synthèse des trois dernières années, dans lesquels ont été intégrées les données de 10 millions de personnes au total. Ils ont ainsi pu mettre en évidence un lien entre la consommation d'aliments industriels et un total de 32 conséquences néfastes pour la santé. C'est ce qu'ils rapportent dans la revue médicale BMJ.
Ils ont par exemple trouvé la preuve que les produits transformés augmentent le risque de décès d'origine cardiovasculaire, de maladies cardiaques, de diabète de type 2, d'hypertension et d'obésité. Melissa Lane et ses collègues ont également mis en évidence pour la première fois un lien détaillé entre ces aliments et la santé mentale. Les problèmes de sommeil, les dépressions et l'anxiété augmentent avec une consommation accrue.
Toutefois, il n'est jamais tout à fait clair si les conséquences sur la santé sont réellement imputables à la consommation d'aliments ultra-transformés ou si la cause n'est pas, du moins en partie, ailleurs.
C'est ce que souligne également David Fäh, médecin nutritionniste à la Haute école spécialisée bernoise:
On pourrait par exemple imaginer que les personnes très stressées mangent plus de produits tout prêts et dorment moins bien – le déclencheur serait dans les deux cas le stress et non les repas malsains. D'autres facteurs peuvent également être le manque d'exercice, le tabagisme, le travail en équipe ou un statut socio-économique bas.
L'étude actuelle n'a pas encore permis de découvrir définitivement les mécanismes sous-jacents par lesquels les aliments industriels causent certaines maladies. Mais la teneur élevée en graisses, en sucre et en sel de ces aliments, le peu de fibres alimentaires ainsi que le manque de vitamines, de minéraux et d'antioxydants importants en sont certainement une des raisons.
Avec sa collègue Giulia Pestoni, David Fäh a également mené une étude sur les aliments ultra-transformés auprès de 2000 Suisses et Suissesses. Ils ont ainsi constaté qu'un mode d'alimentation axé sur ce type d'aliments favorise l'obésité.
Selon l'expert en nutrition, il existe trois mécanismes plausibles à cela. Premièrement, les aliments ultra-transformés manquent de structure et de texture, ce qui correspond quasiment à une prédigestion. David Fäh déclare:
Deuxièmement, les produits finis sont pauvres en fibres alimentaires, qui assurent une sensation de satiété durable.
Dans une autre étude, une équipe américaine dirigée par le spécialiste du métabolisme Kevin Hall a pu montrer que le groupe d'étude qui s'est nourri exclusivement d'aliments hautement transformés pendant 14 jours a mangé environ 500 kilocalories de plus que celui qui n'a consommé que des aliments naturels. Résultat: le groupe «aliments transformés» a pris en moyenne un kilo, tandis que l'autre a perdu un kilo.
Le microbiome joue également un rôle important dans la régulation du poids. Et les additifs chimiques, présents en grand nombre dans les aliments hautement transformés, modifient souvent cette communauté bactérienne dans l'intestin pour le pire. Parmi ces additifs, on trouve notamment les édulcorants artificiels comme l'aspartame ou la saccharine, qui non seulement perturbent le microbiome, mais font aussi grimper le taux de glycémie.
Perdre du poids durablement et sainement grâce aux produits light est donc plutôt illusoire.
Selon le médecin nutritionniste, les découvertes médicales de ces dernières années sur les effets nocifs des aliments ultra-transformés sur la santé devraient être une raison suffisante pour les réglementer davantage.
Il propose par exemple de taxer les aliments à des taux de TVA différents en fonction de leur degré de transformation, de limiter notamment la publicité pour les enfants, par exemple pour les céréales de petit-déjeuner ultra-transformées ou l'accès aux boissons énergétiques, et d'introduire un label pour les aliments ultra-transformés.
Ce dernier n'existe pas encore aujourd'hui, car le Nutri-Score n'intègre pas non plus le degré de transformation. Au contraire, il n'est pas rare que les aliments hautement transformés soient catégorisés A ou B. Et ils apparaissent plus sains qu'ils ne le sont en raison de mots clés sur l'emballage tels que «sans sucre», «pauvre en graisses», «avec des vitamines» ou «végétalien».
Pour combler cette lacune, David Fäh a lancé une collaboration avec des collègues de la Haute école spécialisée bernoise et de l'Hôpital de l'Île avec l'application BitsaboutMe. En scannant son ticket de caisse, l'application calcule la proportion d'aliments hautement transformés dans le panier d'achats.
A toute la population, David Fäh conseille de veiller à ce que la liste des ingrédients des aliments que l'on achète soit la plus courte et la plus compréhensible possible et d'étudier d'un œil critique les produits à longue durée de conservation. Des clés pour identifier une forte transformation et de nombreux additifs.