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Ouvrier en Suisse, il n'a «plus la force de manger le soir»:

Teaser Strassenbauer was ich wirklich denke
Construction de routes et pose de revêtements: Adrien en connaît les avantages et les inconvénients.Image: watson

«Je n'ai plus la force de manger le soir»: ouvrier en Suisse, il raconte

Un ouvrier routier raconte combien la chaleur lui pèse, mais aussi comment l'attitude condescendante de certains employés de bureau, des règles de sécurité difficilement applicables et le racisme ordinaire rendent ce métier de moins en moins attractif.
17.08.2025, 18:5918.08.2025, 11:44
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Arjan* travaille dans le secteur de la voirie depuis plus de dix ans en Suisse alémanique. Ce qui le pèse le plus, c’est la chaleur extrême, le mépris et le racisme. De moins en moins de gens veulent exercer ce métier. On lui laisse la parole et il raconte. 👇

Quand on travaille dans un bureau, on ne peut pas imaginer ce que c'est que de rester, en plein soleil, à 35 degrés, en tenue complète pendant des heures, sans la moindre pause.

Debout, la sueur coule déjà à flots. Et nous devons encore effectuer un travail physique intense. Je sens que les étés deviennent chaque année plus éprouvants. L'air donne l'impression d'être à 45 degrés à l'étranger: lourd, oppressant, presque irrespirable.

«Le soir, en rentrant chez moi, je suis souvent si crevé que je n'ai plus la force de manger»

Tant que la loi ne changera pas, la situation ne fera qu'empirer. Les employeurs se contentent du strict minimum; par exemple, distribuer de l'eau en été. En Suisse, il n'existe actuellement pas de «congé chaleur». Seul le Tessin autorise les ouvriers à rentrer plus tôt lorsqu'une alerte canicule de niveau trois dure plusieurs jours consécutifs.

«Une telle mesure devrait être appliquée dans tout le pays, car c'est l'après-midi que le soleil tape le plus fort et l'après-midi, nous travaillons souvent quatre heures d'affilée.»

La Suva recommande, à partir de 33°C, de faire une pause de 15 minutes à l'ombre chaque heure. Notre chef de chantier en rigolerait. Un quart d'heure dans l'après-midi, c'est le maximum qu'on obtienne. Et encore, seulement si nous le demandons expressément.

Des dangers et la loi du plus «dur»

C'est particulièrement éprouvant les jours de forte chaleur sur les routes principales. Là, la loi nous oblige à porter des pantalons longs.

En même temps, d'autres règles sont souvent ignorées dès que personne ne regarde. Pas de gants, des chantiers non sécurisés:

«L'important, c'est d'aller plus vite»

Le temps, c'est de l'argent. Une fois, j'ai dû descendre dans une tranchée non sécurisée de cinq mètres de profondeur. Si elle s'était effondrée, j'aurais pu mourir. J'ai refusé de le faire.

«Sur les chantiers, la loi de la dureté prévaut encore souvent. Se plaindre, c'est être considéré comme un faible»

Que j'aie déjà eu une hernie discale au début de la vingtaine, personne n'en a rien à faire. Et je ne suis pas le seul.

«Certaines personnes font des commentaires méprisants en passant»

Pas étonnant que beaucoup de jeunes ne veuillent plus exercer ce métier. Trop de règles, trop de saleté, trop de douleurs.

Et il y a aussi le racisme ordinaire. Des chefs de chantier qui racontent des blagues stupides. Des supérieurs qui entendent mon nom et me demandent immédiatement d'où je viens «vraiment».

«L’un d’eux a même utilisé le mot en N, dans le dos d'un collègue. Mais s'en plaindre? Impossible»

Un fort manque de reconnaissance

Mais ce n’est pas seulement la hiérarchie qui nous traite de haut. Certaines personnes lâchent des commentaires méprisants en passant, en allant dans leurs bureaux climatisés. Ils râlent à cause des fermetures de routes. Le fait que l’on applique seulement les règles ne les intéresse pas. Le fait qu’on travaille sous la chaleur, non plus. Le fait qu’on mérite du respect – encore moins. Ce qui me dérange, c'est que beaucoup de gens au bureau râlent sur des sujets futiles, alors qu’ils ont une vie plutôt facile.

«Ce qui m'agace, c'est que beaucoup de gens au bureau se plaignent, alors qu'en réalité, ils sont très bien lotis»

Je sens que notre travail est de moins en moins apprécié. Autrefois, les habitants venaient plus souvent nous remercier. Ils montraient leur reconnaissance avec un café en hiver, ou une glace en été. Un «merci» d'un aîné qui savait ce que signifiait le travail dur. Ces gestes se font de plus en plus rares ces dernières années. Mais quand cela arrive, ça fait du bien. Alors, je sais que mon travail a de la valeur.

«J'aime l'idée de rouler sur une route et de pouvoir dire: "C'est moi qui l'ai construite"»

Tout n'est pas mauvais. J'aime être dehors. J'aime l'idée de laisser une trace. Mais il faudrait plus de protection, plus de pauses, plus de respect. Et moins d'indifférence.

(*prénom d'emprunt)

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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source: universal images group editorial / reda&co
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