A Los Angeles ou San Francisco, les gens y sont habitués: fumer devant les bâtiments n'est pas permis, même sur l'espace public. En Europe, les fumeurs ont la vie un peu plus facile. L'interdiction a bien été imposée à l'intérieur des bâtiments, mais à l'extérieur, les volutes de fumée peuvent voguer librement.
La règle d'une nouvelle construction à Zurich-Seebach a donc de quoi susciter l'étonnement. C'est là, dans l'une des zones qui connaissent la plus forte croissance de la ville, que se dresse depuis quelques mois la Messeturm, qui propose des surfaces commerciales et des bureaux sur 21 étages. Une crèche a emménagé au rez-de-chaussée, suivie à l'automne par un magasin Migros.
A toutes les entrées, on peut voir un panneau d'interdiction avec l'indication rédigée en anglais: «Smoking prohibited inside the building and within 8 meters». En français: interdiction de fumer à l'intérieur du bâtiment et dans un rayon de huit mètres.
Cette tour, qui attire désormais le regard pour autre chose que son architecture, est exploitée par la société Stump&Partner. Le directeur et architecte du bâtiment, Henrik Stump, nous explique l'origine de ces panneaux d'interdiction bien inhabituels.
La raison vient en fait de la certification LEED Platinum, un label de durabilité américain. Henrik Stump explique:
L'impact environnemental de leurs bureaux et de leur flotte de véhicules joue également un rôle dans cette démarche de durabilité.
La certification Platinum de LEED n'est obtenue qu'après avoir cumulé un nombre extrêmement élevé de points. Le thème de la santé, et donc de la protection contre le tabagisme passif, fait également partie des mesures vertueuses. C'est pourquoi les panneaux d'interdiction ont été installés.
Mais comment se déroulent exactement l'interdiction, les contrôles ou les sanctions? Henrik Stump répond volontiers à toutes ces questions. Tout d'abord, l'architecte part du principe que la limite de huit mètres ne s'étend pas jusqu'au domaine public, c'est-à-dire jusqu'au trottoir, même s'il faudrait éventuellement le mesurer.
Le chiffre de huit mètres équivaut à l'obligation américaine de 25 pieds, qui a été convertie et arrondie vers le haut. Selon Stump, l'interdiction de fumer ne s'applique qu'aux entrées, qui sont situées sur des terrains privés. Même si la formulation se veut - volontairement ou non - ambiguë, et peut être comprise comme s'appliquant à tout l'espace entourant toute la tour.
Il n'y a pas non plus de police de la fumée qui patrouille. «Nous ne sommes pas plus royalistes que le roi», lance Henrik Stump. Si le concierge observe régulièrement des infractions à l'interdiction, il pourra attirer l'attention des fumeurs sur le panneau. Aucune amende ne sera infligée.
Selon Kay Killmann, responsable européen de LEED Green Building Certification, il existe en Suisse plus de 100 projets de construction labellisés LEED, dont 30 atteindraient le niveau Platinum, parmi lesquels le siège du Comité olympique à Lausanne. Il ne dit en revanche pas combien d'entre eux ont également adopté l'interdiction de fumer.
La Ligue pulmonaire suisse, elle, salue la mesure. Membre de la direction de l'organisation de santé, Claudia Künzli rappelle que la distance joue un rôle dans la protection contre le tabagisme passif à l'extérieur:
C'est pourquoi il est préférable d'aménager de vastes zones non-fumeurs, en particulier à l'entrée et à la sortie des établissements.
La loi fédérale sur la protection contre le tabagisme passif n'évoque que les espaces fermés. Fumer dans les lieux publics n'est pas réglementé. Toutefois, certains cantons ont des règles plus strictes. Ils interdisent par exemple de fumer dans l'enceinte des écoles, sur les places de jeux, dans les piscines et sur les patinoires. Le canton de Genève va le plus loin. Il a ainsi récemment interdit de fumer aux arrêts de tram et de bus. Le respect de cette règle n'est toutefois pas strictement contrôlé ni sanctionné.
En dehors de ces limitations, ce sont surtout les institutions de santé qui ont les règles les plus strictes en matière de tabagisme passif, explique Claudia Künzli.
A l'Association immobilière suisse (HEV), on qualifie d'«assez rares» de telles interdictions de fumer à l'extérieur, mais celles-ci pourraient se répéter dans de nouveaux bâtiments, notamment axés sur la santé. «On trouve des exemples dans des projets d'habitation avec des espaces verts communs, des aires de jeux ou des hôpitaux», explique Neslihan Kaya, juriste à l'HEV. «Souvent, l'interdiction se base sur des règlements d'immeuble ou des réglementations locales».
De telles interdictions de fumer à l'extérieur sont en principe autorisées, notamment lorsqu'il s'agit d'un terrain privé et que le propriétaire de l'immeuble s'appuie sur son droit de propriété. Mais Neslihan Kaya explique:
Une distance ou un rayon concret, comme les huit mètres qui nous intéressent, n'est pas réglé de manière fixe sur le plan juridique. «Cela dépend des circonstances concrètes sur place, et doit être examiné au cas par cas», ajoute Neslihan Kaya.
Et si l'interdiction n'est pas respectée par un locataire? Selon Neslihan Kaya, il risque alors dans un premier temps de recevoir un avertissement écrit. «En cas d'infraction répétée, le locataire risque une résiliation de son bail».
Traduit de l'allemand par Joel Espi