Cinq heures de négociations ont été nécessaires mercredi soir pour que le Conseil d’Etat tessinois tranche: la proposition de Norman Gobbi et Claudio Zali d’échanger purement et simplement leurs départements est rejetée. A la place, quelques réaffectations ciblées entreront en vigueur dès le 1er septembre.
Le plus lourdement touché est Norman Gobbi. Actuellement à la tête du Département des institutions, il perd deux attributions majeures: la responsabilité politique de la police cantonale ainsi que la supervision de la justice, incluant juges et procureurs.
Ces compétences passeront entre les mains de son collègue Claudio Zali, ministre en charge de la construction et de l’environnement, ancien juge pénal lui-même.
Ce remaniement n’est pas anodin. En effet, un procès est prévu l’an prochain contre deux policiers, dans le cadre d’un accident de la route dans lequel Gobbi lui-même a été impliqué. Pour éviter tout conflit d’intérêts, il se voit donc dessaisi de ce dossier.
En échange, Gobbi hérite de la division des constructions civiles du département de Claudio Zali, ainsi que d’un projet vague visant à simplifier les relations entre les citoyens, les entreprises et les communes. Une compensation jugée bien maigre. Le tout a été annoncé par un communiqué succinct, sans conférence de presse - un choix qui laisse de nombreuses zones d’ombre sur la future organisation gouvernementale.
La décision a été prise à l’unanimité, un fait d’importance dans ce contexte. Cela signifie que les trois conseillers d’Etat issus du PLR, du Centre et du PS ont soutenu ce compromis. Le politologue Oscar Mazzoleni estime pour sa part que:
L’UDC tessinoise dénonce une «minestrone institutionnelle», estimant que ce compromis est encore pire que le projet initial. Fiorenzo Dadò, figure du Centre, juge qu’un véritable échange de départements aurait été plus logique. Le PLR, quant à lui, parle d’un échec politique des deux ministres issus de la Lega dans leurs fonctions respectives. Ces derniers avaient justifié leur demande par un besoin de renouvellement.
Sans surprise, seule la Lega défend l'accord. «C’est plus que ce que nous espérions», commente son coordinateur, Luca Piccaluga. En revanche, la presse locale est cinglante: La Regione et le Corriere del Ticino dénoncent une décision dictée par des intérêts personnels.
Dans les coulisses, ce remaniement partiel apparaît également comme une manœuvre de la Lega pour se repositionner en vue des élections cantonales de 2027, avec pour objectif d’affirmer son leadership face à l’UDC, son partenaire subordonné au sein de l’alliance de droite tessinoise.
Mais le calcul pourrait être risqué. Sergio Morisoli, chef du groupe UDC au parlement cantonal, prévient:
Quant à savoir si l’alliance historique entre les deux partis sera reconduite lors du prochain scrutin, il laisse la question en suspens.
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich