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Une jeune fille de 13 ans retenue par son père en Tunisie

Un Suisse retient sa fille en Tunisie: la maman, dévastée, raconte

Une femme de Lenzbourg (AG) a vu sa fille pour la dernière fois il y a quatre ans. Son mari l'a ensuite piégée pour retenir leur fille en Tunisie. Voici l’histoire de cette mère désespérée.
02.01.2024, 07:0702.01.2024, 12:04
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Une mère n'a pas de nouvelles de sa fille dont le père la retient en Tunisie.Image: Shutterstock
Eva Wanner / ch media
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Elle a vu sa fille pour la dernière fois le 15 août 2019. La dernière fois qu'elle lui a parlé au téléphone et qu'elle a reçu un signe de vie de sa part, c'était le 1er février 2023. Assise à la table de la cuisine de son petit appartement dans le district de Lenzbourg, où la chambre de sa fille est exactement la même qu'il y a quatre ans, cette mère désespérée raconte:

«J’ai tout perdu, tout ce que je veux, c'est avoir de ses nouvelles, recevoir une photo. Je veux savoir si elle va bien»

Durant l'entretien, qui se déroule en présence du curateur de sa fille, elle doit régulièrement essuyer ses larmes. Elle n'arrive presque pas à exprimer ce qu'elle a vécu au cours des 15 dernières années.

Manipulations et mensonges

En 2008, elle rencontre son futur mari en Inde, son pays natal. Un Suisse du district de Lenzbourg, qui passe d'abord une fois, puis deux, puis tous les jours dans le magasin où elle travaille. Il veut l'épouser, elle accepte. Ils se marient en Inde, puis s'installent en Suisse.

En février 2010, leur fille naît. La mère est heureuse, même si elle a un peu le mal du pays et a du mal à s'habituer au temps froid de la Suisse. Mais la vie de couple commence sur un mensonge. En effet, elle apprend que son mari ne travaille pas comme enseignant, comme il le lui a fait croire, mais qu'il vit d'une rente AI. A cette époque, il profite du fait qu'elle ne maîtrise pas bien la langue – contrairement à aujourd'hui – qu’elle soit étrangère, qu'elle ne connaisse pas la culture locale et qu'elle n'ait pas d'amies. Elle était totalement dépendante de lui.

Il lui raconte même qu'il est courant en Suisse d'allaiter un enfant jusqu'à l'âge de sept ans. En aidant le groupe de jeu local, elle rencontre d'autres femmes qui lui expliquent que ce n'est pas du tout habituel en Suisse.

Un comportement étrange

Le couple se sépare en 2014 par voie judiciaire. La mère emménage dans un appartement non loin de la maison de son mari. Elle travaille et s'occupe de sa fille à environ 80%. Ce dernier ne respecte pas les horaires convenus par le juge. Il va chercher sa fille et la ramène quand il le souhaite et estime qu'il a le droit de passer la moitié du temps avec elle.

Il veut également que le tuteur de sa fille interdise à sa femme de se rendre en Inde. Le pays, comme le sait le père, ne fait pas partie de la Convention de La Haye sur les enlèvements internationaux d'enfants qui obligent les Etats membres à restituer immédiatement les enfants qui ont été emmenés ou retenus illégalement dans un autre pays. En outre, ils doivent garantir que le droit de garde et de visite existant soit respecté.

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Le fait que la garde de la fille soit majoritairement confiée à la mère n'est pas un hasard. Le comportement du mari est décrit comme suspect suite à une dénonciation.

Il a aussi eu une attitude étrange comme lorsqu'il a recouvert toutes les fenêtres de son appartement de draps pour éviter que quelqu'un ne regarde à l'intérieur. Le jugement de séparation stipule, en outre, que le père ne peut exercer son droit de visite et de vacances qu'à condition de prendre régulièrement des médicaments et de faire confirmer par un médecin, au moins une fois par trimestre, les substances actives dans son sang.

L’histoire s’empire

Un matin, la mère gronde sa fille, car elle ne veut pas aller à l'école. La petite pleure et quitte l'école peu de temps après pour se rendre chez son père. Celui-ci prévient la police et fait un signalement de danger à l'autorité de protection de l'enfant et de l'adulte (APEA). Il demande la garde exclusive de l'enfant à titre superprovisionnel.

L'autorité ordonne une nouvelle enquête auprès du service de consultation familiale de l'association communale de Lenzbourg. L'homme dit à son épouse qu'elle doit faire comme s'ils étaient heureux, comme si tout allait bien. Sinon, on pourrait leur retirer l'enfant. Elle fait ce qu'il lui demande de peur de perdre son enfant.

Lors de la consultation familiale, les deux parents reçoivent une liste de documents. Les passeports de la famille y sont également mentionnés. La mère s'étonne, mais son ex-mari lui explique que les autorités ne veulent pas qu'ils partent tous les trois à l'étranger et qu'elles veulent placer leur fille dans un foyer ou avec un tuteur. L'homme lui met de plus en plus la pression et commence à lui faire peur.

«Qu'est-ce que tu veux, la Suisse ou ta fille?»

La femme veut se rendre à l'autorité de protection de l'enfant et de l'adulte (APEA) pour avoir des explications, mais son mari n'a de cesse de la dissuader.

Fuir en Tunisie

Mensonges sur mensonges, il la convainc qu’ils doivent se rendre tous les trois en Tunisie, afin que les autorités suisses ne puissent pas retirer la garde de leur fille. En pleine nuit, ils partent en Italie d’où ils prennent un ferry pour la Tunisie. «Il m'a dit que si quelqu'un de la police ou de la douane venait, je devais faire semblant de dormir». Elle panique et ne veut surtout pas se faire remarquer, par peur de perdre sa fille.

Arrivée à destination, la mère est désespérée, alors que le père se comporte comme s'ils étaient en vacances. Quand la police est dans les parages, la famille doit se cacher.

Les doutes s’installent

La mère commence à douter de ces histoires. Elle veut rentrer en Suisse avec sa fille, mais il menace alors à plusieurs reprises de se jeter par la fenêtre. Il lui prend la valise avec les passeports et l'enferme. Elle cherche de l'aide auprès des voisins, mais sans succès.

Le 15 août 2019, son mari lui dit qu’il emmène un chaton que sa fille a trouvé chez le vétérinaire. L'enfant veut l'accompagner. Durant plusieurs jours, son conjoint la contacte pour dire qu'il ramènera leur fille, mais soudain, il ne décroche plus le téléphone.

La mère ne reverra plus sa fille. A bout d'un moment, elle décide de rentrer en Suisse et de se battre pour sa fille.

A peine rentrée, elle prend un avocat qui lui conseille de demander le divorce. Pendant ce temps, le père lui envoie des messages vocaux depuis la Tunisie lui ordonnant de ne pas divorcer sinon elle ne reverra plus jamais leur fille. Si elle accepte la garde partagée, il reviendra. La procédure devant le tribunal de grande instance de Lenzbourg traîne en longueur, car le père ne participe pas aux négociations.

Le début du combat

En juin 2022 le divorce est enfin prononcé. La mère obtient le droit de déterminer le lieu de séjour et le père, comme il l'avait demandé, aura la garde partielle.

Des messages vocaux continuent d'arriver. Leur fille utilise des mots inhabituels pour une enfant de 12 ans. Elle dit à sa mère qu'elle devrait enfin céder pour qu'elles puissent se revoir. Puis, elle dit qu'elle ne veut pas du tout revoir sa mère, car celle-ci veut seulement qu'elle revienne en Suisse pour la placer dans un foyer et envoyer son père en prison.

Puis un courrier officiel arrive: le père saisit la Cour suprême et cela touche profondément la mère. Le tribunal part du principe, apparemment sans plus de précisions, qu'elle est partie en Tunisie de son plein gré. Elle avait, en effet, quitté son travail (là aussi, elle s'était laissée influencer), elle avait retiré l'enfant de l'école (ce qui n'était pas le cas). Le tribunal estime qu'ils ont donc déplacé le domicile de l'enfant. Et c'est pourquoi la Tunisie est compétente pour décider du lieu de résidence de l'enfant.

Aucune nouvelle

La mère est dévastée. Et elle l'est toujours. En février, elle a eu des nouvelles de sa fille pour la dernière fois. Elle n'arrive pas à joindre son ex-mari; elle ne sait pas où ils se trouvent. Apparemment, personne ne le sait. Entre-temps, la mère de son ex-mari est décédée et il n'est pas venu à l'enterrement. Plusieurs inscriptions au journal officiel, concernant entre autres les impôts et une saisie, confirment que le lieu de séjour est inconnu. Les chances de coopération des autorités tunisiennes et de rapatriement sont minces.

La mère ne voit qu'une seule solution: engager une avocate en Tunisie. Mais pour cela, elle a besoin d'argent et lance un crowdfunding. Elle ne veut rien d'autre que savoir si sa fille va bien. «Je travaille, je dors, je travaille», dit-elle. Et entre-temps, elle ne pense qu'à sa fille et s'accroche à l'espoir de la retrouver un jour auprès d'elle.

Traduit de l’allemand par Lara Lack

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source: sda / anthony anex
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