Les faits remontent à fin 2022. Ils sont en main de la justice bernoise. Une audience est prévue le 6 septembre. Il y a bientôt deux ans, un 11 novembre, aux alentours de 10 heures du matin, Katharina Milanesi, une habitante de Bienne, s’en va faire des courses au Centre Coop situé derrière la gare du chef-lieu seelandais. Elle a pris sa voiture, une Nissan Micra, modèle 2004. Arrivée sur place, elle se gare au dernier étage du parking aérien, à côté de matériaux de construction.
Commissions faites, elle repart. De retour à son domicile, elle remarque des rayures sur l’aile arrière droite de la carrosserie, situées à 10 heures par rapport à la roue (voir photo). La partie rayée est comme recouverte de sable. Elle se dit que sa voiture a pu être endommagée lorsqu’elle était garée au Centre Coop.
L’après-midi, elle retourne au magasin pour signaler les dégâts auprès de l’hypermarché. Le Centre Coop prend des photos de l’endroit où la carrosserie est abîmée. Quelques jours plus tard, l’assureur de la Coop, La Mobilière, envoie un courrier demandant de remplir un formulaire de description de l’accident. Katharina Milanesi s’exécute et affirme qu’il est «hautement probable» que les dommages en question aient été causés par du matériel du chantier qui jouxtait la place où elle s’était garée.
«Le 30 novembre 2022 à 10h15, un membre de La Mobilière, expert en dommages auprès de la direction de l’assureur, téléphone à mon épouse», rapporte Flavio Milanesi à watson. Son épouse Katharina Milanesi, que nous avons également rencontrée, se souvient:
Environ dix jours plus tard, Katharina Milanesi reçoit une lettre de La Mobilière, datée du 8 décembre. L’assureur indique être en possession d’images enregistrées par des caméras du parking du Centre Coop. Ces images attestent de la présence de rayures sur l’aile arrière droite au moment où la Nissan Micra de Katharina Milanesi entrait dans le parking de l’hypermarché le matin du 11 novembre.
Flavio Milanesi relate:
Le nom de ce fichier est HIS, pour Système d’information et de signalement des compagnies d’assurances suisses. Un fichier anti-fraude. Pour le couple Milanesi, il fait peu de doute que La Mobilière soupçonne Katharina Milanesi d’avoir tenté de faire passer les rayures de sa voiture pour des dommages survenus au Centre Coop, alors qu’elle les savait préexistantes à sa visite à l’hypermarché.
Katharina Milanesi jure de sa bonne foi:
Encore une fois, y a-t-il eu tentative de tromper le Centre Coop et son assureur? «Non, ma bonne foi est totale», répond Katharina Milanesi.
Un litige éclate entre Katharina Milanesi et La Mobilière. Le 13 avril 2023, une séance de conciliation a lieu à Berne devant la justice cantonale. Flavio Milanesi: «Le représentant de La Mobilière explique qu’un expert mandaté par l’assureur affirme, sans avoir vu la voiture, mais se fondant sur des photos, que les dégâts constatés sur la Nissan Micra ont été faits alors que la voiture roulait. Selon le représentant de l’assureur, les déclarations faites par mon épouse "ne sont absolument pas crédibles".»
Une nouvelle audience a eu lieu le 16 février 2024 devant la justice bernoise. «La Mobilière est restée sur ses positions, moi aussi», rapporte Katharina Milanesi.
C’est donc le soupçon de tromperie qui a visiblement décidé La Mobilière d’inscrire le nom de Katharina Milanesi sur «liste noire». Au grand dam, donc, du couple Milanesi. Qui conteste, et le soupçon de tromperie, et la décision de faire figurer le nom de Katharina Milanesi sur cette liste connue de sept autres assureurs. Dans les faits, cela signifie que, pendant sept ans, l’«affaire» du Centre Coop y sera mentionnée comme antécédent pouvant être préjudiciable à Katharina Milanesi, si celle-ci devait être impliquée directement ou indirectement dans un autre dommage.
Le couple Milanesi affirme:
watson a tenté de joindre La Mobilière pour avoir sa version des faits et de ses suites. La personne contactée par téléphone, renvoyant à un parcours procédural, n’a pas souhaité répondre directement à nos questions.
Jointe également, la Fédération romande des consommateurs (FRC) redirige vers la Commission nationale d'éthique dans le domaine de la médecine. Si celle-ci, en date du 16 janvier 2024, recommande aux cantons de «reconsidérer la pratique des "listes noires" tenues contre les «mauvais payeurs» des primes maladie, elle ne dit rien s’agissant des «listes noires» dans d’autres domaines d’assurances. Il reste que le fichier HIS mobilisé par La Mobilière est bel et bien en vigueur parmi les assureurs, ainsi qu’en fait part sur son site l’Association suisse d’assurances (ASA) dans un communiqué de presse daté du 26 janvier 2021.
Katharina Milanesi conteste le bien-fondé de la présence de son nom sur ce fichier. L’audience du 6 septembre lui donnera-t-elle raison?