Les électeurs suisses se prononceront sur la modification de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) (financement uniforme des prestations) ce 24 novembre. Initiée en 2009, la révision a abouti après quatorze ans de travaux. Une large majorité des parlementaires ont entériné le financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS). Alors que le Conseil fédéral, le Parlement et le secteur de la santé sont clairement favorables aux changements, les syndicats sont contre. Le vice-président du PS, David Roth, nous explique pourquoi.
David Roth, selon le Conseil fédéral, les cotisants bénéficieront d'un allégement de jusqu'à deux milliards de francs lors de la mise en œuvre de la réforme de la santé Efas. Les coûts seraient mis à la charge des contribuables. N'est-ce pas ce que le PS souhaite depuis des années?
David Roth: Les deux milliards de francs ont été sortis du chapeau le jour de la votation, ils ne figurent pas dans le livret de vote. Ce n'est pas sérieux. On devrait avoir des doutes.
La conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider affirme que la réforme entraînera un allègement pour les payeurs de primes. Ce n'est pas vrai?
Nous pouvons nous en tenir aux faits qui sont disponibles. Les soins de longue durée sont le domaine qui connaît la croissance la plus rapide. Les chiffres de l'association des caisses maladie Santésuisse montrent ce que cette dynamique signifie pour les coûts:
Le Conseil fédéral conteste ces calculs. En raison de la croissance incomparablement plus importante dans le domaine ambulatoire, la réforme conduirait à un allègement massif des primes.
Je crois les chiffres qui sont publiés et que nous pouvons tous calculer. Nous voyons surtout que les cantons soutiennent la réforme. On peut donc s’attendre à ce qu’ils éliminent les coûts associés aux soins de longue durée à mesure que la population vieillit. C'était d'ailleurs la condition ouvertement formulée par les cantons.
Vous faites davantage confiance aux chiffres des caisses d'assurance maladie qu'à ceux du département de l'Intérieur, dirigé par le PS depuis 13 ans?
Je respecte le rôle d'Elisabeth Baume-Schneider, qui représente le Conseil fédéral. Mais si les syndicats et les caisses maladie arrivent à des chiffres similaires, ils ne sont pas à côté de la plaque.
L'évolution actuelle des coûts montre que, si la réforme était mise en œuvre aujourd'hui, les payeurs de primes bénéficieraient d'un allégement de plus de 800 millions de francs. Remettez-vous en question cette perspective?
Ces chiffres sont des affirmations non étayées. Dans le livret de vote, on trouve autre chose. Il y est indiqué que la réforme entraînera une augmentation des primes dans 17 des 26 cantons. Ce n'est pas sérieux.
Les chiffres datent des années 2016 à 2019, ils servent de base au calcul du financement uniforme. Depuis lors, le secteur ambulatoire a augmenté d'environ quatre milliards de francs – aux seuls frais des payeurs de primes. Avec la réforme, les cantons participeraient à ces coûts. Il en résulte un allègement.
Les cantons n'approuvent la réforme que parce qu'ils veulent se débarrasser des coûts futurs. Les directeurs de la santé savent en effet que les soins de longue durée connaîtront la plus forte croissance à l'avenir. Il est donc évident que les cantons souhaitent transférer ces charges.
Le Conseil fédéral répond: ce n'est pas vrai.
L'idée de la réforme n'a jamais été de soulager les payeurs de primes, c'est pourquoi on a aussi prétendu avoir fixé la clé de répartition des coûts de manière neutre.
Ruth Humbel a lancé la réforme en 2009 afin que les cantons cessent de se soustraire à leur responsabilité financière face à l'augmentation des coûts de la santé.
Ruth Humbel faisait partie des parlementaires ayant le plus de mandats dans le domaine de la santé. Ce n'est pas très crédible.
Le Parlement a fait de nombreux compromis, y compris avec la gauche. C'est pourquoi des politiciennes engagées sur le front de la Santé, comme Barbara Gysi, Sarah Wyss, Flavia Wasserfallen, ainsi que la coprésidente du parti Mattea Meyer et celle du groupe socialiste, Samira Marti, soutiennent cette réforme. Se trompent-elles toutes?
Je respecte les choix de mes collègues de parti. Comme la grande majorité du PS et une part importante de l'UDC, je vois cependant plus de risques que d’opportunités dans cette réforme. Mes collègues ont, de leur côté, estimé que celle-ci présentait plus d’avantages que d'inconvénients. De plus, nombreuses sont celles qui ont suivi de près le projet pendant longtemps et souhaitaient le faire passer au Parlement pour que la population puisse se prononcer.
Vous dites que vos collègues n'ont accepté la réforme que pour que nous puissions la voter?
Je ne peux pas me prononcer sur les motivations des uns et des autres. Pour moi, les inconvénients l'emportent sur les avantages. D'autres voient plus d'avantages dans la réforme. Au cours des treize dernières années, j'ai lutté pour des primes plus basses et, en dernier lieu, en tant que président de la Commission de la santé de Lucerne, j'ai également accompagné la planification hospitalière. Et c'est dans cette perspective que je juge le projet.
De quoi s'agit-il? Craignez-vous une hausse des primes? Ou estimez-vous que le contenu de la réforme est erroné?
La réforme contient des éléments incontestés. Nous voulons que le stationnaire et l'ambulatoire soient financés dans la même mesure. Le problème est que ce consensus a été détourné par le lobby des caisses maladie pour accroître son pouvoir; de même par les cantons pour se débarrasser des coûts évolutifs des soins de longue durée. De plus, nous obtenons une participation aux coûts plus élevée pour les personnes concernées.
Si la réforme est acceptée, la part des soins restera inchangée jusqu'en 2036. Contrairement à aujourd'hui, puisque le Conseil fédéral pourrait déjà la modifier par voie d'ordonnance.
Le fait que le Parlement ait limité dans le temps le montant de la participation aux soins montre qu'elle finira par augmenter. Ce n'est pas un progrès!
Les médecins de famille et les pédiatres soutiennent le projet au même titre que les services d'aide et de soins à domicile et les hôpitaux. Si elle est si désavantageuse, pourquoi la réforme est-elle si largement soutenue?
Car ils constatent l'impact négatif de l'influence des caisses maladie sur leur travail. C'est aussi la raison pour laquelle les syndicats ont lancé le référendum.
Ce n'est pas vrai. Les organisations d'aide et de soins à domicile sont favorables à la réforme, tout comme les médecins.
Ce ne sont pas des organisations de travailleurs, mais parfois même des acteurs à but lucratif. Les employés seront sous pression et devront se battre pour savoir ce qu'ils peuvent encore facturer. C'est une question délicate: le travail en contact direct avec les personnes est difficile à quantifier. Cela signifie une détérioration pour le personnel soignant et pour les patients.
N'est-il pas condescendant de dire que la réforme aggrave la situation pour les médecins, les infirmiers et les hôpitaux, alors que ceux-ci y voient des avantages?
La raison pour laquelle le secteur de la santé est d'accord est que tout le monde peut s'en sortir. Les médecins, les hôpitaux, les soins à domicile – aucun n'y perd.
Les médecins de famille, tout comme les infirmières, affirment que la collaboration sera facilitée si le financement est le même partout. Pour les patients aussi, il est préférable qu'une prestation ne suive pas la logique des coûts, mais des critères médicaux.
C'est un prétexte. Ces modèles de collaboration existent déjà aujourd'hui. Je vois plutôt le risque que les caisses-maladie utilisent leur nouveau pouvoir pour réduire les prestations obligatoires au minimum, afin que les assurés dépendent de plus en plus des assurances complémentaires – sur lesquelles les caisses peuvent faire des bénéfices.
La réforme n'accorde aucune nouvelle compétence aux caisses maladie. Et aujourd'hui déjà, le Parlement détermine quelles prestations sont remboursées par les assurances maladie. Pourquoi cela devrait-il soudainement devenir du ressort des caisses maladie?
Le but de la réforme est de donner plus de pouvoir aux caisses afin qu'elles puissent davantage contribuer aux décisions concernant les traitements. C'est ce que disent tous les rapports. De nombreuses décisions ne peuvent pas être prises sur la base du catalogue de prestations.
Le financement uniforme crée une base pour d'autres réformes, car les principaux financeurs ne se renvoient plus les coûts, mais tirent sur la même corde. N'est-ce pas important?
Ne voir que des avantages dans la réforme est naïf. Les caisses d'assurance maladie utiliseront leur nouveau pouvoir pour maintenir les prestations de base à un niveau minimum afin de pouvoir proposer aux gens des assurances complémentaires. C'est la logique qu'elles suivent.
Les caisses d'assurance maladie ne négocient pas seules les tarifs. Et c'est la politique qui détermine le catalogue de prestations. Les cantons seraient enfin incités à mieux gérer les prestations des médecins, car ils devraient contribuer aux coûts.
Ce sont des moyens dont nous disposons déjà aujourd'hui. Nous pouvons également poursuivre le credo «l'ambulatoire avant l'hospitalier» par le biais de listes correspondantes. Celles-ci indiquent aux hôpitaux les prestations qu'ils doivent impérativement effectuer en ambulatoire. Cela peut se faire sans grande réforme. L'expérience - y compris à l'étranger - montre en outre que cela fonctionne mieux.
Traduit et adapté par Chiara Lecca