L'action audacieuse d'un mystérieux groupe suisse énerve la Coop
Ce week-end, des graffeurs du collectif KCBR se sont introduits sur le toit de la tour Swissmill à Zurich. Ils ont ensuite tagué la façade du plus haut silo à grains du monde (118 mètres).
Le résultat? Quatre lettres géantes désormais visibles à plusieurs kilomètres à la ronde. Interrogé par watson, le service de communication de Coop, propriétaire de Swissmill, a signifié son intention de porter plainte contre les auteurs encore inconnus de cette action.
Une déprédation qui fait tache
D'un style architectural brutaliste, la tour Swissmill, située au bord de la Limmat et dont le chantier de rehaussement s'est achevé en 2016, peut stocker 40 000 tonnes de céréales et fournit plusieurs détaillant, dont la Coop. Sa hauteur, de même que son aspect, avaient alimenté de vifs débats à Zurich, notamment à propos de l'ombre qu'elle menaçait de projeter sur les quartiers alentour, du haut de ses 21 étages de béton brut.
La tour fait désormais partie intégrante du paysage urbain. Cependant, les récentes dégradations qui y sont apparues sont, par la force des choses, difficiles à ignorer.
Ni la Coop ni la police municipale ne souhaitent expliquer comment les auteurs des tags ont procédé ou préciser s’il y a eu d’autres dégâts que le graffiti.
Un élément fait tiquer: ce géant de béton traite chaque jour un tiers du blé suisse, soit 800 tonnes. De quoi soulever quelques questions de sécurité. Les Zurichois doivent-ils craindre de tomber prochainement sur un petit «gag» dans leur pain, puisque des personnes non autorisées sont parvenues à gravir la tour? Coop se veut rassurante:
Le mystère de l'ascension élucidé
L’ascension supposée jusqu’au toit n’a, en réalité, rien eu d’un exploit. Outre un escalier de 644 marches, un ascenseur monte jusqu’au dernier étage. On y trouve une salle de réunion, une cour intérieure ornée d’une sculpture, et, au-dessus, une terrasse en forme de «U». Celle-ci est accessible par un escalier depuis le 21e étage.
De nombreux indices laissent penser que le ou les auteurs ont atteint la terrasse avant de se laisser descendre en rappel le long de la façade nord-ouest. Une technique bien connue du collectif KCBR.
Un groupe légendaire dans le monde du graff
Depuis plus de dix ans, ce dernier se fait remarquer par des actions spectaculaires menées dans des endroits à haute visibilité. Souvent, ce ne sont pas les fresques elles-mêmes qui impressionnent, mais l’organisation, le choix des lieux et le timing millimétré.
Pour éviter de se faire pincer lors de leurs opérations illégales, les membres du collectif misent sur des déguisements, des talkies-walkies et même des systèmes d’alarme. Dans le milieu du graffiti, les Zurichois ont acquis une réputation qui dépasse largement les frontières suisses.
La sortie du film KCBR Live Life Like en 2013 a fortement contribué à leur notoriété, avec plus de 3,5 millions de vues sur YouTube. On y voit notamment une rame de train décorée d’un pénis pénétrer un tunnel transformé en vagin. Derrière ce qui pourrait passer pour une provocation adolescente se cache en réalité une opération minutieusement préparée.
Toujours à Zurich en 2021, un membre du groupe s’est élancé en rappel depuis la cheminée de 92 mètres d'une usine d’incinération, y inscrivant d’immenses lettres formant «KCBRYNOTMAFS». Une semaine plus tard, la vidéo «making-of» de cette action dangereuse apparaissait sur YouTube.
Un jeu du chat et de la souris avec la justice
Dans une interview accordée à WOZ, des membres du collectif ont expliqué que KCBR signifie «King’s Club Be Retarded». Les graffeurs revendiquent leurs actions comme de l’art. Juridiquement, il s’agit pourtant de dommages à la propriété.
Depuis des années, les autorités tentent de les arrêter. Des centaines de graffitis leur sont attribués, pour un montant total de dégâts estimé à plusieurs millions.
En 2020, un membre présumé du groupe, alors âgé de 31 ans, avait comparu devant le tribunal de district de Zurich. Il avait été condamné à 300 francs. La seule infraction pouvant être prouvée était une intrusion interdite sur un site des CFF.
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich
