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Le PS et l'UDC ont un bel avenir en commun

ZURICH, SWITZERLAND - CIRCA OCTOBER, 2018: interior shot of Migros supermarket in Zurich International Airport. Migros is Switzerland's largest retail company.
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Le PS et l'UDC ont un bel avenir en commun

Un électorat social, de droite et de gauche, est né le 3 mars lors de la votation sur la 13e rente AVS. Un monstre? Au contraire, une opportunité dont le PS et l'UDC sauront jouer à leur convenance? Les objets d'entente ne manquent pas, à commencer par les coûts de l'assurance maladie.
14.04.2024, 11:1416.04.2024, 07:41
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La votation sur la 13ᵉ rente AVS constitue un précédent: le 3 mars, l’électorat UDC a voté avec la gauche. Les responsables du parti national-conservateur en étaient blêmes. La base a torpillé les mots d’ordre émis un mois plus tôt par l’assemblée des délégués, qui recommandait massivement le rejet de la 13ᵉ rente et approuvait l’initiative des Jeunes PLR pour un relèvement de l'âge de la retraite à 66 ans, balayée par le peuple à près de 75%. Etait-il possible d’être plus déconnecté?

Devant cette faillite, les élus de la ruralité ont-ils osé dire leur fait aux «milliardaires» du parti qui discourent à leur aise du peuple dans les salons des palaces? Entrepreneur forestier dans le Nord vaudois, le conseiller national UDC Yvan Pahud, l’affirme:

«On est le parti des petites gens»

Des «petites gens» qui, le 3 mars, pris d'un élan «populiste», regrette Yvan Pahud, ont d’abord pensé à leur pomme. Et qui pourraient y repenser dans deux mois, en acceptant une nouvelle initiative de gauche, celle du PS exigeant un plafonnement des primes d’assurance maladie à 10% du revenu. Les cadres de l’UDC prient pour que leurs électeurs, retrouvant d’ici là leurs esprits, se désolidarisent de la jacquerie dépensière socialiste. On verra.

Un électorat social est né

Ce qui est certain, c’est qu’un électorat social, de gauche et de droite, est né le 3 mars. Un monstre? Ce n’est pas la première fois que gauche et droite votent ensemble. En 2014, l’initiative de l’UDC contre une immigration de masse n’aurait probablement pas été adoptée sans l’apport de voix socialistes. Après le vote sur la 13ᵉ rente, il ne serait pas surprenant que la base PS renvoie l’ascenseur lorsqu’on se prononcera sur l’initiative UDC «Non à une Suisse à 10 millions d’habitants».

Là encore, le portemonnaie: plus la Suisse comptera d’habitants, plus l’offre de logements se resserrera et plus les loyers prendront l’ascenseur. Yvan Pahud s’aperçoit du problème dans sa «circonscription» de Sainte-Croix.

«Beaucoup de personnes âgées avec une retraite de 1800 francs par mois sont montées vivre ici parce que les loyers, entre 600 et 900 francs, étaient plus bas qu’en plaine. Maintenant, ils sont à 1200 francs.»
Yvan Pahud, conseiller national UDC/VD

L’élu UDC invoque la place occupée par les requérants d’asile dans la localité sainte-crix, tout en soulignant que «leur gestion se passe très bien».

La chose inédite survenue le 3 mars est le glissement spectaculaire à gauche de l’électorat UDC, 55% à l'échelle de la Suisse, probablement 65% en Suisse romande. De quoi donner des idées à la gauche? Sous couvert d’anonymat, ce membre du Parti socialiste ne dit pas «non» à des ententes ponctuelles avec l’UDC.

«Sur la question sociale, l’UDC est à la remorque de son électorat populaire. Sur l’Europe, l’électorat de gauche, en l'état, ne veut pas d’un accord avec Bruxelles qui serait préjudiciable aux salariés suisses, et l’UDC ne le veut pas non plus, même si elle place la préservation de la neutralité en tête de ses motifs. A quoi s’ajoute la sauvegarde des droits populaires, auxquels nous sommes très attachés à gauche, preuve en est l’initiative sur la 13ᵉ rente.»
Un membre du PS, sous couvert d'anonymat

Notre interlocuteur socialiste imagine qu’une part de l’électorat de gauche, PS comme Verts, approuvera l’initiative contre une Suisse à 10 millions d’habitants. «Une partie des classes populaires y trouvera son intérêt, comme des profs de gymnase à la retraite estimant que la Suisse et sa nature doivent être préservée», brosse-t-il à grands traits.

Il trace une ligne rouge:

«La chose fondamentale qui nous sépare de l’UDC sur les questions sociales, c’est la préférence nationale. Nous y sommes opposés»
Un membre du PS, sous couvert d'anonymat

Pure posture morale? «Non, sur la question du logement, par exemple, étant entendu que nous recommanderons de voter non à l’initiative UDC, nous pensons que l’offre, qui n’est pas extensible à l’infini, régulera les capacités d’installation des étrangers en Suisse. S’il n’y a pas de places disponibles, ils ne pourront pas s’y établir. Ensuite, pour faire baisser les loyers, il faut changer la loi de manière à ce que ce soient les bailleurs qui aient à justifier de leurs montants lorsque ceux-ci sont manifestement trop élevés.»

Côté UDC, on assume des «alliances objectives» avec les socialistes. «Contrairement à ces derniers, qui semblent avoir de la peine à les assumer publiquement», relève le président de l’UDC Vaud, Kevin Grangier. L’essentiel étant de s’entendre, même implicitement, comprend-on. Sur l’Union européenne, Kevin Grangier sait qu’il peut compter sur le renfort «objectif» de la gauche populaire, représentée par l’Union syndicale suisse, dont Pierre-Yves Maillard est le président et grand gagnant de la votation du 3 mars.

Kevin Grangier veut-il «mouiller» Maillard? Il rappelle qu’en 2008, ce dernier avait repris l’idée d’abord émise par l’UDC de l’élection du Conseil fédéral par le peuple. Ejecté peu avant du gouvernement, Christoph Blocher avait salué l’initiative de celui qui siégeait à l’époque au Conseil d’Etat vaudois:

«Je suis très heureux qu'un socialiste reprenne notre proposition. Il a raison»
Christoph Blocher, à propos de Pierre-Yves Maillard

Pierre-Yves Maillard n’a pas donné suite à nos sollicitations à ce propos.

«Alliances contre nature»

Plutôt que d’alliances objectives, le politologue Pascal Sciarini, professeur de sciences politiques à l’Université de Genève, préfère parler d’«alliances contre nature». Et de préciser:

«Quand le PS et l’UDC votent de concert contre des crédits militaires, ce n’est pas pour les mêmes raisons. Le PS les estime trop élevés, l’UDC, pas assez. Quand le PS dit être attaché à la neutralité, c’est par antimilitarisme, alors que l’attachement de UDC à la neutralité signifie une armée forte et richement dotée.»
Pascal Sciarini

La question sociale est peut-être le seul domaine où gauche et droite populaires se rejoignent pour les mêmes raisons, nonobstant la préférence nationale, dont il n’est pas dit que tous les électeurs de gauche y soient insensibles. Pascal Sciarini n’imagine toutefois pas un ouvrier syndicaliste manger de ce pain-là.

De puissants hybrides

Parmi les sujets pouvant réunir PS et UDC, l’Europe est d’une «importance capitale pour l’avenir de la Suisse», affirme le politologue genevois.

«On ne peut attendre aucun soutien de l’UDC à l’accord Suisse-Europe en préparation. La droite devra faire des concessions sur la protection des salariés pour faire changer d’avis Maillard et l’USS, pour l’heure opposés au texte. Mais Maillard, dont la parole vaut ici de l’or, se rend-il bien compte qu’un changement de pied de sa part sur le dossier européen ne sera peut-être pas compris de sa base?»
Pascal Sciarini

Maillard bientôt dépassé par sa base? C'est peut-être le principal enseignement de la votation du 3 mars sur la 13ᵉ rente AVS: un ventre social gauche-droite échappant au contrôle des appareils des partis pourrait à l'avenir accoucher de puissants hybrides.

Le projet du Conseil fédéral pour financer la 13ᵉ rente AVS présenté en vidéo
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