Abolition de la valeur locative: une idée à la Trump…

En septembre prochain, nous voterons sur l’abolition de la valeur locative.Image: KEYSTONE

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Abolition de la valeur locative: une idée à la Trump…

La Suisse votera ce 28 septembre et pourrait abolir l'impôt sur la valeur locative. Si le «oui» est tentant, Roger Nordmann nous explique en cinq points pourquoi ce serait désastreux pour l'extrême majorité de la population.

Roger nordmann

Alléchante pour certains propriétaires – mais pas pour tous - la suppression de la valeur locative est une fausse bonne idée qui s’avèrera contre-productive à 5 égards.

Premièrement, la réforme bloque l'assainissement des bâtiments.

Avec cette réforme, il ne sera plus possible de déduire de l'impôt sur le revenu les travaux d'isolation et d'assainissement du chauffage. Or, cette déduction est le principal moteur de l'assainissement des bâtiments. En 15 ans, les émissions de CO2 des immeubles ont été réduites de moitié en particulier grâce à cette incitation. Il serait idiot de stopper cette dynamique positive. D'ailleurs, même l'entretien courant d’une maison ne sera plus déductible. C'est la fin des bâtiments bien entretenus en Suisse.

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Chaque dimanche matin, watson invite des personnalités romandes à commenter l'actu ou, au contraire, à mettre en lumière un thème qui n'y est pas assez représenté. Au casting: Nicolas Feuz (écrivain), Anne Challandes (Union Suisse des Paysans), Roger Nordmann (conseiller stratégique, ex-PS), Damien Cottier (PLR), Céline Weber (Vert'Libéraux), Karin Perraudin (Groupe Mutuel, ex-PDC), Samuel Bendahan (PS), Claude Ansermoz (ex-rédacteur en chef de 24 Heures), Ivan Slatkine (président de la FER) et la loutre de QoQa.

Deuxièmement, c’est la porte ouverte au travail au noir

Comme les travaux d'entretien et d'amélioration écologique des bâtiments ne pourront plus être déduits du revenu imposable, les propriétaires n'auront plus besoin de factures. Il deviendra dès lors tentant de faire réaliser le travail au noir, par des entreprises qui ne payent pas les cotisations AVS et avec des personnes en séjour illégal.

Troisièmement, l’accès à la propriété devient quasi impossible pour de jeunes familles

Aujourd'hui, les jeunes familles qui achètent un logement doivent s'endetter fortement. Il est juste qu'elles puissent déduire de leurs revenus les intérêts de cette dette. Par comparaison, les rares personnes qui peuvent s'acheter un logement sans emprunter vivent plus confortablement, puisqu’elles ne payent pas d'intérêts hypothécaires. Le système actuel est correct: il est logique que la famille endettée paye moins d’impôt. Il est donc absurde d’abolir cette déduction pour pouvoir supprimer la valeur locative, comme le propose le projet.

Quatrièmement, il faudra compenser les recettes perdues par d’autres impôts…

L'abolition de la valeur locative créera une perte de recettes importantes pour les cantons. Pour cette raison, il est prévu de créer un nouvel impôt de manière à compenser les pertes dans les régions touristiques. C'est sur la base constitutionnelle de cet impôt que nous votons le 28 septembre. Mais comme les pertes seront aussi importantes dans les cantons non touristiques, ces derniers s'attendent à devoir augmenter le taux d'impôt ordinaire pour compenser. La Conférence suisse des gouvernements cantonaux est d’ailleurs opposée à la réforme.

Ou, cinquièmement, supporter l’aggravation des déficits

La Confédération a annoncé d'importants programmes d'économies pour compenser la baisse de ses recettes, en particulier celle créée par ce projet. Et plusieurs cantons, dont le canton de Vaud, sont dans une situation financière difficile. Ce n'est vraiment pas le moment d'aggraver la situation en creusant les déficits.

Bref, cette réforme ne favorise que le petit cercle des propriétaires qui ont pu rembourser toute leur dette hypothécaire. Au détriment du reste de la population. Typiquement une approche à la Trump.

PS: Si la réforme était conçue de manière équitable, elle prévoirait que les locataires puissent désormais eux aussi déduire leur loyer des impôts dès lors que les propriétaires ne sont plus taxés sur la valeur locative. Mais évidemment, ce n’est pas prévu…

Roger Nordmann est...

... conseiller stratégique et ancien président du Groupe socialiste aux chambres fédérales. Lausannois, il a publié trois livres sur le climat et l'énergie et était conseiller national PS pendant 20 ans.

Image: sda