Ayant grandi à la campagne, j'ai toujours adoré conduire. La vitesse, l'indépendance, le vent qui caresse le visage quand on ouvre légèrement la fenêtre. Puis j'ai déménagé à Zurich pour mes études et je suis devenue une vraie citadine. J'ai donc troqué la voiture (de mes parents) contre un vélo gris d'occasion. J'ai toujours adoré le vélo! La vitesse, l'indépendance, le vent qui caresse... bref, vous m'avez comprise.
Je n'ai donc jamais être l'heureuse propriétaire d'une voiture de toute ma vie. Ce qui est facile pour moi vu que je n'ai pas d'enfants et que j'habite en ville. Le médecin, la déchetterie, la Coop et la Migros: tout est accessible à pied et j'ai l'impression qu'environ 400 bus et trams me proposent de m'y conduire toutes les deux minutes.
Mais il y a ces moments où je remets clairement ce choix en question. Par exemple lorsque je dois me rendre en Argovie ou que je rends visite à ma famille au bord du lac des Quatre-Cantons. Ou que mon vélo a un pneu crevé, que le tram me passe sous le nez et que mon train a du retard.
Dans ce genre de situation, je rêve que je monte dans ma voiture et que je démarre en trombe. Oui, parfois j'aimerais beaucoup avoir une voiture. Et je m'imagine que les voyages les plus pénibles deviennent soudain très simples.
Sauf que tout un tas d'images se bouscule dans ma tête: le trafic, les embouteillages, la recherche et le coût des places de parking, l'assurance, les taxes, le changement des pneus, les services et les rendez-vous à l'office de la circulation... Et hop, je (re)monte dans le train.
En tant que Madame Energie, je me dis que j'économise ainsi pas mal d'énergie (et d'émissions).
Comment font les familles avec des enfants en bas âge, ou un peu plus grands, lorsqu'elles vivent sans voiture? Je l'ai demandé à mon entourage. Conclusion: vivre sans voiture ne signifie pas du tout vivre sans voiture.
Il y a par exemple cette famille qui vit dans un petit village sans magasins, sans cabinet médical et sans service de location de voiture. Deux enfants de 13 et 15 ans, les deux parents travaillent hors du village. Ils vivent sans voiture depuis plus de dix ans. A la base, quand ils vivaient en ville, c'était facile. Mais maintenant, dans ce village sans rien, c'est devenu plus compliqué, me confie le père. Faire les courses avec un vélo électrique et une remorque deux villages plus loin, ça va, mais aller chez le médecin en cas d'urgence, ça ne va pas.
Un jour, sa femme est tombée subitement malade et il a dû demander aux voisins de l'emmener en voiture chez le médecin (ce qui doit probablement être unique en Suisse). «Mais cela a déclenché beaucoup de choses après coup», raconte-t-il.
Ce qui me touche le plus dans son récit: après cette mésaventure qui a frappé sa femme, il a parlé avec ses voisins, dont certains ne les connaissaient même pas encore. Il explique:
Il explique qu'au début, il a rechigné à le demander, car ce n'est vraiment pas quelque chose de typiquement suisse. «Mais les voisins étrangers d'à côté sont super ouverts et sympa.» Autrement dit, demander de l'aide est une excellente manière de rapprocher les gens.
Plus tard, une autre voisine a proposé de partager sa voiture. Et pour cause: elle a 75 ans et l'utilise très rarement. «Nous avons signé un contrat et nous lui payons un prix au kilomètre. L'Association transports et environnement (ATE) propose des modèles de contrat pour cela», me dit ce père de famille.
Ils n'ont jamais regretté cette vie «sans voiture». Il dit:
Il y a quelque temps, un expert en mobilité m'a expliqué ceci: de nombreuses personnes ne calculent que le coût de l'essence pour la voiture, mais ne pensent pas aux coûts de l'entretien, du changement des pneus, du parking, des assurances, des taxes et bien sûr de l'amortissement. A titre de comparaison, un AG familial pour les deux parents et deux enfants (6 -16 ans) coûte au total 7700 francs par an. Les enfants de moins de 7 ans roulent gratuitement. Bien sûr, il faut encore ajouter les frais pour les vélos personnels, le covoiturage ou un taxi.
Mais à l'inverse, les propriétaires de voitures ont aussi des vélos à la maison et, en particulier dans la famille, on utilise aussi fréquemment les transports publics à côté, ce qui engendre aussi des dépenses. La vie est donc plutôt plus chère avec une voiture que sans voiture.
La famille du village peut le confirmer. Selon le père:
Ce que l'on a aussi tendance à oublier selon l'expert en mobilité, c'est le «quality time». Une enquête menée auprès de parents sans voiture a montré qu'ils apprécient de pouvoir consacrer plus de temps à leurs enfants dans le train ou le bus, au lieu de devoir faire attention à la route lorsqu'ils conduisent. Et à l'expert de conclure: