Blogs
Vintage

A l'origine, les talons étaient un symbole de virilité guerrière

Chaussures à talons suisses destinées au marché américain: sélection de modèles Bally aux coloris brillants des années 1930.
https://www.emuseum.ch/exhibitions/1855/bally?ctx=a6c29a42df2b159c94424da56 ...
Chaussures à talons suisses destinées au marché américain: sélection de modèles Bally aux coloris brillants des années 1930.Image: Bally Schuhfabriken AG, photo: Manuel Fabritz
Vintage

A l'origine, les talons étaient un symbole de virilité guerrière

Les talons hauts connaissent un succès qui ne se dément pas. Aujourd’hui portés essentiellement par les femmes pour leur aspect esthétique, ils faisaient autrefois le triomphe des hommes sur les champs de bataille, car ils leur assuraient équilibre et stabilité sur les chevaux. Récit d’une histoire culturelle entre mythe, mode et pouvoir.
09.08.2025, 07:06
Murielle Schlup / musée national suisse

Un morceau d’histoire du cinéma mis aux enchères à New York en décembre 2024 fut qualifié de «Saint-Graal des ventes d’Hollywood Memorabilia»: les «Ruby Slippers» (souliers rouges) que portaient Judy Garland en 1939 dans «Le magicien d’Oz». Les enchères montèrent jusqu’à 32,5 millions de dollars. Autant d’argent pour une vieille paire de chaussures déjà portée?

Pourquoi pas si ses talons sont dotées de pouvoirs magiques, c’est du moins ce que nous révèle le roman populaire pour enfants de Lyman Frank Baum, ainsi que la comédie musicale tirée du livre, elle-même inscrite au registre international Mémoire du monde de l’UNESCO. Les escarpins scintillants y constituent un accessoire et élément de costume central, jouant un rôle clé et servant de fil rouge tout au long de l’histoire.

Le blog du Musée national suisse
Des histoires passionnantes sur l'histoire de la Suisse plusieurs fois par semaine: on y parle des Romains, des familles d'émigrants ou encore des débuts du football féminin.
blog.nationalmuseum.ch/fr
Talons magiques: Dorothy devait claquer trois fois des talons pour rentrer chez elle en se téléportant du pays d’Oz au Kansas.Vidéo: YouTube/Warner Bros. Entertainment

Au-delà du film, le destin digne d’un scénario de cinéma de ces escarpins fit grimper leur valeur: prêtés pour une exposition au musée Judy Garland, ils furent volés en 2005, et ce n’est qu’après plusieurs années de recherches que le FBI put retrouver les souliers lors d’une opération sous couverture et les restituer à leur propriétaire dans un enthousiasme mélodramatique.

Un objet de fantasme et de désir

Il n’y a pas que dans les films et les contes de fées que les talons hauts exercent une attraction magique, voire un pouvoir quasi surnaturel, aussi bien sur les hommes que sur les femmes.

Dans l’histoire de notre culture et de la mode, ils reviennent à différentes époques et sous différentes formes comme objets du désir masculin et féminin, nourrissant les fantasmes et suscitant toutes sortes d’émotions et associations d’idées positives et négatives. Mais sur quoi la fascination pour les talons hauts repose-t-elle, hormis le côté esthétique transformant parfois en œuvre d’art cet objet destiné au départ à habiller nos pieds?

En plus du côté fonctionnel de n’importe quelle chaussure, à savoir protéger les pieds pour marcher, et de l’aspect stylistique qui en découla, c’est-à-dire accessoiriser la tenue vestimentaire, les chaussures à talons répondent en plus à des souhaits esthétiques, comme celui de «se grandir» et d’allonger ses jambes visuellement. Plus les talons sont hauts, plus le centre de gravité du corps se déplace. Les mouvements nécessaires pour garder l’équilibre en marchant créent une ondulation des hanches souvent décrites comme étant séduisantes et sensuelles.

En fin de compte, le changement d’apparence associé à ce nouveau langage corporel peut donner de l’intérieur comme de l’extérieur la sensation d’une plus grande confiance en soi, voire un sentiment de force. Ou comme le dit la citation suivante, souvent attribuée à Marilyn Monroe:

«Donnez à une femme de belles chaussures, et elle pourra conquérir le monde»
Marilyn Monroe impressionne avec sa démarche en talons hauts dans le film «Certains l’aiment chaud», 1959 (extrait).Vidéo: YouTube/JAMES Kai

Des guerriers perses comme précurseurs

Au début, ce furent pourtant des hommes, et non des femmes, qui partirent conquérir le monde en talons hauts... à cheval. Plus précisément, des cavaliers perses. Ils avaient une bonne raison de porter des talons hauts: leur forme crochetée leur assurait une bonne stabilité dans les étriers pendant le combat. Attestés depuis le 10e siècle dans la région perse, les talons permettaient en effet aux cavaliers d’affronter leur adversaire en maniant leur arc et leurs flèches tout en se tenant debout sur les étriers.

Élément de l’équipement de combat dans la cavalerie perse: les chaussures à talons.
https://batashoemuseum.ca/
Élément de l’équipement de combat dans la cavalerie perse: les chaussures à talons.Image: Bata Shoe Museum / Kailee Mandel

Comment les talons sont-ils passés des champs de bataille de l’Asie occidentale aux tendances de la mode européenne? Au tournant du 16e au 17e siècle, l’Occident européen et le chah de Perse Abbas 1er poursuivaient un objectif commun: tenir en échec l’Empire ottoman. Des militaires perses furent envoyés à la cour des princes européens afin d’entretenir et de développer les relations diplomatiques. En contrepartie, Abbas 1er reçut des délégations européennes à la cour d’Ispahan.

Le chah Abbas 1er (à gauche), vers 1620. Le souverain perse porte des chaussures à talons, tel qu’il était d’usage parmi les cavaliers de ses forces armées.
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jah ...
Le chah Abbas 1er (à gauche), vers 1620. Le souverain perse porte des chaussures à talons, tel qu’il était d’usage parmi les cavaliers de ses forces armées.Image: Wikimedia

Les chaussures à talons perses ne passèrent pas inaperçues. L’armée perse étant considérée comme puissante et efficace et ses cavaliers aguerris et «virils», les talons furent associés à l’idée de pouvoir et de masculinité. Et cet «accessoire de combat» fit bientôt son entrée à la cour des princes européens.

Les talons comme symbole de noblesse et de souveraineté

Les chaussures à talons se répandirent rapidement dans la noblesse pendant la période baroque. Elles devinrent bientôt une distinction sociale chez les hommes de la classe supérieure sans pour autant qu’elles aient une utilité directe.

Leur aspect «impraticable» au quotidien soulignait le prestige et le privilège du porteur de talons, qui s’élevait ainsi au-dessus du petit peuple, lui-même obligé de porter des chaussures utilitaires pour travailler, si tant est qu’il pouvait s’en payer.

À partir du milieu du 17e siècle, le talon rouge devint un symbole d’appartenance à une classe d’exception. Le porteur le plus célèbre de cette extravagance n’est autre que le «Roi Soleil» Louis XIV, un homme plutôt de petite taille qui, grâce à ses hauts talons, devait se sentir plus près de quelques centimètres de l’astre à qui il avait emprunté son nom.

Pieds de sang bleu dans des chaussures à talons rouges: Louis XIV prend la pose du haut de ses souliers royaux.
https://de.wikipedia.org/wiki/Hyacinthe_Rigaud#/media/Datei:Louis_XIV_of_France.jpg
Pieds de sang bleu dans des chaussures à talons rouges: Louis XIV prend la pose du haut de ses souliers royaux.Image: Wikimedia

Aujourd’hui, plus besoin de faire partie de la noblesse pour porter des talons rouges, néanmoins il faut un compte en banque bien rempli pour s’offrir des «Louboutin». Les semelles et talons rouges des chaussures du créateur français Christian Louboutin sont considérés comme une marque déposée protégée dans plus de 50 pays, une exclusivité confirmée par la Cour de justice de l’Union européenne en 2018 après plusieurs années de bataille juridique.

De son côté, le Tribunal fédéral a jugé que la semelle rouge ne pouvait pas faire l’objet d’une protection en Suisse.

On vous ajoute quelques centimètres? La réponse à cette question se trouve dans les semelles et talons rouges de Christian Louboutin.
https://de.wikipedia.org/wiki/Christian_Louboutin#/media/Datei:Lou ...
On vous ajoute quelques centimètres? La réponse à cette question se trouve dans les semelles et talons rouges de Christian Louboutin.Image: Wikimedia / Arroser

Et les femmes s’approprièrent les talons

Revenons aux cours des princes européens. Les femmes, qui rattrapèrent leur retard en matière de forfanterie orthopédique au 17ᵉ siècle, s’intéressèrent aussi à cette nouvelle mode des talons hauts. Tandis que les talons larges s’étaient imposés chez les hommes, la mode s’orienta vers des talons plus fins et élégants chez les dames.

Le 18e siècle vit le talon Louis XV se répandre, avec sa forme arrondie vers l’intérieur et rétrécie au centre, la hauteur des talons correspondant généralement au rang social.

Chaussures à talons pour dame, avec talon Louis XV, vers 1750.
https://permalink.nationalmuseum.ch/100177087
Chaussures à talons pour dame, avec talon Louis XV, vers 1750.Image: Musée national suisse

Hommes et femmes de la haute société trottinèrent ainsi en talons hauts pendant des décennies sur le parquet des privilèges de la noblesse, loin de la saleté des rues et du travail des champs. Cependant, la Révolution française acheva de sonner le glas de la mode des chaussures à talons, ainsi que celle de toutes les autres extravagances de la noblesse. On assista à l’apparition de chaussures plutôt plates et discrètes pour tout le monde, une distinction bien nette s’opérant toutefois entre les versions masculines et féminines.

Après la chute, la renaissance

Les talons de hauteur modérée firent leur retour au milieu du 19e siècle chez les femmes, notamment sur des bottines à lacets ou à bouton et des chaussures de bal. C’est à cette époque, vers 1851, que l’entreprise de chaussures Bally fut fondée à Schönenwerd, près de Soleure. Elle commença très tôt à exporter ses produits, dès 1860 en Argentine et en Uruguay, et en 1870, elle ouvrit sa première succursale hors d’Europe à Montevideo. Très vite, les chaussures à talons devinrent un produit d’exportation rentable.

Chaussure à talon en cuir vernis noir de Bally, fabriquée entre 1874 et 1878 pour l’exportation.
http://doi.org/10.3932/ethz-a-000015957
Chaussure à talon en cuir vernis noir de Bally, fabriquée entre 1874 et 1878 pour l’exportation.Image: ETH Bibliothek, Zurich

Avec l’avènement et le développement de la photographie, la chaussure à talon devint un accessoire de mise en scène dans les photographies de nus. Dans un esprit très Fin de siècle, l’association ouvertement érotisante – bien qu’inavouée – des talons hauts et des courbes féminines fut aussi l’un des facteurs à l’origine de l’intérêt grandissant pour les talons à la fin du 19e siècle.

Grâce au développement de la production industrielle en série, une clientèle féminine de plus en plus nombreuse issue de milieux aisés put s’offrir des chaussures à talons plus sobres, tandis que les modèles luxueux réalisés sur mesure et à la main restèrent l’apanage d’une clientèle fortunée. Lorsque les jupes raccourcirent durant les Années folles pour laisser à nouveau apparaître les jambes, les chaussures redevinrent un accessoire de premier ordre. Les talons s’allongèrent et de plus en plus de pieds féminins affichèrent l’élégance de talons hauts, y compris en Suisse, chaussant généralement des escarpins de forme et de couleur plutôt discrètes.

Des escarpins en cuir couleur bronze confectionnés par Bally pour le marché suisse vers 1920. Les chaussures sont décorées de broderies fines en perles de métal qui représentent des feuilles.
https:// ...
Des escarpins en cuir couleur bronze confectionnés par Bally pour le marché suisse vers 1920. Les chaussures sont décorées de broderies fines en perles de métal qui représentent des feuilles.Image: Musée national suisse

Les chaussures à talons suisses pour les femmes du monde

Grâce à Bally, la Suisse se hissa au sommet de la pyramide du commerce international en matière de chaussures à talons. Dans les archives de l’entreprise, plus d’un tiers des 600 chaussures pour femme confectionnées entre la crise économique mondiale de 1929 et le début de la Seconde Guerre mondiale sont des chaussures de soirée à talons, dont de nombreux modèles mondains et sophistiqués avec des talons plus hauts, des broderies et des boucles recouvertes de strass.

Les boucles servaient à fermer les brides typiques de cette époque destinées à bien maintenir le pied dans la chaussure pour danser librement le charleston et plus tard le swing.

Chaussures à talons suisses destinées au marché américain: sélection de modèles Bally aux coloris brillants des années 1930.
https://www.emuseum.ch/exhibitions/1855/bally?ctx=a6c29a42df2b159c94424da56 ...
Chaussures à talons suisses destinées au marché américain: sélection de modèles Bally aux coloris brillants des années 1930.Image: Bally Schuhfabriken AG, photo: Manuel Fabritz

Les femmes qui s’offraient ces chaussures mondaines et le mode de vie qui va avec n’étaient toutefois pas suisses en majorité. Ces chaussures étaient en premier lieu destinées au marché lucratif d’Amérique du Nord, où Bally exportait ses talons hauts depuis 1919, un marché qui contribua grandement au succès de l’entreprise. Dès 1923, Bally ouvrit une succursale à New York.

Les allées et venues des chaussures à semelles compensées

Dès l’Antiquité, un autre type de chaussures, qui n’étaient pas à proprement parler des chaussures à talons, était courant en Asie et en Afrique du Nord: les chaussures à plateau, dotées d’une semelle compensée, voire d’échasses. Elles avaient souvent une fonction purement pratique: protéger le bas des vêtements des sols sales, mouillés, brûlants ou glacés.

Dans l’Empire ottoman, les qabqab servaient à protéger les pieds de la chaleur et de l'eau au hammam: «Dame turque et sa servante», peinture de Jean-Étienne Liotard vers 1742/43.
https://commons. ...
Dans l’Empire ottoman, les qabqab servaient à protéger les pieds de la chaleur et de l'eau au hammam: «Dame turque et sa servante», peinture de Jean-Étienne Liotard vers 1742/43.Image: Wikimedia

Les socques médiévaux représentent le pendant européen de ces sabots surélevés: il s’agissait de patins qui étaient constitués d’un plateau en bois équipé de lanières de fixation en cuir et que l’on enfilait avec ses propres chaussures.

Les chopines, dotées d’une semelle compensée très haute, furent portées du 15e au 17e siècle par les dames de la noblesse patricienne en Espagne et en Italie et par les courtisanes à Venise afin de se démarquer formellement du reste du peuple en brandissant, pour ainsi dire, leur statut – social ou érotique – à une position plus élevée.

Les femmes avaient besoin de servantes pour les aider à se déplacer: chopines italiennes dans la période comprise entre 1590 et 1610...
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/156120
Les femmes avaient besoin de servantes pour les aider à se déplacer: chopines italiennes dans la période comprise entre 1590 et 1610 ...Image: The Metropolitan Museum of Art
... et vers 1600. Ce modèle est constitué d’une semelle en bois de 36,5 cm de hauteur recouverte de cuir.
https://samlingar.shm.se/object/74B81867-F6E9-4BD3-9F74-D90CC3048301
... et vers 1600. Ce modèle est constitué d’une semelle en bois de 36,5 cm de hauteur recouverte de cuir.Image: Statens historiska museer

Les chaussures à plateau firent leur apparition dans les années 1930. Exclusivement portées par des femmes (comme les chopines), elles se répandirent d’abord dans le milieu d’Hollywood.

En 1938, Salvatore Ferragamo créa la sandale «Rainbow» pour Judy Garland, avec une semelle compensée composée de plusieurs couches de liège recouvertes de daim. Le modèle vient d’être réédité dans une ...
En 1938, Salvatore Ferragamo créa la sandale «Rainbow» pour Judy Garland, avec une semelle compensée composée de plusieurs couches de liège recouvertes de daim. Le modèle vient d’être réédité dans une nouvelle version.Image: Wikimedia / Sheila Thomson

Bally joua également un rôle sur le marché des chaussures à plateau (appelées aussi chaussures à plateforme). Les exportations étant interrompues par la Seconde Guerre mondiale, l’entreprise se concentra sur le marché suisse. Les chaussures à plateforme extravagantes trouvèrent un écho retentissant chez les jeunes femmes dans le milieu florissant du jazz et du swing à Zurich.

C’est en tout cas ce que suggère l’attention particulière que le magazine satirique Nebelspalter accorda au sujet. Entre 1942 et la fin de la guerre, le graphiste zurichois Ernst Schoenenberger publia à lui seul 30 caricatures inspirées par le style des pin-up américaines, se moquant allègrement de cette nouvelle tendance fantaisiste.

Tendance pendant les années de guerre: la «Züri-Görl» fait sensation avec ses chaussures à plateforme extrêmement hautes, où semelle et talon se confondent pour former un piédestal très incliné. Caric ...
Tendance pendant les années de guerre: la «Züri-Görl» fait sensation avec ses chaussures à plateforme extrêmement hautes, où semelle et talon se confondent pour former un piédestal très incliné. Caricature d’Ernst Schoenenberger pour le magazine Nebelspalter, 68/36, 03.09.1942.Image: e-periodica.ch
Chaussures «Peeptoe Slingbacks» (ouvertes à l’arrière et au niveau des orteils) avec talons hauts et semelle plateau de hauteur modérée, fabriquées vers 1945 en Italie.
https://permalink.nationalmuseu ...
Chaussures «Peeptoe Slingbacks» (ouvertes à l’arrière et au niveau des orteils) avec talons hauts et semelle plateau de hauteur modérée, fabriquées vers 1945 en Italie.Image: Musée national suisse

Après la fin de la guerre, alors que les chaussures à plateau disparaissaient à nouveau, les High Heels (chaussures à talons hauts) firent un carton. Une innovation marqua la fin des années 1950: les talons aiguilles.

Renforcés par une tige en métal pour une meilleure stabilité, les stilettos virent le jour, baptisés ainsi en raison de leur ressemblance avec le poignard-stylet du même nom. Aujourd’hui encore, leur variante extrême, les «Killer Heels», règnent en maître du «sublime» dans l’art de la chaussure.

Les chaussures à talons et semelle compensés firent leur grand retour à la fin des années 1960, où hommes et femmes les portèrent fidèlement pendant une dizaine d’années. Les idoles du disco-funk et du glam rock furent les catalyseurs de cette popularité, notamment Elton John, David Bowie et Freddie Mercury dans leurs jeunes années, mais aussi des groupes comme Sweet, Kiss ou les New York Dolls. Ils portaient des tenues extravagantes et des chaussures à plateau surdimensionnées, offrant des shows exaltés incarnant l’équilibre parfait entre paillettes et subversion.

David Bowie porte des semelles compensées dans le clip de «Space Oddity» en 1969.Vidéo: YouTube/David Bowie

Les hommes et les talons hauts au cours des dernières décennies

De nos jours, les grands noms du design de la chaussure spécialisés dans les talons hauts féminins sont masculins: Roger Vivier, Salvatore Ferragamo, Giuseppe Zanotti autrefois, Christian Louboutin, Jimmy Choo, Manolo Blahnik aujourd’hui. La plupart des fétichistes pathologiques de la chaussure sont également des hommes. Dans la rue, il est plutôt rare de voir des hommes porter des talons hauts au quotidien.

En revanche, ils sont plus nombreux à se produire sur scène, à défiler sur les podiums et à s’afficher sur les réseaux sociaux et dans le milieu LGBTQ+. Les talons hauts sont également devenus incontournables chez les drag queens et les coachs de catwalk ainsi que dans les gay prides et les high heels runs.

Mais globalement, c’est essentiellement la femme qui est associée à l’image des talons hauts depuis les années 1980, à l’exception de Prince, chanteur et musicien iconique. Ne mesurant pas plus de 1,58 m, il portait presque tout le temps des «Killer Heels», ce qui – nomen est omen – lui fut fatal, du moins indirectement: Prince fut dépendant aux médicaments pendant des années en raison de douleurs chroniques aux hanches dues à ses danses exaltées en bottines de dix centimètres de talon (il en possédait des centaines). Il mourut en 2016 d’une overdose de fentanyl, un antidouleur controversé.

Compilation des acrobaties dansées de Prince en talons hauts.Vidéo: YouTube/e_perez

Sexisme ou «empowerment»?

Si les talons hauts promettent glamour, sex-appeal et statut à la clé, ils sont souvent controversés. En matière de sécurité, de santé et de confort, ils tombent vite de leur piédestal face aux chaussures plates. Les chutes sont monnaie courante, de même que les douleurs aux hanches, aux genoux et au dos, sans oublier les hallux valgus, une déformation du gros orteil.

Nous vivons par ailleurs dans une époque où, le confort jouissant d’une belle popularité dans le milieu de la mode, porter des sneakers avec un costume est devenu aussi naturel que mettre des bottes de motard avec une robe, si bien que les esprits s’échauffent sur l’intérêt des talons hauts.

Certaines personnes voient dans le port des talons hauts la soumission à un diktat sexiste de la mode aux dépens de la santé et de la liberté de mouvement. D’autres contre-attaquent en répliquant que les talons hauts sont un instrument et un symbole d’autodétermination des femmes ainsi que la marque d’un «empowerment» féministe.

«Posh» en train de se détendre sur son canapé: «Je suis incapable de me concentrer quand je porte des chaussures plates», affirme la styliste Victoria Beckham, à qui son amour pour les talons hauts a  ...
«Posh» en train de se détendre sur son canapé: «Je suis incapable de me concentrer quand je porte des chaussures plates», affirme la styliste Victoria Beckham, à qui son amour pour les talons hauts a déjà coûté deux opérations d’un hallux valgus.Image: Instagram /Victoria Beckham

D’un côté, la baisse de popularité des talons hauts chez la «Gen Z» pourrait être un indice en faveur des premiers arguments. Mais d’un autre côté, les tendances actuelles du marché révèlent une image inverse au niveau international. Quoi qu’il en soit, le marché des talons hauts enregistre une hausse croissante, atteignant 43,6 milliards de dollars en 2024, une tendance qui semble s’inscrire dans la durée.

Les perspectives sont moins roses dans le haut de gamme, car le marché affiche globalement une tendance à la baisse pour les articles de luxe personnels. La marque Bally, qui s’inscrit dans le segment intermédiaire des produits de luxe bien qu’associée à l’aspect «Swissness», est également concernée. Situé à Caslano au Tessin, le siège de l’entreprise suisse, rachetée par une société d’investissement étatsunienne en 2024, a connu des suppressions de postes concernant environ un tiers de son personnel.

Accessoires. Objets de désir
18.07.2025 – 12.04.2026
Musée national suisse

Les accessoires ont toujours été plus que de simples ornements : chapeaux, foulards, gants, sacs et chaussures reflètent l’appartenance sociale, politique et religieuse. Marques de pouvoir et de statut, ils protègent et modèlent le corps ou incarnent les dernières tendances de la mode. À travers des objets appartenant à la collection du Musée national suisse, l’exposition montre l’impact des changements sociaux sur les accessoires. Des strictes codes vestimentaires du début de l’époque moderne au jeu avec les normes de genre actuelles, elle jette un regard sur l’histoire de la mode de la «tête aux pieds».
>>> Plus d'articles historiques sur: blog.nationalmuseum.ch/fr
watson adopte des perles sélectionnées du blog du Musée national suisse dans un ordre aléatoire. L'article «Les talons hauts: du champ de bataille aux sommets de la mode» est paru le 7 août.
blog.nationalmuseum.ch/fr/2025/08/les-talons-hauts-du-champ-de-bataille-aux-sommets-de-la-mode
La jupe boule en fast fashion
1 / 10
La jupe boule en fast fashion
Robe ballon courte bimatière de chez Zara
source: zara
partager sur Facebookpartager sur X
Angèle a fait sensation à la Fashion Week de Paris
Video: twitter
Ceci pourrait également vous intéresser:
As-tu quelque chose à nous dire ?
As-tu une remarque pertinente ou as-tu découvert une erreur ? Tu peux volontiers nous transmettre ton message via le formulaire.
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
Abolition de la valeur locative: une idée à la Trump…
La Suisse votera ce 28 septembre et pourrait abolir l'impôt sur la valeur locative. Si le «oui» est tentant, Roger Nordmann nous explique en cinq points pourquoi ce serait désastreux pour l'extrême majorité de la population.
Alléchante pour certains propriétaires – mais pas pour tous - la suppression de la valeur locative est une fausse bonne idée qui s’avèrera contre-productive à 5 égards.
L’article