Une cinquantaine d'albums, un Prix Nobel de littérature, un poète incompris... Qui est Bob Dylan? «Je crois que même lui ne connaît pas la réponse», affirme à l'AFP le cinéaste américain James Mangold, qui lui consacre le biopic Un Parfait inconnu. Voici les meilleurs extraits de son interview.
AFP: De l'arrivée à New York jusqu'au passage à la guitare électrique: pourquoi se concentrer sur les premiers pas de Dylan?
James Mangold: Ce film parle du génie et de la solitude qu'il engendre. Ce que l'on perçoit chez Dylan comme de l'arrogance ou un comportement de connard pourrait bien être de la solitude.
C'est comme être dans un monde où la plupart des gens, comme nous, sont un peu stupides ou ennuyeux, s'intéressent à des choses banales, quand vous voyagez dans les étoiles.
Vous avez décrypté son succès d'une façon originale...
Je me suis intéressé à ce que signifie rencontrer un tel succès à 21 ans. Quand votre talent devient quelque chose dont tous sont jaloux, et que l'on vous vénère. Ou alors que les gens voient en vous un produit, une marchandise qui peut leur rapporter de l'argent ou soutenir une cause... Rien de tout cela n'est de l'amour.
C'est ce qu'il vous a raconté quand vous l'avez rencontré?
Quand j'ai passé du temps avec lui, le mot qu'il utilisait souvent, c'était «solitude». Il disait que sa vie à cette époque, en 1962 ou 1963, était solitaire. (...) Il évoquait des situations très concrètes:
Vous êtes votre propre accompagnateur (...) Ensuite, vous rentrez chez vous seul. Ce sentiment de camaraderie qu'on voit souvent chez les musiciens n'était pas présent dans sa vie parce qu'il était le seul musicien.
Son groupe était donc important à ses yeux...
(...) La principale raison pour laquelle il voulait un groupe, c'était pour avoir des amis, des gens qui ne voulaient rien de lui à part connaître les accords. Ces amis n'étaient ni jaloux ni intéressés par son argent. C'étaient ses potes.
Pour jouer cette vedette seule face à ses fans, vous avez choisi Timothée Chalamet, l'une des stars les plus en vue d'Hollywood...
Timothée peut seulement imaginer le poids que Dylan portait. Mais bien sûr, il existe des parallèles liés à la célébrité. Timmy, comme n'importe lequel de mes acteurs, (...) peut comprendre ce que cela signifie de vivre des tapis rouges, des autographes, des fans. C'est flatteur et joyeux mais ça vous met à part aussi. Ces gens crient pour vous mais vous ne les connaissez pas.
Etre une star, c'est une vie très particulière...
Pourquoi attend-on d'un artiste qu'il soit non seulement talentueux mais aussi qu'il sache gérer la célébrité? Être une célébrité demande d'autres compétences que celle qu'il faut pour écrire une chanson, peindre ou écrire une pièce.
Ce qu'on perçoit comme de l'arrogance ou une provocation pourrait simplement découler du fait qu'il n'est pas à l'aise avec ça.
Les chansons de Dylan ont aussi une force politique. On le voit dans le film chanter pour les droits civiques. Ce message reste-t-il pertinent dans l'Amérique d'aujourd'hui?
J'espère et je crois que ces idées sont toujours pertinentes. Mais je ne sais pas si les gens les comprendront. Cela dépend d'eux.
J'ai l'impression qu'aujourd'hui, la musique est tellement narcissique: «Moi, moi, moi. Tu m'as blessé. Je me sens mal». La musique parlait alors de quelque chose de plus grand. Elle parlait du monde, de ses mystères.
Source: AFP