D’entrée de jeu, Wicked annonce la couleur (verte, évidemment): ce sera une comédie musicale XXL à la sauce Magicien d'Oz, mais version girl power. Et effectivement, le film ne lésine pas sur les numéros chantés, qui s’enchaînent avec une intensité presque assommante.
Car si certaines chansons réussissent à capter l’émotion, leur longueur finit par les desservir. A trop vouloir briller, elles s'étirent et perdent de leur éclat. Pour peu qu’on ne soit pas un inconditionnel du genre, ces 2 heures 40 de mélodies incessantes peuvent sembler interminables.
Et il y a une vraie frustration à voir des moments prometteurs noyés sous les partitions. On aurait aimé des scènes plus sobres, où les dialogues prennent le pas sur les vocalises. Mais avec Wicked, le spectacle prime… quitte à sacrifier un peu la subtilité.
Côté scénario, rien de bien sorcier (oops, pun intended). L’histoire repose sur l’amitié improbable entre Glinda, la fille populaire légèrement écervelée, et Elphaba, la marginale verte mal-aimée. Le cliché de «la reine du bal qui se lie d’amitié avec l’intello» est ici transposé au pays d’Oz, avec la délicatesse d’un parpaing lâché du 6e étage.
Malgré tout, le duo fonctionne grâce à la performance des actrices principales. Ariana Grande, en Glinda superficielle mais attachante, apporte une légèreté bienvenue. L’équilibre qu’elle trouve entre la bêtise assumée et une sincérité touchante sauve son personnage d’une caricature totale. Cynthia Erivo, quant à elle, offre une Elphaba intense, mais parfois trop dramatique; ses élans de tragédie peuvent paraître un brin forcés.
Dans ce déluge de paillettes et de décors flamboyants, quelques visages familiers viennent relever l’ensemble. Jonathan Bailey, bad boy au sourire en coin, fait souffler un vent de charisme dans la peau de Fiyero. Sa présence, bien que secondaire, est un rappel agréable de son talent, déjà aperçu dans la série Netflix La Chronique des Bridgerton.
Et que dire de Michelle Yeoh? L’actrice oscarisée illumine chaque scène où elle apparaît. Même si son rôle reste limité, elle apporte une profondeur salutaire à ce conte qui, il faut le reconnaître, frôle parfois le vide.
Et qui dit pays d’Oz dit forcément décors et costumes étincelants. Mais certains, surtout dans la Cité d’Emeraude, semblent tout droit sortis de Disneyland. Alors certes, c’est beau, c’est chatoyant, ça pique un peu la rétine (on est prévenu dès l’affiche cela dit), mais l’ensemble manque parfois un peu d’âme. Cette esthétique tape-à-l’œil peine à immerger le spectateur dans le monde d’Oz, donnant plutôt l’impression de visiter un parc à thème bien trop propre pour être crédible.
Enfin, il y a cette question cruciale: à qui s’adresse vraiment Wicked? L’histoire originale du Magicien d’Oz n’a pas la même résonance sous nos latitudes qu’outre-Atlantique. Très anglo-saxonne dans son essence, elle risque de laisser une partie du public perplexe. Ajoutez à cela une durée excessive et une intrigue qui ne décolle vraiment qu’à la toute fin... Grosso modo, ce qui précède ressemble à un (très) long préambule, ponctué de chansons à rallonge et de moments franchement prévisibles.
Car oui, il ne s’agit que de la première partie. La partie 2, prévue pour 2025, reprend là où ce film s’arrête: au moment précis où l’on commence à se dire que les choses pourraient devenir intéressantes. Une construction narrative frustrante, qui laisse le spectateur sur sa faim après l’avoir noyé dans un trop-plein de chansons.
Malgré tout, Wicked est loin d’être un désastre. Certaines performances valent le détour, et les fans de comédies musicales y trouveront leur compte. Mais pour le spectateur lambda, l’expérience est trop longue, trop chargée, trop… tout. Un peu comme la grosse boîte de chocolats qui traîne sur la table du salon à Noël. Sympa au début, écœurant à la fin.
Avec un meilleur équilibre entre chansons et scènes jouées, et une intrigue plus ramassée, le film aurait pu véritablement ensorceler. En l’état, il se contente de divertir, sans jamais totalement convaincre.
Note: 6,5/10
«Wicked», dans les salles romandes dès le 4 décembre 2024.