C'est la surprise de ce printemps. Le film Un p'tit truc en plus de l'humoriste Artus cartonne dans les salles françaises et suisses depuis le 1er mai. Le film signe le meilleur démarrage de l'année et du cinéma français depuis Bienvenue chez les Chtis. Il vient de dépasser les deux millions de spectateurs dans l'Hexagone.
Le pitch? Paulo et «La Fraise», deux braqueurs père et fils, commettent un casse dans une bijouterie. Leur fuite tourne mal: leur voiture, garée sur une place pour handicapés, a été emmenée à la fourrière. Les policiers sont en train d'encercler la zone.
Paulo s'est déguisé en «touriste allemand»: pantalon cargo, pull moche, birkenstock avec chaussettes et chapeau de brousse. Il est pris pour Sylvain, le retardataire d'un autobus à destination d'une colonie de vacances pour adultes en situation de handicap mental. «La Fraise» se fait passer pour son éducateur.
Voici deux semaines que le film est sorti dans les salles obscures et pourtant, celle où on est allé le voir dans la région lausannoise était parfaitement bondée, un soir de semaine. Couples, amis et familles sont venus rire. Des rires sincères, parsemés de chuchotements et de réactions de tendresse. Il faut dire que la recette fait mouche: des bons sentiments, quelques gags potaches et des situations surprenantes, mais toujours bien tournées. A la fin du film, les langues se délient:
La comparaison avec Intouchables est sur toutes les lèvres. Rajoutez-y une histoire de braqueurs pour les plus terre-à-terre et il devient difficile de résister. «Ça fait plaisir de voir Clovis Cornillac, ça faisait longtemps que je ne l'avais plus vu dans un film», lâche d'ailleurs un spectateur.
Un peu rugueux de prime abord, le bandit va se laisser emmener par des sentiments qu'il réprimait au fond de lui-même et se laissera attendrir par les «mongolitos», comme il les appelle. A ce sujet, voici ce qu'en pensent les spectateurs:
Car tous les acteurs sont réellement porteurs d'un handicap, comme de trisomie 21 par exemple, mais aussi de maladies plus rares. A l'image de Sofian, en chaise roulante, atteint d'ataxie-télangiectasie, une maladie neuro-musculaire.
Le réalisateur Artus a voulu que ces handicapés jouent leur propre rôle. L'écriture du scénario et des répliques a été calquée sur leurs personnalités pour être le plus fidèle possible à la réalité. Arnaud est un fan inconditionnel de Dalida, Boris passe d'un déguisement à l'autre sans prévenir et Alexandre cite du Sarkozy à longueur de journée — avec l'accent, s'il vous plaît.
Le film est un franc succès en France comme en Suisse, où il surpasse la concurrence. Marc Maeder de Prasens-Film, distributeur du film en Suisse, confirme ce succès et se dit «ravi» de la réussite de cette comédie pas comme les autres.
Le nombre de villes romandes qui présentent le long métrage a d'ailleurs triplé en deux semaines. Artus meilleur que Ryan Gosling? «C'est d'autant plus positif que le public comme les exploitants sont d'habitude réticents envers les films sur le sujet du handicap», estime Marc Maeder.
Mais cette histoire est différente: «On n'y pointe pas les personnes handicapées du doigt, au contraire. Ce sont eux qui se moquent de nous, nous renvoient à notre propre image», analyse Marc Maeder.
Pour lui, c'est le scénario et le projet d'Artus, devant et derrière la caméra et qui connaît bien les figurants, qui expliquent ce succès. L'équipe de tournage a d'ailleurs dû s'adapter au casting et improvisé bon nombre de séquences. Une authenticité palpable tout au long du film, qui fait chaud au cœur.
Il faut dire que l'alchimie entre l'humoriste et ses nouveaux copains est réelle à l'écran comme à la vie. Artus et ses acteurs Ludovic et Arnaud étaient venus présenter le film sur le plateau de Quotidien le 5 mai dernier.
Le casting au complet aura même le privilège de débouler les marches du Festival de Cannes, le 22 mai. Parmi eux, onze acteurs en situation de handicap. Des images qui promettent de continuer à émouvoir.
Une polémique a malheureusement éclaté dans la foulée: aucune marque de luxe n'avait souhaité habiller le casting pour la montée des marches. La raison? «Tous les costumes seraient déjà prêtés», a déclaré ironiquement Artus, conscient du caractère un peu léger de l'excuse.
Après son coup de gueule, les choses se sont vite décantées. Le groupe Kering, qui compte notamment Gucci et Yves-Saint-Laurent, s'est manifesté pour venir habiller les stars du film. Mais Ralph Loren et Hugo Boss ont aussi contacté le réalisateur.
Marc Maeder évoque un autre film sur le handicap qui avait marqué Cannes: Le huitième jour, en 1996. Daniel Auteuil et Pascal Duquenne, atteint de trisomie 21, s'étaient partagé le prix d'interprétation masculine. Un p'tit truc en plus portera à nouveau la thématique sur le tapis rouge.
Un p'tit truc en plus est actuellement au cinéma en Suisse romande.