Sonny Hayes (Brad Pitt) est un vieux pilote tatoué et superstitieux qui vit seul dans sa camionnette. Une petite sieste, un bain de glaçons pour se refroidir le visage, un bon rock des années 1980 et le voilà reparti pour une folle course de stock-cars — qu'il gagne, évidemment. Pour quelques maigres milliers de dollars, il prend des risques inconsidérés. Mais ce n'est pas une question d'argent. Sa vraie passion, c'est la vitesse.
Son ami Ruben (Javier Bardem), qu'il n'a plus vu depuis 30 ans, débarque pour le recruter et remettre sur pied Apex, une écurie de F1 au bord de la faillite. Il devra aussi pousser dans ses limites un jeune pilote qui monte, Joshua Pearce (Damson Idris), pour en faire un champion.
Le roublard accepte de revenir pour ce dernier baroud d'honneur. Démodé mais loin d'être obsolète, il prendra tous les risques pour revenir au top.
Bon, vous voyez venir la suite? On a déjà vu cette histoire mille fois. La F1 se révèle un univers impitoyable, où les coups bas se succèdent et un coureur seul n'est rien sans son équipe. Le vieux crabe et le jeune loup, dont les univers sont si différents, sont d'abord rivaux. Mais leur passion commune pour la course les rattrape et ils deviennent des alliés complices dans la victoire. Ajoutez-y un soupçon de romance quelconque, et on peut dire que F1 ne réinvente pas l'huile chaude en termes de scénario — mais ce n'est qu'un prétexte.
Car c'est au niveau des scènes de course que le film remplit pleinement ses promesses: elles sont saisissantes d'énergie brute et filmées avec brio, notamment grâce à ses excellents plans embarqués. Apple, qui distribue le film, a fourni des caméras de pointe très légères.
On serre les accoudoirs de son fauteuil tant dans les dépassements que lors des crashs, imprévisibles et spectaculaires. Et puis, F1 n'est pas bourré de CGI et autres images de synthèse. Quel bonheur! Dommage que les excellents bruitages soient trop souvent noyés dans la musique et la bande-son.
Le film compte deux personnages principaux: Brad Pitt et la Formule 1. Le premier cabotine royalement et joue sa propre partition. La recette est éprouvée mais fonctionne toujours: Sonny Hayes est un solitaire aussi pénible qu'attachant, un faux ringard au charme intact qui a le don de déstabiliser tous ceux qui croisent sa route. Brad Pitt vieillit mieux que quiconque à Hollywood — désolé, Tom Cruise — et à 61 ans, ses quelques rides racées renforcent sa dévastatrice allure de félin.
La F1, ensuite. On a parfois l'impression d'avoir devant les yeux un spot promo sur grand écran. Difficile de faire autrement, puisque le championnat est géré par le Formula 1 Group, un consortium dédié à la promotion de la discipline, qui est une marque déposée. C'est moins flagrant que pour Barbie ou Transformers, mais cela se sent tout de même. A noter que c'est ici le réalisateur qui a cherché à travailler avec la «marque», pour plus de réalisme.
Cela permet aussi d'ancrer l'histoire dans le réel. Le tournage s'est déroulé à proximité immédiate des courses durant la saison 2023-2024. L'écurie fictive Apex y côtoie Ferrari, Red Bull et les autres, ainsi que la crème des pilotes, à grand renfort de name dropping. Le duel final de Pearce contre Lewis Hamilton — par ailleurs producteur du film — l'illustre bien. Les sponsors sont aussi nombreux que lors d'une vraie course: jamais vous n'aurez vu autant de placements de produits dont la présence est parfaitement justifiée à l'écran.
F1 s'inscrit dans ce qu'on pourrait considérer le renouveau des blockbusters «authentiques», tels que forgés par le producteur Tom Cruise avec ses Mission Impossible: pas ou très peu d'effets spéciaux, pour une sensation maximale de réel et d'immersion. Brad Pitt et Damson Idris ont conduit eux-mêmes les engins. Et ce ne sera pas surprenant de retrouver à la réalisation Joseph Kosinski, réalisateur de Top Gun: Maverick.
Du cockpit au siège d'un bolide, la sensation de puissance, particulièrement satisfaisante, est la même. Si on est tenté de comparer F1 à l'épique Rush ou à l'élégant Ford v. Ferrari, son ancêtre serait plutôt Jours de tonnerre, produit lui aussi par Jerry Bruckheimer et avec Tom Cruise (encore lui). F1 lui doit beaucoup, à commencer par la course de stock-cars au début du film, qui donne le ton.
Bref, pour les fans de racing, le film remplit ses promesses. Quant aux amateurs de bons films à l'ancienne, ils auront trouvé leur blockbuster de l'été, efficace et prenant. Mais ceux qui en ont assez des recettes mijotées dans les vieilles marmites pourraient être tentés de passer la soirée devant Netflix.
F1 sort en salles le 25 juin.