La nouvelle comédie romantique de Margot Robbie manque de cœur
Pour réussir une bonne comédie romantique, il faut deux personnages attachants qui s’opposent, une rencontre inopinée, un obstacle qui les empêche d’être ensemble, ainsi qu’une résolution satisfaisante. C’est précisément cette recette que vous retrouverez dans A Big Bold Beautiful Journey.
Du moins sur le fond, car sur la forme, le film du cinéaste américain d'origine sud-coréenne Kogonada (After Yang) emprunte un chemin moins conventionnel, oscillant entre fantastique et science-fiction, sans que cela ne soit jamais explicitement souligné.
A Big Bold Beautiful Journey raconte l’histoire de Sarah (Margot Robbie) et David (Colin Farrell), deux âmes esseulées qui, après s’être rencontrées à un mariage, prennent la route ensemble à bord de leur voiture de location, équipée d’un mystérieux GPS. Sur le chemin du retour, à travers un road trip bucolique dans les collines californiennes, les coordonnées fournies par cet étrange appareil les conduisent à des portes qui, une fois franchies, leur permettent, tour à tour, de revisiter les souvenirs ayant façonné leur vie.
La bande-annonce:
Introspection mon amour
Au début du deuxième millénaire, le film Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) de Michel Gondry venait briser le carcan gnangnan de la comédie romantique avec une œuvre sur l’amour teintée de science-fiction, afin de mieux explorer cette émotion si peu rationnelle. Dans ce film, le personnage de Jim Carrey utilise un dispositif pour revisiter ses souvenirs après un deuil amoureux, dans le but de les effacer.
Devenu un film culte, le concept d'explorer les sentiments au travers de la technologie a inspiré de nombreuses œuvres, comme Her (2013) de Spike Jonze, où Joaquin Phoenix tombe amoureux d’une intelligence artificielle, ou encore la série Severance (2022), qui montre comment une technologie permet aux employés d’oublier leur travail.
Ces œuvres-concepts misent sur une direction artistique marquée, une image léchée et un univers cryptique, pour mieux raconter l’essentiel: les émotions humaines.
C’est donc de ce bois-là qu’est fait A Big Bold Beautiful Journey. Du mystérieux GPS, vous ne saurez rien, pas plus que de la compagnie énigmatique qui a fourni à nos héros cette technologie si futuriste et si rétro. Les portes, disséminées dans la nature et permettant aux personnages de voyager dans le passé, relèvent davantage de la magie que de la science-fiction. Mais peu importe: ce n’est pas ce que le film cherche à raconter.
Le film cherche à décrypter le vécu de ses personnages, les événements et décisions qui les ont façonnés et conduits à devenir ce qu’ils sont aujourd’hui. David est un romantique désillusionné, convaincu de n’avoir jamais rencontré la bonne personne, tandis que Sarah saborde chacune de ses relations dès que les sentiments deviennent trop forts. Comme en thérapie, le long-métrage explore les expériences de chacun afin qu’ils puissent mieux se connaître et se comprendre. Réaliser d’où l’on vient pour mieux savoir où l’on va: tel est le chemin qu’emprunte ce «grand voyage, beau et audacieux», pour raconter cette histoire d’amour naissante entre deux êtres.
Le cinéma nous ayant habitués à raconter des parcours de vie semés d'embûches, on pourrait regretter que les aléas vécus par Sarah et David ne soient pas si dramatiques. Cœurs brisés, traumas d'enfance, deuils et non-dits: rien qu’une thérapie ne puisse résoudre. C’est peut-être là le principal défaut du film: les personnages n’ont pas grand-chose à raconter. Mais c’est aussi ce qui les rend attachants, car, au final, ce sont des personnages ordinaires, pas si différents de chacun d’entre nous. Le grand voyage qu’on nous vend n’est donc en rien grandiose, mais simplement banal.
Quelque chose de Miyazaki
Avec son voyage champêtre dans la nature californienne, sa technologie lo-fi et ses portes magiques menant vers le passé, A Big Bold Beautiful Journey est une œuvre pleine d'influences. Il y a bien sûr les oeuvres citées plus haut, mais il émane de ce film une tendresse qui ne vient pas de nulle part et que l'on peut retrouver dans les films d'animation du studio japonais Ghibli, et de son illustre réalisateur Hayao Miazaki. La musique du film, d'ailleurs, est composée par le japonais Joe Hisaichi, qui a signé chacun des films du maître.
Le cinéaste Kogonada, de son vrai nom E. Joong-eun Park, ne s'en cache pas puisqu'il a lui-même confirmé dans un entretient à Collider que son film était fortement influencé par l'animation japonaise, notamment le film Your Name (2016) de Makoto Shinkai.
Malgré son audace et son charme évidents, le bonbon acidulé qu’est A Big Bold Beautiful Journey paraît néanmoins un peu fade. Pourtant porté par des acteurs d’exception formant un duo attachant, le film souffre d’un manque d’émotion qui l’empêche de nous toucher en plein cœur. Cependant, il parvient à décrypter à merveille cette époque cynique où le romantisme a laissé place à la peur de l’engagement. Aimer reste un acte de courage, de foi et d’abandon, et ce film mérite au moins de le rappeler.