Chercher à se mettre en couple en 2025, c'est au mieux la galère, au pire un parcours du combattant digne de Last of Us ou Game of Thrones. C'est un champ miné où il faut constamment slalomer pour éviter les conseils débiles que les coachs en séduction de tous poils et autres psy autoproclamés sur TikTok tirent en rafales à longueur de journée.
La preuve: sur les réseaux, nombre d'influenceurs inculquent aux jeunes que la bible du flirt se trouve dans le bouquin L'Art de la Séduction écrit par Robert Greene. Qu'il faut faire du «push-pull», autrement dit souffler le chaud, puis le froid, pour rendre dingue un «prospect» (ben oui, quitte à ce que la séduction soit un marché, autant complètement déshumaniser les «proies» qui auront le malheur de tomber dans nos «filets»).
Va savoir pourquoi, on dirait que ce sont toujours les conseils en amour les plus toxiques qui finissent par devenir viraux, et qui aboutissent en un hashtag en «-ing» sur les réseaux. Comme si mâchouiller des phonèmes dans la langue de Shakespeare rendait la jungle du dating plus supportable et romantique.
Ainsi, en 2025, on s'échine à éviter les as du Gaslighting (enfumer l'autre avec des mensonges constants), qui sont souvent experts en Breadcrumbing (envoyer des signaux positifs au compte-gouttes), et on a peur de subir un énorme Ghosting (se faire zapper brutalement).
Puisqu'un malheur n'arrive jamais seul, il existe un nouveau mot-valise complètement débile qui cartonne auprès de la Gen Z, et qui cache des aspirations sentimentales aussi réjouissantes qu'une description Tinder commençant par «Ne m'écris pas si..».
Il s'agit du «Shrekking». Cet énième trend dating s'inspire de Shrek, célèbre personnage créé par le studio d'animation américain DreamWorks. Vous voyez venir le truc? Son physique est celui... d'un ogre vert. Attention, les explications qui suivent peuvent être dérangeantes.
Le «Shrekking» fait référence au fait de fréquenter quelqu'un que l'on estime moins attirant, en espérant que la personne sera plus fidèle. Aïe, on vous avait prévenu, ça pique.
Autrement dit, selon cette théorie fumeuse, on choisit un partenaire en fonction de standards esthétiques, et on opte pour quelqu'un que l'on juge moins «doté» par la nature – moche, quoi, ou pas à notre «hauteur» – dans une optique stratégique: se positionner dans le rôle de la moitié que l'on admire. Celle qui risque, en théorie, moins de se faire tromper, ou rejeter. Autrement dit, l'un est une Fiona, et se place sur un piédestal, et l'autre n'est qu'un Shrek, dont le physique peu agréable l'empêchera d'aller voir ailleurs.
Les termes sont évidemment bien peu flatteurs pour le partenaire que l'on a «shrekké», comme le démontre cette Tiktokeuse:
@thisiswhyimsingle2024 Getting shreked. I’m here for it 🤣 #shreked #onlinedating #datingsucks ♬ original sound - Bekah
La Toile, toujours mauvaise langue, estime que la romance entre Selena Gomez et Benny Blanco illustre parfaitement cette tendance.
Wey, imagina tener el privilegio de que Selena Gomez sea tu novia. Benny Blanco ya ganó
— anto¹ 🫧 (@rosietonic) April 23, 2024
pic.twitter.com/PTpWmb7vLf
Evidemment, cette tendance est ultra-problématique, et à plusieurs égards. Certes, certains s'y prêtent car ils pensent pouvoir se protéger d'une personnalité peu investie dans la relation, analyse Le Point. Agir ainsi répond à une véritable insécurité:
Cependant, cette vision renforce les standards de beauté et instaure l'idée d'une «hiérarchie universelle» basée sur l'apparence. Cette inclination va de pair avec l'idée que tout est mesurable et évaluable en termes de désirabilité: le nombre de relations qu'on a eues (le fameux «bodycount»), notre capital physique, ou encore notre revenu. Et de tout ça, le pauvre Shrek n'y peut absolument rien!
$shrekking
— hodltfbag (@Hodlhero69420) August 26, 2025
I like shrekking BUT i dont like to get shrekked pic.twitter.com/lySeKK6i5I
Cette vision n'est pas si éloignée de la pratique décriée sur les réseaux du «looksmaxing», concept rapidement devenu controversé car il réduit la valeur d'une personne à son apparence physique, comme s'il s'agissait d'un score à améliorer.
Bien sûr, temporise Cosmopolitain, il ne s'agit pas de dénier que l'attirance physique joue un rôle dans le choix d'un ou d'une partenaire. Mais choisir quelqu'un en se basant sur une prétendue échelle de beauté universelle en ayant l'impression de faire une BA, et attendre quelque chose en retour, c'est là que ça devient nocif.
De plus, prévient encore le magazine, si des influenceurs font la promotion du shrekking sur les réseaux, on peut très vite tomber dans des systèmes de croyances âgistes, classistes, ou encore racistes. Alors que dans la réalité, «l'attirance est extrêmement nuancée».
Dernière évidence: le concept nous plonge dans l'illusion qu'on peut prédire comment on sera traité dans une relation en fonction de l'apparence de quelqu'un. Eh bien, sachez que non, l'habit ne fait toujours pas l'amant ou l'amante idéale. Bien que notre génération soit désormais entourée d'outils ultra-performants qui répondent H24 à toutes nos petites inquiétudes, de ChatPGT à Gemini, l'humain est toujours aussi imprévisible, peu importe s'il a des traits semblables à ceux de Margot Robbie ou d'Henry Cavill.
Bon, et on fait quoi si on a déjà succombé à la tendance et qu'on estime s'être fait «shrekké» – soit, si l'on s'est fait rejeter par quelqu'un que l'on estimait moins «beau» que nous? Comme le dit le New York Post, il s'agit d'examiner ce que l'on souhaite pour le futur de nos romances, bien au-delà de ce que l'apparence a à offrir. Et pour ça, le meilleur conseil sera peut-être de fermer TikTok, pour un très long moment.