Divertissement
Cinéma

Notre avis sur «Eat the Night», un film parlant de jeux vidéo

Eat the Night: notre avis
Pablo et Night: une histoire d'amour et de drogue qui ne peut que mal se finir.Image: Tandem Films

«Eat the Night», le film qui mixe drogue, amour et jeux vidéo

Alors qu'Apolline apprend la fin soudaine du jeu vidéo où elle se réfugie depuis des années, son frère entame une dangereuse compétition avec une bande de dealers rivaux. Deux trajectoires entremêlées à l'issue identique: la destruction.
02.09.2024, 18:5403.09.2024, 09:57
Plus de «Divertissement»

Apolline et son frère Pablo habitent une maison grise et morne dans une ville grise et morne, quelque part dans le nord de la France. Dans les faits, pourtant, leur vie se déroule ailleurs: dans les entrailles du jeu vidéo Darknoon, auquel ils jouent depuis des années et duquel ils connaissent le moindre recoin. Un safe space, un refuge.

«Darknoon a toujours été là. C'est là que je vis. Je m'y sens mieux que dans ma propre ville», déclare Apolline dès les premières secondes du film, où on voit évoluer son avatar, en petite tenue et énorme épée rose fluo sur les épaules, à travers les majestueux paysages de synthèse du jeu. Et là, c'est le choc. Un message soudainement surgi sur l'écran l'informe que le serveur de Darknoon fermera définitivement dans 60 jours.

Eat the Night: notre avis
Le corps de synthèse d'Apolline.Image: Capture d'écran

La musique s'arrête. Le compte à rebours a commencé, l'univers entier d'Apolline marche vers sa propre destruction. Une trajectoire qui fait écho à celle, bien réelle, de son frère. Quand il ne joue pas à Darknoon, Pablo fabrique des pilules d'ecstasy, qu'il vend sur le territoire d'une puissante bande rivale. Il vient d'ailleurs de se faire tabasser par un autre dealer quand il fait la connaissance de Night, qu'il entraîne dans son business. Une histoire de drogue et d'amour qui ne peut que mal se terminer.

La bande-annonce:

Vidéo: youtube

Au-delà d'une simple opposition virtuel vs réel

Le deuxième long-métrage de Caroline Poggi et Jonathan Vinel oscille constamment entre ces deux dimensions, le jeu vidéo et le thriller narcotique, le monde virtuel et le monde réel. Le premier est lumineux et coloré, le deuxième sombre et livide. Il aurait été facile de présenter des univers antithétiques, opposés, comme c'est souvent le cas. Pourtant, et c'est toute la force du film, ces deux dimensions sont ici profondément entremêlées.

On retrouve en effet les mêmes personnages dans les deux mondes. Apolline, Pablo et Night y jouent des rôles similaires, et représentent finalement la même chose: de précieux liens de solidarité et d'amour noyés dans un univers hostile, où plane sans cesse la menace de la mort, qu'elle soit synthétique ou physique. Des sentiments réels, mais plus forts et aboutis sur Darknoon que dans les interactions quotidiennes entre les protagonistes.

Eat the Night: notre avis
Apolline et Pablo.Image: Tandem Films

A cet égard, pour Apolline, le jeu vidéo n'est pas moins réel que ce qu'on a l'habitude d'appeler «la vraie vie». Une réflexion rafraîchissante et nécessaire, à une époque où le gros de nos interactions passe par un écran, sans qu'elles en soient affectées négativement pour autant. Si l'on y réfléchit, nous habitons tous dans des univers parallèles, du moins par moments, sans besoin de revêtir une armure ou de manier une immense épée. Qu'on le veuille ou non, le monde virtuel est désormais partie intégrante de notre réalité.

Une expérience visuelle envoûtante

Eat the Night a donc le grand mérite de dépasser une dichotomie un peu simpliste et désormais obsolète, mais, au-delà du message, il s'agit avant tout d'un film d'une rare beauté. Tout d'abord au niveau visuel: chaque plan est soigneusement choisi, chaque photogramme précisément composé. Sans parler des somptueuses images de synthèse illustrant l'univers de Darknoon, vraiment impressionnantes.

Eat the Night: notre avis
Les paysages de Darknoon, très réussis.Image: Tandem Films

Impeccable sur le plan de la forme, le film est également une réussite au niveau du contenu, en particulier en ce qui concerne l'écriture et les performances des acteurs. Lila Gueneau (Apolline), Théo Cholbi (Pablo) et Erwan Kepoa Falé (Night) donnent vie à des personnages aux traits bien dessinés, parfois tendres, toujours réalistes, notamment au vu de leurs mauvais choix.

Avec leur deuxième film, Caroline Poggi et Jonathan Vinel nous offrent donc une expérience hypnotique et troublante, dont la morale est foncièrement négative. Face à la violence et à la médiocrité de la vie, il n'y a aucun refuge. Que ce soit derrière son écran ou dans le monde réel, l'issue reste la même. Rarement la noirceur a été aussi fascinante.

Eat the Night de Caroline Poggi et Jonathan Vinel est sorti au cinéma le 28 août 2024. Durée 1h 47min.

Les films les plus attendus pour début 2024
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Pourquoi il faut voir «Anora», le film qui a triomphé aux Oscars
Sacré par la prestigieuse Palme d’or à Cannes et récompensé par cinq Oscars, Anora de Sean Baker revisite le mythe de Cendrillon de manière cynique et contemporaine.

Anora est devenu le quatrième film de l’histoire à remporter à la fois la Palme d’Or et l’Oscar du meilleur film. Le film de Sean Baker rejoint donc un club très fermé, dans lequel on retrouve Le Poison en 1946, Marty en 1955 et Parasite en 2020.

L’article