Si vous suivez la presse people, vous avez probablement entendu parler du conflit opposant l’actrice Blake Lively à l’acteur et réalisateur Justin Baldoni. Ce lundi 3 février, un tribunal de New York a ouvert l’audience concernant la plainte pour diffamation déposée par Justin Baldoni contre l'actrice et son mari, Ryan Reynolds. Il leur réclame 400 millions de dollars de dommages et intérêts.
Cette bataille judiciaire fait suite aux accusations portées par Blake Lively, qui reproche à Baldoni des comportements et commentaires inappropriés, notamment à connotation sexuelle, durant le tournage du film Jamais plus. L’actrice l’accuse, entre autres, d’avoir improvisé plusieurs baisers sans son consentement et d’avoir regardé sa poitrine dénudée dans sa loge, tout en lui demandant de ne pas se retourner. Elle estime également avoir été victime d’une campagne de dénigrement menée par l'acteur et réalisateur du film.
Cette affaire qui fait les choux gras a donc pour centre un film sorti chez nous le 14 août 2024 et disponible désormais en VOD. Ce long-métrage passé inaperçu sous nos latitudes a été un vrai hit, puisqu'il a rapporté 351 millions de dollars pour un budget de 25 millions. Le film a majoritairement attiré un public féminin, car il aborde un sujet dont elles sont essentiellement victimes: les violences conjugales.
Adapté du roman éponyme de l’écrivaine américaine Colleen Hoover, publié en 2016, Jamais plus suit l’histoire de Lily Bloom (Blake Lively), une femme tombée sous le charme d’un neurochirurgien, Ryle Kincaid (Justin Baldoni). Mais derrière leur passion naissante, Ryle dévoile peu à peu une facette plus sombre, devenant de plus en plus violent envers Lily, surtout lorsque celle-ci voit revenir dans sa vie son premier amour de jeunesse.
Difficile de s’enthousiasmer pour Jamais plus. D’abord, parce que Blake Lively n’a jamais vraiment brillé par son jeu d’actrice. Révélée par la série Gossip Girl, elle a enchaîné depuis des dizaines de rôles au cinéma sans jamais marquer les esprits. Les mauvaises langues diront même que son éclat sous les projecteurs tient plus à son statut d’épouse de Ryan Reynolds qu’à son talent… mais nous ne ferons pas partie de ceux-là. Quant à Justin Baldoni, son CV brille autant par la médiocrité de ses rôles que par celles de ses réalisations.
Le repoussoir, c'est que le film est adapté d'un roman tiré du registre New Romance, un style boudé par les critiques et par les médias en général, mais adoré par le grand public. La raison du succès? Un genre littéraire qui mélange amour et scènes sulfureuses, dont le meilleur ambassadeur n'est autre que Cinquante Nuances de Grey.
Et comme pour la saga littéraire d’E. L. James et ses adaptations cinématographiques centrées sur ce «fuckboy» de Christian Grey, Jamais plus tombe dans le même écueil: idéaliser la violence et les relations toxiques, malgré une tentative maladroite de les dénoncer. Même la stratégie marketing du film semble avoir oublié le message. Son affiche girly et florale reprend les codes des comédies romantiques légères, comme si l’on vendait une simple histoire d’amour au lieu d’un drame. Un choix qui aurait pu être audacieux s’il servait à mieux surprendre le spectateur en assumant réellement son propos…. Mais ce n’est jamais vraiment le cas.
Selon son réalisateur, le film ambitionne de sensibiliser aux violences domestiques, mais il tombe lamentablement dans le piège classique du genre avec une esthétique trop glamour et une mise en scène qui peine à réellement dénoncer la toxicité de la relation. Justin Baldoni met en scène son histoire comme un téléfilm romantique de Noël, édulcorant la gravité des actes de son personnage. Pire encore, son comportement toxique est présenté comme de simples maladresses, qu’un peu de repentance suffirait à corriger.
Cependant, tout n'est pas à jeter, puisqu'en montrant finalement très peu de scènes de violences, le film choisit de les suggérer, laissait une sorte de flou. Cette approche permet de se concentrer sur les répercussions émotionnelles et psychologiques qui impactent bourreau et victime. Le film réussit également à montrer une scène de viol conjugal de manière suffisamment subtile pour qu'elle résonne inévitablement en tout un chacun.
Cela reste peu de choses et le manque total de réalisme et de cohérence de Jamais plus agace autant qu’il met mal à l’aise. Le film illustre la naïveté de ses auteurs, qui préfèrent se focaliser sur un triangle amoureux bancal plutôt que sur la véritable gravité du sujet. L’héroïne se retrouve ainsi à hésiter entre son amour actuel et son amour de jeunesse, qu’elle n’a jamais vraiment oublié, reléguant au second plan la toxicité et la violence qu’elle subit.
Néanmoins, on peut espérer que ce dévoilement minime des violences conjugales permet de sensibiliser ses spectateurs sans heurter les personnes qui ont en été victime. Ainsi, si la transformation de Lily de victime à survivante peut servir de leçon de courage à celles et ceux qui désirent quitter une relation toxique, Jamais Plus aura au moins une bonne raison d'exister. Parce qu'il est bon de le rappeler, une femme est tuée par un proche toutes les dix minutes dans le monde.