Il y a 36 ans, le cinéaste Tim Burton se révélait aux yeux du monde avec Beetlejuice, film qui inaugurait le style si particulier de son auteur, avec son esthétique aussi sombre que loufoque inspirée des mouvances gothique et expressionniste. Trois décennies plus tard, le film est toujours un classique d’Halloween.
Sorti en 1988, Beetlejuice était le premier film d'une filmographie sans faute jusqu'à l'aube des années 2000 où le réalisateur s'est perdu en chemin en réalisant des blockbusters kitsch pour Disney (Alice aux Pays des Merveilles, Dumbo) et des films convenus (Miss Peregrine et les enfants particuliers, Big Eyes).
Beetlejuice Beetlejuice rejoint la longue liste des suites tardives, comme l'ont fait encore cette année SOS Fantômes ou encore Twisters. L'occasion pour le metteur en scène de retourner à ses sources desquels il s'était éloigné et de faire revenir son casting original: Michael Keaton en tête, Catherine O'Hara et Winona Ryder, alors adolescente à l'époque.
Souvenez-vous, Beetlejuice racontait l'histoire d'un couple de fantômes, les Maitland, qui voyait leur quotidien chamboulé lorsqu'un couple de riches snobs new-yorkais, et leur fille gothique, emménageaient dans leur ancienne maison. Le couple décidait alors d'invoquer Beetlejuice, un esprit excentrique et lubrique plus proche d'un démon que d'un fantôme, afin de chasser ces indésirables mortels de leur demeure.
Trente-six ans après ces événements, les Maitland ont rejoint l'au-delà et Lydia Deetz (Winona Ryder) vit désormais à New York où elle utilise ses dons de médium dans une émission de télévision à succès. Veuve et mère, elle doit gérer une relation conflictuelle avec sa fille adolescente (Jenna Ortega) qui ne croit pas aux fantômes et la voit comme une imposture. Lorsqu’une tragédie réunit la famille Deetz à nouveau dans la ville de Winter Rivers, il ne faut pas beaucoup de temps pour que le nom de Beetlejuice ne soit prononcé trois fois et que les portes de l’Après-vie s'ouvre à nouveau pour notre plus grand plaisir.
Le premier film proposait un récit relativement simple, autour de l’histoire d’un jeune couple décédé découvrant le monde de l'Après-Vie qui s'apparente à une immense bureaucratie où les morts doivent gérer leur propre situation post-mortem.
Dans cette suite, les intrigues se multiplient: d'un côté le monde des vivants avec l'histoire de Lydia et de sa fille Astride, de l'autre, celui des morts, où Delores, l'ex-femme de Beetlejuice, réapparait pour se venger de son mari. Delorès est incarnée par Monica Belluci, nouvelle muse et compagne de Tim Burton, qui a toujours fait jouer dans ses films les femmes de sa vie. Quelque part entre Morticia de La Famille Addams et Sally de l'Etrange Noël de Monsieur Jack, l'Italienne se révèle dans une formidable scène d'agrafeuse où elle se réassemble elle-même, puisque décédée, coupée en morceaux. Aspirant les âmes des morts, elle laisse derrière elle une trainée de cadavres ratatinés à la recherche de son défunt mari.
On retrouve également un Willem Dafoe brillant en acteur égocentrique dans son ancienne vie, devenu dans l'au-delà un flic qui mène l'enquête. Enfin, Michael Keaton renoue à merveille avec son personnage exubérant et grotesque de Beetljuice, bien que devenu peu moins vicelard avec les années.
Chez les vivants, le film laisse la place à une sororité exemplaire entre le trio de personnages que composent Lydia, sa mère excentrique Delia et sa fille Astrid jouée par Jenna Ortega. La jeune actrice que Tim Burton a révélée en tant que nouvelle icône du fantastique dans sa série Mercredi, suit les mêmes pas que Winona Ryder en son temps. Mention spéciale à Catherine O'Hara, qui joue la belle-mère aujourd'hui grand-mère, semblant n'avoir jamais quitté son personnage de plasticienne cinglée tant elle le rejoue à merveille.
Dommage cependant que toutes ces intrigues soient menées à la fois partout et nulle part, donnant finalement très peu de substances à ce joyeux bazar. Il n'empêche que ce sont de bien maigres reproches tant le film nous amuse dans une succession de moments burlesques et lyriques. Si le premier Beetlejuice disposait de moments musicaux à base de calypso des années 1950, la version 2024 revient, elle aussi, quatre décennies dans le passé avec des ballades ringardes bien 80's, et c'est un régal.
Beetlejuice Beetlejuice a été pensée comme en 1988, avec un festival de décors en dur, de maquettes et de scènes en stop-motion, à l'image du ver des sables que l'on voyait dans le premier volet. Les défunts, que l'on découvre dans les mêmes états qu'à leur mort, forment un véritable festival de maquillage et de prothèses en latex qui renvoie à une célébration d'Halloween. A l'ère du numérique désincarné, cette esthétique faite de bric et de broc nous avait manqué et revoir Tim Burton se la réapproprier est un vrai plaisir.
Beetlejuice, premier du nom, était un bon film qui tenait uniquement par son esthétique «burtonien» et sa suite fait exactement la même chose: un film bardé de défauts, mais dont l'aspect comédie et l'univers singulier le rendent immédiatement sympathique. Une signature que l'on n'avait pas revue depuis longtemps et qui a des allures de résurrection pour Tim Burton.
En ces temps de recyclage à tout-va pour Hollywood, on ne peut qu'être soulagé de voir que ce classique multigénérationnel n’a pas été profané. On espère que ce retour en grâce pour l'auteur lui donnera envie de retourner au cinéma qui l'a fait éclore, avec son univers si particulier où le macabre côtoie la poésie. En attendant, si Tim vous a manqué, on ne peut que vous suggérer d'aller voir cette suite mortelle.
Beetlejuice Beetlejuice est sorti sur les écrans romands le 11 septembre 2024. Durée: 104 minutes