Je campe régulièrement. Mon mari m'a initié à cet art il y a quelques années et c'est désormais une passion commune. Pour dire, il y a un peu plus d'un an, à trois semaines de mon accouchement, je dormais sous une tente à Nendaz. Pas le camping le plus confortable de ma vie, mais, comparé à ce que j'ai vécu samedi dernier, c'était comme dormir au Six Senses.
Je vis avec mon mari, ma fille et mon chien à Dubaï depuis un peu moins d'un an et, malgré ce qu'on pourrait croire, la ville ne se résume pas à des côtes de bœuf en or et du chocolat instagrammable.
Le camping fait partie de la culture, car les Emiratis sont à l'origine un peuple de Bédouins qui aiment chiller dans le désert. Il y a donc beaucoup de magasins spécialisés. C'est d'ailleurs plus facile de partir à l'aventure à Dubaï qu'en Suisse, car, même si les Emirats arabes unis sont un petit pays (83 600 km2, le double de la Suisse), le territoire est principalement désertique. On peut facilement planter sa tente au milieu de nulle part. Enfin... sauf la nôtre. On l'a fait installer sur le toit de notre jeep. Le matelas intégré a de quoi concurrencer ceux des Sofitel.
Quand on est arrivé à notre point de chute, un endroit rocailleux, le calvaire a commencé. L'endroit avait beau être magnifique et sauvage, le sol était bourré de pierres, autrement dit, un Ninja Warrior insurmontable pour un enfant qui marche comme un adulte bourré. Ma fille trébuchait sur chaque caillou, ce qui l'énervait passablement, mais pas autant que moi, à la fois au four (la construction du foyer pour le feu) et au moulin (garder ma progéniture en vie).
Et si les cailloux n'étaient que le problème. Nous étions également dans un biotope recouvert de petites boules épineuses, qui, si vous aviez le malheur de mettre la main dessus, s'enfonçaient dans votre peau. Pour mon enfant qui a souvent les mains ou les fesses par terre à son âge, c'était pénible. Même le chien, un molosse de 40 kilos, n'osait pas se coucher.
Pendant que mon mari peinait à installer une tente annexe qui faisait office d'entrée et de niche pour le chien, ma fille et moi, nous installions la cuisine. Mais quand ton enfant veut explorer les environs en tentant de se jeter dans un buisson rempli d'épines ou de soulever des cailloux en dessous desquels il y a peut-être des scorpions, organiser une table et attacher une poubelle devient un vrai défi.
Après plus d'une heure de mise en place, le set-up était enfin prêt. On se réjouissait de pouvoir s'asseoir, boire l'apéro et faire cuire au barbecue notre côte de bœuf (sans or dessus). Mais se relaxer? Chiller? Pas question avec une enfant. Il fallait marcher, courir, s'arrêter, marcher à nouveau, ramasser des objets suspects par terre et de préférence en plastique, comme de vieux déchets. Au bout d'un moment, j'ai fini par mettre ma fille dans sa poussette.
Après lui avoir donné deux, trois chips, elle a abdiqué.
Le soleil se couche tôt à Dubaï. Aux alentours de 17h30. On a avancé sa routine du soir et elle s'est endormie comme un tronc dans sa poussette. On savait que c'était la partie facile. La partie difficile allait être de la transférer dans la tente au moment où on irait se coucher. On a profité de ce moment de calme autour du feu.
On ne voit pas beaucoup d'étoiles à cause de la lumière de la ville, mais la simplicité du moment, le silence (si rare quand on vit en ville), et les rocheuses illuminées par la pleine lune donnaient, ce soir-là, tout son sens à ces efforts que nous avions mis quelques heures plus tôt.
Vers 20 heures, on a décidé de faire un mouv'. On a bordé le toutou dans l'annexe, je suis montée dans la tente, mon mari m'a passé la petite comme s'il s'agissait d'un colis piégé et, malgré notre tentative pour être le plus discret possible, notre fille s'est réveillée. On a fait les morts pendant une heure sans succès. Comment expliquer à une enfant de cet âge qu'il faut dormir alors qu'elle n'a jamais dormi avec ses parents? La petite courait littéralement dans la tente, se jetait sur nous, nous montait dessus. Vous vous souvenez de la breakdanceuse australienne aux JO de Paris? Tout pareil.
Ma fille poussait aussi des cris aigus à la fois d'excitation et de fatigue. Parce que, malgré tout, l'horloge tournait. Tout à coup, il était 22 heures. Soudain, sur un malentendu, elle s'est couchée sur le ventre et a commencé à se calmer. On a eu une lueur d'espoir. C'était compter sans notre idiot de chien. Exactement à ce moment-là (true story), on l'a entendu filer et chouiner au loin. On a dû se lever pour aller à sa recherche, ce qui a évidemment réveillé la petite. Le chien avait vu un chat et l'avait poursuivi dans la caillasse et le noir. Résultat: il est revenu en boitant, le coussinet en sang.
On a tenté de se recoucher une petite heure. Cette fois-ci, dans la tente, on est passé aux acrobaties du Cirque du Soleil. Après s'être pris un énième coup de jambe, on a décidé de rentrer à Dubaï. On savait que, si ça continuait, on ne dormirait pas de la nuit. J'ai mis ma fille dans le siège-auto pendant qu'on rangeait et madame s'est endormie en moins d'une minute. 11h20, on avait bâché. Sur le chemin du retour, on a vu des dizaines de locaux chiller dans leurs chaises de camping. En effet, le week-end, c'est très fréquent de voir des Emiratis passer leur soirée dans le désert, à quelques mètres seulement de l'autoroute.
On est arrivé chez nous à 1h30 du matin. On a transféré la petite de la voiture à son berceau, ce qui était vraiment du gâteau et on s'est effondré dans notre lit. Malgré ce qu'on pourrait croire, on n'a pas regretté cette aventure. On savait que ce serait difficile, mais on voulait en avoir le cœur net. On sait désormais qu'on ne retournera pas camper avec notre enfant avant ses 3 ou 4 ans.
Le plus heureux dans cette histoire, c'était le chien. Il a troqué son annexe inconfortable pour son coussin moelleux de la maison. Une semaine plus tard, sa patte allait mieux, il était à nouveau pénible, preuve de sa bonne santé.