Kim était un K désespéré
En commençant à parcourir les dizaines de centaines de milliers de photographies de Kim Kardashian prises au cours de ces deux dernières décennies, un mot nous vient d'emblée.
«Oh, shit.»
Se plonger dans ces archives, c'est se rappeler avec émotion cette époque où l'une des femmes aujourd'hui les plus riches et influentes de la planète n'était qu'une petite brune (presque) anonyme trottinant gaiement derrière Paris Hilton en trimballant les mêmes sacs à main Vuitton brillants et le titre plutôt vague d'«assistante» de l'héritière.
C'est aussi revivre avec émotion l'époque des tongs, du brillant à lèvre dégoulinant et des survêtements en éponge Juicy Couture, un téléphone portable à paillettes dans une main et un sac de shopping dans l'autre.
Entre 2000 et 2007, c'est ça, le style de Kim Kardashian. Sans oublier les brushings trop volumineux, les décolletés trop plongeants, les mini-jupes trop courtes, les chemisiers trop moulants, les imprimés trop criards. Kim en fait trop et le sait.
Avec le show familial, L'incroyable famille Kardashian, sa notoriété grandit, son dressing, ses seins et ses fessiers aussi. Tout comme sa propension à abuser des froufrous et des fioritures bling-bling et scintillantes. Et ça ne s'arrange pas en commençant à fréquenter la star du basket-ball Kris Humphries, dès 2010.
Kim Kardashian devient alors la WAG («Wives And Girlfriends») incarnée. Les fringues fluo côtoient les bijoux en diamants pavés, le maquillage charbonneux et les robes de princesse Disney qui caractérisent les «copines et femmes» de sportifs. Si leur mariage ne durera que 72 jours, son amour pour le kitsch, lui, subsistera beaucoup plus longtemps.
Il faudra attendre 2012 et un certain Kanye West pour faire le ménage. L'épisode où le rappeur mordu de mode aux penchants dictatoriaux et à la façon de faire très personnelle a jeté à la benne plus de 200 paires d'escarpins criards appartient désormais à la légende.
Et si Kim Kardashian a admis avoir pleuré après le passage au bulldozer kanyewestien dans sa garde-robe, elle n'en tire pas que de l'amertume.
C'est surtout le rite de passage nécessaire pour pénétrer dans le monde cloisonné des créateurs et des Fashion Week. Et dans l'ère de la muse. Kim découvre Balmain, Lanvin, Balenciaga, Givenchy ou encore Mugler. On la présente à des créateurs qui refusaient jusqu'alors de prononcer jusqu'à son prénom.
Kim se tait et apprend. «Je les laissais m'habiller comme une poupée, je m'en fichais», confie-t-elle plus tard à Vogue.
Si la starlette de la télé commence tout juste à être prise au sérieux, ce n'est pas une raison pour se prendre la tête. C'est ça qui fait son charme. Lorsque la vedette de téléréalité est récompensée par un CFDA Fashion Award, en 2018, elle ne cache pas son scepticisme, arguant avec sarcasme que, de toute façon, elle est «nue la plupart du temps».
Sa crédibilité, son style, la vedette des Kardashian l'a travaillé au corps. Lentement, patiemment, avec la même minutie que ses courbes surnaturelles. En 2019, sa carrière prend un tournant décisif en suivant les traces de son défunt père en étudiant le droit pour réussir l'examen du barreau. L'année marque également le lancement de sa marque de sous-vêtements, SKIMS, qui la rendra milliardaire.
2021 constitue une autre étape clé dans le chemin de Kim Kardashian vers le statut de figure de mode indépendante: celle de son divorce avec Kanye West. Après une décennie à pouvoir compter sur l'œil incisif et les conseils avisés de son mari, la jeune divorcée doit trouver son propre style.
Ce ne sera pas toujours facile. «J'ai des crises de panique, je me demande: Qu'est-ce que je dois porter?», confiait-elle ainsi avec franchise à sa sœur Kourtney dans un épisode de L'Incroyable famille Kardashian.
N'en déplaise à Kanye West, qui n'a jamais hésité à manifester son mépris pour certains choix vestimentaires de son ex-femme et même proposé de «tout quitter» pour redevenir son styliste, Kim Kardashian s'est trouvée.
D'autres personnalités l'ont aidée - à commencer par le créateur Demna, qui vient de faire ses débuts chez Gucci, après des années chez Balenciaga. «Je pense que les choses ont vraiment changé avec Demna», glissait récemment Kim dans Vogue France. «Il se fiche de ce que les autres pensent, alors j'ai appris à faire pareil.»
«Avant, je devais constamment consulter quelqu'un pour prendre une décision. Vous réalisez? C'est fou d'avoir constamment besoin de l'avis des autres. Aujourd'hui, je sais exactement ce que je veux. C'est grisant», se réjouit-elle encore dans les pages du magazine.
Trois ou quatre années, en effet, durant lesquelles Kim Kardashian ne nous a pas épargnés en matière de grands moments de mode.
Qu'elle se transforme en Barbie futuriste, en déesse grecque, en créature de tissu sans visage ou encore en vampire gothique: celle qu'on peut désormais qualifier d'icône sans rougir expérimente avec plus de flair que jamais, forte d'une expérience bâtie au cours de ces dix dernières années. Autant de tenues qui ne manquent jamais de susciter un tsunami de commentaires. Encenseurs, fascinés, outrés, choqués, mitigés, exaspérés.
Après tout, qu'importe. Ces réactions sont la preuve qu'en 20 ans de tapis rouges et d'apparitions publiques, si elle a changé mille fois de styles et de direction, Kim Kardashian n'a pas perdu quelque chose: son talent pour nous étonner. Lui, indémodable.
