On ne va pas se mentir, quitte à devoir s’entasser dans un train bondé en direction du Jazz, autant que ce soit pour une soirée VIP. Ma «gauche» est un peu mal à l’aise, mais elle devient beaucoup plus «caviar» après la troisième coupe de champagne. Et c'est pour la bonne cause: ma pote veut se trouver un mari riche. Non, elle ne rigole pas.
Allez, départ.
Après un trajet en 2e classe (ressenti: 28e classe) entre un chien et un type en costume qui sue de la lèvre supérieure, on arrive, prêtes à faire tchin-tchin avec des gens qui veulent privatiser l’Etat.
Sauf que...
Un fond gris dégueu et un type dégoulinant avec un appareil photo nous accueillent. Mais tenir un Sony un peu cher ne fait pas de vous un photographe; en l’occurrence, on dirait plutôt le genre qui t’écrit sur Instagram pour te proposer un shooting gratuit en échange de ton âme (entre autres). Ma pote hausse un sourcil. Percer, épouser DiCaprio et passer des heures à mater le plafond des suites, ce ne sera pas pour cette fois.
Bon, champagne. A la 26e minute, on demande une deuxième coupe. Notons qu’au moins, elle fait son œuvre; on est un poil moins crispées. Enfin...
«Se saper»? Tout le monde ne s’est pas passé le mot. Ma pote et moi sommes mi-figue, mi-raisin fermenté. Sommes-nous devenues snobs sans nous en rendre compte ou avons-nous vraiment atterri dans une soirée de beaufs? Un type avec un pantacourt slim jeans et une chemise satinée vient m’expliquer avec son haleine de pompe à essence qu’il me connaît.
Non, absolument pas. Je préfère me faire hara-kiri que de fumer la chicha dans ce quartier atroce. «Euh non, ça ne devait pas être moi, désolée…»
Bordel. Vite, une troisième coupe. Bon, alors une quatrième, puisqu’un type ivre d’une septantaine d’années, chemise ouverte jusqu’au nombril et cheveux teints en noir (du genre patron de boîte de nuit dans une zone industrielle) a renversé mon verre. «Pas grave, c’est gratuit, haha!», balance-t-il. Haha, oui! Meurs.
«Viens, on va se choper un truc à grignoter», suggère ma pote. Un serveur avec un plateau passe, elle l’interpelle. Des feuilletés. Je les reconnais, ce sont les petits fours surgelés de la Migros. Pour la fête des voisins, ça fait le taff (à moins de vivre sous-gare au milieu des intolérants au gluten). Mais ici…?
On se pose avec des feuilletés et nos coupes vides. «Jugeons les fringues des gens et après on ira danser», propose ma pote. Vendu. Mais par où commencer? On s’attaque à ce gars qui semble s'être échappé d’un film avec Franck Dubosc. Un polo orange, col relevé, logo gigantesque sur la poitrine.
Bon, bitcher, ça nous a détendues. Ça et le champagne «gratuit», comme le dit si bien Chemise Ouverte Et Cheveux Teints.
Le soleil descend, le DJ monte le son. Des daubes des années 2000, on pourrait croire que c’est ma playlist. Alors qu’on se tâte pour aller se dandiner un coup, une femme, une sorte de Catherine «mais tu peux m’appeler Cathoche» passe en courant devant nous. C’est SA chanson.
Je crois qu’on peut lire «au secours» sur mon front plissé par mon sourcil gauche trop haussé. «On va faire un tour sur les quais?» Quelle merveilleuse idée.
Bon, les surgelés, c’est pas ça qui nous a calées. «Un curry vert, ça te chauffe?»
Ça me chauffe. Au milieu de cette mascarade, le traditionnel curry vert fait office de boussole dans la nuit.
Je lui fais remarquer qu’elle est une grande fille, et qu’elle n’a pas besoin d’un vieux type chelou pour aller claquer 50 balles à la roulette dans une robe trop courte au milieu des Lamborghini orange.
«OK, alors on y va bientôt? On prend un EasyJet pour Nice, un bus jusqu’à Monac’ et on va errer dans le port jusqu’à ce qu’on nous invite sur un yacht.»
Elle est chiante. Mais drôle.
Cette «grosse night» n’était finalement pas du tout la soirée VIP qu’on nous a promise. Mais si on ne donne pas Monaco à ma pote, ma pote va chercher Monaco. Et m'embarque dans ses délires. La vie qu’on mérite.
Allez, pour le moment, il est l’heure de rentrer à Lausanne.