Cardi B est dans l'excès
Grâce à son deuxième album studio intitulé Am I the Drama?, Cardi B signe un retour attendu et percutant. Sept ans après Invasion of Privacy, elle revient avec une ambition démesurée: vingt-trois morceaux qui couvrent un large spectre musical.
Cette générosité témoigne de son désir de prouver qu’elle reste incontournable, mais elle révèle aussi un paradoxe: à force de vouloir tout montrer, l’album perd parfois en cohérence et dilue la puissance de ses meilleurs moments.
Dans tous les morceaux, on y retrouve très vite sa verve: des titres comme Dead ou Imaginary Playerz sont des coups de poing. Cardi y règle ses comptes, riposte aux critiques et affirme une confiance presque théâtrale. Elle ne rappe pas seulement, elle performe, au sens où chaque mot est pensé pour provoquer, déranger, marquer.
C’est là que son charisme reste indiscutable: peu d’artistes possèdent ce mélange de rage contrôlée et de flamboyance.
Musicalement, l’album s’aventure dans de nombreux registres: hip-hop pur, pop accrocheuse, influences latines, ballades introspectives. Cette diversité est sans doute son plus grand atout. Cardi refuse de se laisser enfermer dans une case et ose embrasser le kaléidoscope de sa personnalité. Les collaborations (Kehlani, Selena Gomez, Lizzo, Janet Jackson…) renforcent cette impression de richesse et d’ouverture, offrant des respirations bienvenues au milieu de son intensité brute.
Cette abondance se transforme cependant parfois en surcharge. On pourrait presque se sentir submergé par la profusion d’idées, et la tension dramatique qui captive dans les premiers morceaux s’essouffle par moments. En effet, vingt-trois titres et près de septante minutes en tout, ça donne une impression de trop-plein. Certains morceaux paraissent superflus, comme si l’album cherchait à tout montrer plutôt qu’à être concentré.
Ce qui sauve l’album, c’est la sincérité des moments les plus vulnérables: quand Cardi baisse la garde, parle de ses blessures, ou interroge le rôle qu’on lui assigne. Dans «Man of Your World», Cardi B évoque une relation tumultueuse, marquée par des secondes chances offertes à un homme qui ne les méritait pas. Un récit qui rappelle inévitablement son histoire avec Offset. Là, elle devient plus qu’une star: une narratrice capable de transformer son chaos en récit universel.
Am I the Drama? est un album fort, mais qui aurait gagné à être resserré. Cardi B brille par sa présence et son audace, mais l’excès de matière nuit à la clarté du propos. Si elle avait privilégié la densité à la profusion, elle aurait sans doute signé un retour encore plus puissant.