Ce que le règne végétal a produit de pire, vraiment? A la lecture de ces mots, vous peinez peut-être à imaginer de quoi il peut bien retourner.
Il arrive certes que l'on éprouve un certain déplaisir à la vue de certains végétaux, comme le chrysanthème, associé aux enterrements, mais on reste pourtant bien loin de tout sentiment de dégoût, de stupéfaction ou de pitié. Pourtant, il existe bel et bien des essences capables de rebuter jusqu'au plus affable des amateurs de botanique. Suivez le guide.
Non, ce n'est pas un parapluie vandalisé ou frappé par la foudre, il s'agit bien d'un arbre dans sa forme juvénile. Le Pseudopanax ferox, avec son aspect plus qu'original, nous vient tout droit de Nouvelle-Zélande et y peuple les prairies à basse altitude.
S'il faut bien reconnaître quelque chose à ce spécimen, c'est qu'en dehors de son aspect global, il dispose des feuilles les plus étranges et belles qui soient. Lancéolées à l'extrême, elles sont pourvues d'une nervure jaune centrale et proéminente qui sépare deux minces lobes noirs, rigides et ciselés comme une scie à double tranchant.
Leur implantation, vers le bas, empêche les rongeurs de grimper sur l'arbre et de provoquer des dégâts sur les jeunes pousses. C'est pas beau, mais au moins il y a une stratégie de défense!
Vous vous réjouissez de l'été et de la vue agréable du papier mouche saturé de carcasses qui ondule gracieusement au vent dans votre cuisine? Alors l'Orphys est fait pour vous: avec sa floraison printanière, il donnera précocement à vos espaces verts ce petit côté «insecte crevé» qui vous manque tant.
Le labelle, divisé en trois gracieux segments blêmes, se pare d'une formidable couleur violacée aux bords bruns tirant sur le noir, rappelant un resplendissant paon. Ou peut-être un taon écrasé, c'est au choix. Et que dire de ces mornes sépales qui couronnent le tout, hormis qu'ils donnent à la fleur son charme morose achevé?
Entourée de légendes en Europe, la Mandragore s'est tantôt vue octroyer les faveurs des corps médicaux à travers les époques, tantôt les foudres des mouvements religieux monothéiques par association à des formes variées de sorcellerie et de magie.
La forme de sa racine, rappelant un corps humain distordu, n'est pas étrangère aux rumeurs qui accompagnent chaque mention de la plante dans la littérature. Réputée pour pousser là où gisent les cadavres (et être fécondée par ces derniers) et sous les gibets de potence pendant le moyen-âge, on lui prête aussi une influence malveillante, de par ses propriétés psychotropes remarquables.
Ses principes actifs ont en effet la capacité de traverser la peau, et les herboristes (ou sorcières) de l'époque s'en enduisaient les aisselles et l'aine au moyen d'onguents pour entrer en transe.
La Mandragore était également un composant central pour les premiers électuaires anesthésiques (d'anciennes préparations pharmaceutiques) pour faciliter notamment les accouchements, en association avec la Jusquiame noire.
Pour sa défense, le Lithops a certainement une niche chez les neurochirurgiens et autres amateurs d'IRM. On peut tout aussi bien laisser de côté l'esthétique «cérébrale» de cette plante-caillou grasse pour se concentrer sur le style «dent gâtée» et sanguinolente qu'elle offre.
Ferox, rex, grandis, tuberhybrida: je ne veux rien entendre, toute la clique des bégonias mériterait la plus haute marche du podium s'il s'agissait d'un classement des trucs les plus moches qui existent dans le monde, invertébrés et pantoufles crocs compris. Quand le règne animal a sorti le moustique tigre, le végétal a répliqué avec ces horreurs pour ne pas perdre la face.
Vous me trouvez dur? C'est très probablement parce que vous n'avez pas eu à apprendre leurs fiches de culture floricoles par cœur durant vos études. Et puis, en plus, ils sont fragiles et meurent si on soupire trop fort de consternation en se tenant à côté.
Si H. P. Lovecraft s'était intéressée à la botanique et à l'hybridation des espèces plutôt qu'à la littérature fantastique, le résultat aurait probablement ressemblé à ça. Car la Fleur chauve-souris offre une vue calamiteuse qui n'a rien à envier au panthéon horrifique du célèbre l'auteur.
Allons-nous vraiment nous lancer dans un descriptif de ce que l'on a sous les yeux? Non. Parfois, il vaut mieux se claquer les cuisses des mains, adopter la moue qu'aurait eue Karl Lagerfeld devant un enthousiaste du combo claquettes-chaussettes et tourner les talons.
Quiconque a déjà eu à déboucher le siphon de sa baignoire a, empiriquement, plus ou moins déjà rencontré l'un de ces fatras incongrus que l'on aurait bien de la peine à qualifier de plante.
Allez savoir pourquoi, mais la présentation des Welwitschias mirabilis (sans doute mal orthographié par des botanistes ahuris de ce qu'ils avaient sous les yeux, passant de «miserabilis» à «mirabilis»), n'évoque pas la «bonne santé». Peut-être est-ce parce qu'ils sont perpétuellement en train de claquer, effondrés sur eux-mêmes, à ramper par terre comme des damnés. Allez savoir!
C'est pourtant joli, la Clématite. Oui, au printemps et en été peut-être. Mais à peine arrive le froid que cette aimable petite liane fleurie se transforme en amas cotonneux blanc sale strié de part en part de brindilles anarchiques noires et saturé de déchets secs, de poussière et de tout ce qui traîne dans le périmètre.
N'allons pas fâcher le fan-club de la Clématite (que l'on salue bien) et notons que c'est principalement par association que cette espèce fait piètre impression. Car c'est souvent dans des lieux à très faible attrait et mal entretenus que l'on peut l'apercevoir: terrains vagues, barrières de chantiers, zones urbaines à l'abandon, bâtiments insalubres, zones industrielles, friches, etc.
Inutile de les arroser 18 fois par jour, elles n'auront pas meilleure mine. L'avantage, c'est que si vous faites mourir votre -ô combien précieuse- Cryptanthus acaulis, vous ne verrez sans doute pas la différence.
On tient probablement ici la meilleure option pour les infortunés du jardinage qui tuent tout ce qu'ils touchent. Peut-être même qu'ils les vendent aussi en plastique, juste pour être sûrs.
C'est l'histoire tragique d'une plante qui s'est fait rafler sa place de casting au cinéma durant la grande ère du Western par l'iconique tumbleweed (Salsola tragus). Depuis, le Carex buchananii ne s'en est jamais remis, et on le trouve avachi dans certaines platebandes, l'œil luisant et la figure prostrée, à maugréer tout en séchant au soleil.
Parallèle surréaliste et hyperbolique mis à part, le Carex, en association avec d'autres essences de graminées, comme le Panicum, le Cymbopogon ou la Fétuque, donne un joli petit effet brut et moderne en massifs, avec sa touche orangée de foin rêche.
Les pommiers sont loin d'être déplaisants au regard, et les pommes non plus. Pour ce dernier bonus, on s'intéresse cette fois à une variété spécifique.
La 'Knobbed Russet' est un fruit oublié rustique ressemblant plus à un tubercule comme la pomme de terre qu'à un fruit à pépins. C'est bien simple, on jurerait qu'elles sont passées dans un broyeur avant d'être jetées à flan de falaise sur des bris de verre. Ou que quelqu'un de très inspiré leur a bouté le feu avant d'essayer de les éteindre à coups de pelle. Outre leur aspect, il semblerait en revanche qu'elles soient douces et crémeuses en bouche.
Cet article a été rédigé avec la bonne foi sans failles d'un horticulteur complet qualifié.