Cette pépite inattendue sur Netflix est un «délice visuel»
Train Dreams porte admirablement son nom. Un wagon d'évasion piloté par Robert Grainier, un bûcheron incarné par Joel Edgerton, qui compose un rôle puissant et dénué de mots. Un homme sans date de naissance, orphelin de l'Idaho et taiseux. Chaque mot est mesuré. Le regard est parfois vidé de sa substance.
La vie de Robert change lorsqu'il croise le chemin de Gladys (Felicity Jones), sa femme, la mère de son enfant. La petite famille mène une vie douce en marge des grandes villes. Le bonhomme se greffe à cette main-d'œuvre itinérante exploitée du début du XXe siècle, qui défrichait les forêts, construisait des ponts et préparait le terrain pour le chemin de fer américain alors que l'Europe souffrait de la Grande Guerre.
Ce film, d'une durée d'1h32, porté par le réalisateur Clint Bentley, est adapté du roman de Denis Johnson (2011). C'est avant tout un délice visuel, avant d'être une histoire. Car le voyage est avant tout intérieur, profond, crépusculaire dans sa prose. Robert, frappé par la rudesse du monde et le malheur collant à ses bottes, se laissait aspirer par le vide après un événement inattendu.
Train Dreams s'adresse au temps, au passé, aux âmes qui traversent les années; un ballet de vagabonds silencieux qui préfèrent taire leur pédigrée et abattre des arbres pour gagner un peu d'argent et (sur)vivre dans ce monde.
Robert adopte le terme «ermite des bois», une vie d'errance, de solitude, qui évolue au milieu d'autres êtres solitaires, tel que William H. Macy, qui incarne Arn, le vieux besogneux bavard et pote de circonstance.
La musique de Bryce Dessner, du groupe The National, accompagne ces chapitres existentiels, ces bribes de mémoire qui s'entrechoquent; de la première étreinte au premier sentiment amoureux, en passant par un sourire sincère qui nous est adressé à la douce lueur annonciatrice de l'aube. Train Dreams est cette ode fragile constituée d'images du passé aussi fugaces que nos existences sur Terre. Ces mêmes souvenirs qui constituent les filets du langage universel où se tissent les si fines et résistantes mailles de l'âme humaine. Ils sont la seule et même trame sur laquelle pourront s'inscrire les plus hauts faits, comme les plus humbles, la joie et la douleur, la vie et la mort.
Clint Bentley offre une partition d'une délicieuse simplicité; Joel Edgerton est sublime, magnifique lorsqu'il saisit la fugacité de notre existence par un regard inquiet, la bouche nouée. Le voyage se clôt sur une séquence finale d'une beauté désarmante, qui nous arrache des larmes et brosse un constat: c'est beau de se sentir vivant, rien qu'un instant.
«Train Dreams» est disponible depuis le 21 novembre sur Netflix.
