Ce film Netflix triomphe là où les autres se plantent
Le cinéaste Rian Johnson y tient depuis le premier volet et ça fonctionne à merveille: brandir un miroir discret au nez de la société américaine, à l’époque, aux tendances politiques qui s’écoulent en marge de l’écriture du scénario. Cette fois, et sans grande surprise, c’est Donald Trump qui infecte la troisième intrigue de cette saga du genre whodunit, sous les traits de l’effrayant et très controversé Monseigneur Wicks.
Disponible depuis ce week-end sur Netflix, Wake Up Dead Man: A couteaux tirés conserve les ingrédients qui ont fait la qualité (et le succès) des deux premières aventures, mais accueille cette fois une gravité qui plonge le public et Benoît Blanc dans une angoisse métaphysique. Ce détective privé charismatique et un peu baroque, toujours incarné par le génial Daniel Craig, enquête dans une église paumée au milieu de rien, là où la petite congrégation souffre d’une étrange crise de foi.
Bien sûr, un meurtre aura lieu.
Mais il se fait attendre.
La bande-annonce:
C’est d’ailleurs le premier défi que relève ce film, avec une aisance crâneuse: ne faire débouler sa superstar qu’au bout d’une bonne heure, sans faire bâiller personne, après avoir lentement posé le décor. Risqué, mais idéal pour se familiariser avec la psychologie sinueuse des protagonistes, dévots et tordus jusqu’à la moelle.
On y fait notamment la connaissance d’un médecin au bout du scotch (Jeremy Renner), d’une violoncelliste condamnée à souffrir (Cailee Spaeny), d’un auteur à succès prêt à tout (Andrew Scott), d’une avocate pas très nette (Kerry Washington) et de la grenouille de bénitier la plus tenace et crainte de la bande: Martha Delacroix, un rôle empoigné par l’inégalable Glenn Close.
Tous attendent leur part d’un miracle qui, d’une certaine manière, arrivera.
Comme à chaque fois, l’humour est saillant, l’intrigue rigoureuse, les dialogues pressés et l’esthétique ingénieuse. Pour nous guider dans cette longue comédie noire (140 minutes), Rian Johnson nous dépêche Jud Duplenticy, un jeune révérend autrefois bagarreur et désormais pétri de remords, qui accepte de rejoindre cette congrégation isolée au péril de ses nerfs. Objectif de la mission – qui n’est rien d’autre qu’une punition déguisée: tenter de gérer l’affreux Monseigneur Wicks (Josh Brolin).
Dans la fureur, la terreur et la rancœur, l’homme d’Eglise arme ses prêches comme des AK-47, dans un despotisme tragi-comique qui rappelle le comportement d’un certain président américain bling-bling. Alors que les Etats-Unis connaissent un retour en force du conservatisme religieux, les manières de Wicks sont au moins aussi limpides et passionnantes que l’aveuglement de sa base. Un effluve trumpien qui ne perturbe en rien ce récit «agathachristique», dont on a toutes les peines du monde à résoudre l’enquête avant Benoît Blanc.
C’est le deuxième défi relevé par Wake Up Dead Man. Sans jamais abandonner son caractère désopilant, ce troisième volet ne relâche jamais la tension, mais se permet de verser dans une noirceur nouvelle et assumée. Une chose est sûre, Daniel Graig continue de s’éclater sous l’imper impec de ce détective agaçant de talent, surtout lorsqu’il peut pousser la commissaire Scott (surprenante Mila Kunis) à bout.
Le troisième et dernier défi de ce film? Faire (encore) mieux que les deux précédents, qui tutoyaient déjà le haut du tableau. Une consécration pour le cinéaste, qui pourrait aller plus loin que l’exercice de la trilogie, commandée par Netlix et démarrée en 2019: «J'ai quelques idées de base, élémentaires et conceptuelles pour une possible suite», expliquait-il dimanche, à Entertainment Weekly.
Après Knives Out (Radiohead), Glass Onion (The Beatles) et Wake Up Dead Man (U2), et pour patienter, on peut déjà tenter de deviner la chanson rock que Rian Johnson va s’approprier pour baptiser ce potentiel quatrième volet.
Des idées?
