Pourquoi les films sont plus longs mais pas forcément meilleurs
Alors que les chansons sont de plus en plus courtes, que les reels ont envahi les réseaux sociaux, que TikTok réduit notre capacité d'attention. En bref, alors que le format court est devenu la norme de notre quotidien agité, le cinéma fait le contraire.
Les films qui dépassent les 2 heures sont devenus la norme, ceux qui frôlent la barre des 3 heures sont de plus en plus courants.
Le septième (et probablement dernier) volet de la série Mission Impossible, sorti au printemps, dure 170 minutes. Soit une heure de plus que le premier film de 1996. Le récent remake de Frankenstein dure 150 minutes. Les 71 minutes de la version de 1931 paraissent dérisoires à côté.
Le dernier Mission Impossible 👇🏼
On pourrait continuer la liste longtemps, et les chiffres confirment cette impression. Il y a deux ans, le journal britannique The Economist a étudié plus de 100 000 films. Conclusion, la durée moyenne des films a augmenté d’un petit tiers entre 1930 et 2022, passant de 81 à 107 minutes.
Et le phénomène est visible même dans un laps de temps plus court. En 1995, les dix films les plus populaires au monde duraient en moyenne 110 minutes. En 2025, cette moyenne est désormais de 133 minutes.
Le foot comme exemple
Ce n'est pas une mauvaise chose en soi. On pourrait se dire que le cinéma a l'ambition de défendre le format long, qu'il tient bon face à la mode du contenu fragmenté.
Le cinéma serait désormais une sorte fitness de la concentration, où le public pourrait réentraîner les muscles de son attention atrophiée. (Un peu comme - idéalement - à l’opéra ou au théâtre.)
Mais plus long ne veut pas dire meilleur. Bien au contraire. Beaucoup de ces films interminables s’étendent avec délectation dans des intrigues secondaires, se complaisent dans des images sophistiquées ou des scènes d’action à rallonge, sans que cela n’apporte grand-chose à part quelques minutes de plus au film.
La plupart du temps, une heure et demie suffit amplement, comme c'est le cas du football. Quand un match part en prolongation, on ne tarde pas à avoir des crampes.
Juste pour frimer?
Alors, qui est responsable? Des réalisateurs qui veulent frimer? Peut-être. Mais ce serait se leurrer que penser que notre propre façon de consommer n'y est pas pour quelque chose. Le grand fautif est notre abonnement Netflix.
Au début de l’année, Netflix a pour la première fois dépassé les 300 millions d’utilisateurs dans le monde. De moins en moins de gens vont au cinéma. Car ceux qui ont un abonnement pour un service de streaming peuvent voir depuis leur canapé, avec un léger délai seulement, une grande partie de ce qui sort au cinéma.
Et ça, Hollywood le sait. C'est là d’où provient la majorité des films de trois heures. En Suisse, les productions se tiennent généralement prudemment autour de la barre des 100 minutes, probablement pour une question de budget.
Des films de notre époque
Mais en tant que réalisateur, si dès la première ébauche du scénario, on sait que le film sera diffusé en streaming et qu'on n'a pas de limite de budget, on a peu d'intérêt à rester court et concis.
Parce que sur Netflix, il y a un bouton pause. Et surtout, les films y sont en concurrence avec les séries, qui, par nature, étirent les récits. Et beaucoup d'entre elles paraissent conçues pour qu'on les écoute d'une oreille. En bruit de fond pendant qu'on scrolle sur un autre écran ou qu'on coupe des légumes pour le souper.
C'est sûrement à cause de cet effet «bruit de fond» que la plupart des plateformes de streaming proposent désormais un réglage de vitesse. Ceux qui trouvent que les contenus avancent trop lentement peuvent les regarder en accéléré, jusqu'au double de la vitesse normale.
En un sens, les films trop longs s’accordent donc d’une manière un peu triste avec notre époque, car regarder un film de trois heures en vitesse accélérée ne prend qu'une heure et demie.
Traduit de l'allemand par Anne Castella
