Les fantômes ne sont pas ceux que vous croyez dans ce film Netflix
Edward Berger revient chez Netflix, après avoir mis une grosse claque aux cinéphiles avec A l'Ouest, rien de nouveau. Une réussite critique et publique qui s'est poursuivie avec Conclave, doublé d'une hype certaine qui lui a permis de (re)prendre le chemin des Oscars. Le nom du metteur en scène allemand est désormais couru.
Comme dirait l'autre, il faut battre le fer pendant qu'il est encore chaud. Berger a désormais la bougeotte et accouche de son troisième film en quatre ans. Un rythme de forçat qui se matérialise sous la forme d'un trip dangereusement cardiaque, à la verve parfois similaire à un Nicolas Winding Refn, baignée par les lumières artificielles de Macao. Ballad of a Small Player est généreux dans l'effort, avec ses mouvements de caméra, sa plastique délicieuse et son univers alambiqué, hallucinogène à souhait.
Le récit nous catapulte à Macao, capitale des casinos, un lieu où Lord Doyle (Colin Farrell) est dans la panade et condamné à rembourser ses dettes accumulées. 24 heures, pas plus, pour sauver ses fesses. Autrement, ça part en cacahouète.
Pour narrer les mésaventures du joueur («gambler» en anglais) compulsif, Ballad Of a Small Player époustoufle visuellement et baigne dans les teintes vives de l'atmosphère grandiose du Las Vegas asiatique.
Colin Farrell suffoque jusqu'à la crise cardiaque
Devant la caméra, Colin Farrell, fou à lier dans son costume de joueur compulsif, parlait du récit comme d'«un pouvoir de la réinvention» lors de la promotion du film.
Cette réinvention de Lord Doyle est en fait une constante fuite pour chasser les fantômes de son addiction au jeu. Il est lui-même surnommé un «fantôme étranger» dans une ville qui ne souhaite qu'une chose: l'engloutir et le recracher.
Les cartes sont distribuées, les jeux sont faits, rien ne va plus. Fini la mascarade pour Lord Doyle et ses costumes fancy, les rêves d'argent qui le portaient lui font pleinement défaut. Eclaboussé par les dettes, le voilà sous l'emprise de Dao Ming (Fala Chen), une amante spirituelle rencontrée dans un casino, qui le couchera dans une rédemption forcée, une quête de soi pour une transformation intérieur profonde.
Pour ce fait, il a recours à des subterfuges souvent naïfs pour sauver sa peau. Leurres et dérobades commencent à tomber, un par un. Même s'il continue à se regarder dans la glace de sa salle de bain, c'est les trop rares remises en question qui fissureront le lord et son existence construite sur la honte.
Sombre (et ambiguë) comme le mensonge et le visage affable d'un Farrell dépassé, les lumières vives de Macao sont là pour éclairer les zones d'ombre. Tilda Swinton (trop peu utilisée et parfois grotesque) viendra jouer les reflets, ou les vieux démons du passé pour équilibrer les enjeux d'un film qui ne procure par de grands sentiments d'euphorie.
On est loin des joies disproportionnées d'un all-in gagnant, mais plutôt sur un petit pécule misé sans considération à la roulette. On ramasse notre mise et on retourne se glisser un Dry Martini dans le gosier, sans s'en délecter, simplement pour digérer.
«Ballad of a Small Player» est à découvrir sur Netflix depuis le 29 octobre.
